Canadian Federalism and Treaty Powers: Organic Constitutionalism at Work.

AuthorChevrette, Francois
PositionBook review

Hugo Cyr, Canadian Federalism and Treaty Powers: Organic Constitutionalism at Work, New York, PIE Peter Lang, 2009.

La question de savoir si les provinces canadiennes disposent d'un pouvoir constitutionnel de conclure des traites dans leurs champs de competence en est une qui a ete assez abondamment debattue, a la fois en doctrine et dans les debats d'affaires publiques (1); mais il faut dire d'emblee que le present apport du professeur Hugo Cyr est ce qu'il y a de plus exhaustif et de plus approfondi dans tout ce qui a ete ecrit a ce sujet a ce jour.

Canadian Federalism and Treaty Powers: Organic Constitutionalism at Work (2) est une these de doctorat, legerement remaniee, que ce dernier a soutenue a l'Universite de Montreal en juin 2007 et dont un membre du jury, constitutionnaliste emerite et evaluateur externe, a dit en seance qu'il s'agissait de la meilleure these de doctorat qu'il avait lue dans toute sa carriere. Outre le fait que l'ouvrage debute de la facon la plus vivante qui soit (3), ce qui le distingue de cet aspect aride que l'on prete, a tort et a raison, a bien des dissertations academiques, la these n'en est pas une que par le nom--bien des theses n'etant que de bonnes analyses depourvues de prise de position--, mais aussi par le fond, puisque son auteur defend bec et ongles l'idee que les provinces canadiennes ont le pouvoir de conclure des traites dans les champs de competence qui sont les leurs et que leur pouvoir, bien reconnu, de les mettre en oeuvre legislativement, ne devrait d'aucune facon etre remis en question.

Comme il se doit, je ferai d'abord un rapide survol de l'ouvrage pour ensuite m'appliquer a mettre en relief ce qui constitue, selon moi, ses cinq caracteristiques les plus marquantes.

Je ne reviens pas sur sa stimulante entree en matiere (4), tenant cependant a ajouter que si les mots cadre d'analyse et methodologie sonnent parfois un peu creux a mes oreilles, la dichotomie theorique que Hugo Cyr nous presente en introduction entre une vision volontariste (on pense aux ruptures et recommencements des Etats-Unis et de la France en matiere constitutionnelle) et une vision organique (on pense a une progression plutot qu'a un acte plus ou moins instantane de volonte, le tout a l'anglaise et a la canadienne) me reconcilie avec l'idee d'un cadre theorique, cadre qui, dans le cas present, structure tout le reste du texte en meme temps qu'il pourrait se lire et se mediter isolement. J'y reviendrai.

Tres simplement et tres logiquement, l'etude se divise en deux parties. Dans la premiere, que je chapeauterais du titre >, l'auteur, pour arriver a ce constat, se livre a une analyse approfondie du fameux arret sur les Conventions de travail, tant en Cour supreme du Canada qu'au Comite judiciaire du Conseil prive (5), et de la jurisprudence un peu tortueuse qui l'a precede (6). La deuxieme partie est a triple volet. Elle comporte d'abord un volet negatif, oU l'auteur ne se contente pas de refuter tous les arguments legaux traditionnellement avances a l'appui d'une competence federale exclusive en matiere de conclusion de traites, mais presente plusieurs arguments fonctionnels (ou de policy) a l'encontre d'une telle competence. Le volet positif, quant a lui, s'attarde d'abord a decrire avec minutie l'implication des provinces canadiennes dans les relations internationales. Cela fait, l'auteur s'interroge sur la legalite de ces implications, tant au regard du droit constitutionnel que du droit international. C'est l'occasion pour lui d'avoir recours, un peu a la facon dont il l'a fait sous le volet negatif, a des arguments fonctionnels et meme a certains appels a la theorie des jeux, le tout au soutien du pouvoir des provinces de conclure des traites dans leurs champs de competence. Le troisieme volet de cette deuxieme partie pourra, en premiere analyse, surprendre puisqu'il n'y est plus question de la conclusion des traites, mais bien de leur mise en oeuvre legislative. Il est bien etabli, depuis l'arret sur les Conventions de travail du Comite judiciaire (7), que la mise en oeuvre legislative des traites portant sur des sujets de competence provinciale releve des provinces. Mais comme certains juristes souhaiteraient que la Cour supreme modifie cela au profit du Parlement federal, Hugo Cyr a cru approprie de demontrer avec force, premierement, l'absence de fondement legal a un tel revirement, deuxiemement, ses inimaginables consequences sur l'equilibre du federalisme, et troisiemement, l'extreme difficulte d'operer pareille revolution meme en passant par la voie de l'amendement constitutionnel.

Voila pour l'ossature de ce livre. Ajoutons-y maintenant la chair et les muscles! J'espere pouvoir donner une idee de la profondeur et de l'originalite de cette importante reflexion en centrant mes commentaires autour de ses cinq caracteristiques selon moi les plus marquantes: l'exhaustivite de l'analyse (I), l'originalite de la methode (II), un solide encadrement theorique (III), une bonne place a l'analyse fonctionnelle (IV) et, enfin, une fructueuse erudition (V).

  1. L'exhaustivite de l'analyse

    Hugo Cyr detient son double diplome de premier cycle en droit de la Faculte de droit de l'Universite McGill, auquel se sont ajoutes une maitrise en droit de Yale et un doctorat en droit de l'Universite de Montreal. Qu'on me permette de dire que son livre est une bonne illustration de cette magnifique pensee d'Euripide que la Faculte de droit de McGill a eu le genie de faire graver dans la pierre, a droite de l'entree principale de la Bibliotheque de droit et qu'on a fort exactement traduite en anglais par > (la citation en grec est la aussi, de meme que sa traduction francaise). L'exhaustivite de l'analyse de l'auteur frappe des la premiere partie, que j'ai titree precedemment par l'expression >. De l'important avis consultatif du Comite judiciaire sur les Conventions de travail, on dit a peu pres toujours la meme chose, a savoir qu'on y a reconnu la competence des provinces sur la mise en oeuvre legislative des traites ayant un objet provincial. Mais ici, ce sont aussi les argumentations des gouvernements federal, de I'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Colombie-Britannique devant le Comite judiciaire qui sont decortiquees, comme le sont les opinions des six juges ayant participe au jugement de la Cour supreme ainsi, bien entendu, que l'avis de Lord Atkin pour le Comite judiciaire. Rien donc n'est neglige pour cette cruciale remise en contexte, et c'est ce que j'appelle du vrai scholarship (8).

    De cette minutieuse analyse, retenons trois choses. D'abord la curieuse pirouette de l'Ontario qui, apres avoir mis de l'avant tous les arguments favorisant les provinces, concede que la theorie des dimensions nationales, derivee du paragraphe introductif de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 (9), habilite le Parlement federal a mettre en oeuvre legislativement les traites portant sur des sujets de competence provinciale! Plus importante est ensuite la demonstration, par Hugo Cyr, que le jugement de la Cour supreme, au contraire d'une opinion assez largement repandue, n'est aucunement concluant quant a la competence federale exclusive de conclure des traites, meme ceux portant sur des sujets provinciaux. Pour l'essentiel, la demonstration consiste a faire voir que les arguments sur la base desquels trois des six juges ayant participe au jugement (le juge en chef Duff et les juges Davis et Kerwin) ont conclu a une competence federale generale sur la conclusion et la mise en oeuvre des traites, competences indissociables l'une de l'autre selon eux, ont tous ete rejetes sur appel au Comite judiciaire, l'opinion de deux autres juges (les juges Crocket et Cannon) favorables a une competence federale generale sur la conclusion des traites n'etant qu'obiter dicta puisque sur la question en litige--celle de savoir si les provinces peuvent mettre en oeuvre legislative des traites a objets provinciaux--ils ont repondu affirmativement et que cela suffit. Ne poussons pas plus loin le resume de l'analyse de l'auteur, si ce n'est pour souligner que celle qu'il fait de l'avis de la Cour supreme n'est jamais dissociee de l'avis que devait rendre le Comite judiciaire un an plus tard--ce qui est juridiquement irreprochable (10) --et que sur certains points assez secondaires, il me semble forcer quelque peu la note (11.)

    Arrivons au troisieme element de cette mise en contexte. Hugo Cyr veut ici demontrer que l'avis du Comite judiciaire n'appuie aucunement la these d'une competence federale exclusive en matiere de conclusion de traites et qu'il constitue plutot une infirmation implicite (> (12)) de l'avis de la Cour supreme a ce sujet. Or, l'auteur a l'honnetete de reproduire (13) un extrait de l'avis du Comite judiciaire ou ce dernier, en insistant, d'une part, sur la competence provinciale de mise en oeuvre legislative des traites a objets provinciaux et en ecartant, d'autre part, l'idee d'un parallelisme parfait entre le pouvoir de conclure et le pouvoir de mettre en oeuvre, peut sembler laisser entendre que le pouvoir de conclure, lui, n'est pas divisible et qu'il appartient en totalite au gouvernement central. Mais comme aucun argument n'est soumis par Lord Atkin a l'appui de cette position, par ailleurs plus qu'incertaine, l'auteur reporte son analyse a la deuxieme partie de son...

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