La fiducie francaise ou le reveil chaotique d'une "belle au bois dormant".

AuthorBarriere, Francois
PositionThe Civil Law Trust/La Fiducie en Droit Civil

The trust, already known in Roman law, was a much-anticipated institution in France. Without waiting for its recognition as a nominate institution, numerous juridical techniques imitated its traits, though they applied only to specific domains. The introduction of the nominate trust should therefore have been, rather than a juridical revolution, a peaceful evolution within French law. But it was nothing of the sort. Its birth has been chaotic. It is diminished form of the trust that was born. Its scope of application was narrowly defined, illustrating persistent fears, notably with respect to taxation, and placing regrettable constraints on the ability to be a constituting party. The trust's departure from the traditional unity of the patrimony was, however, accomplished from the very beginning. And the nature of the rights enjoyed by the trustee has never failed to give rise to debate. The quality of the legislative text initially passed by the French parliament left much to be desired, an illustration of a broader modern phenomenon. Progressively, the legal framework improved. The legal regime was refined and today has stabilized and offers a coherent view of the trust as an institution: perhaps a sign that the introduction of this "sleeping beauty" within civilian environments may require a subsequent period of acclimatization.

La fiducie, connue deja de Rome, a longtemps ete esperee en France. Sans attendre sa reconnaissance sous forme d'institution nommee, de nombreuses techniques juridiques en portaient tous les traits, avec certes un domaine d'application specifique. Moins qu'une revolution juridique, l'introduction de la fiducie nommee aurait alors du etre une evolution paisible du droit francais. Il n'en fut rien. Sa naissance a ete chaotique. C'est une petite fiducie qui est nee. Son champ d'application etait, alors, etroitement limite, illustration de craintes persistantes de l'administration fiscale notamment avec une discrimination de capacite quant aux constituants regrettable. La rupture avec l'unite du patrimoine a toutefois ete consommee des [origine. Et la nature du droit detenu par le fiduciaire n'a pas manque de donner lieu a debat. La qualite du texte legislatif initialement vote laissait a desirer, illustration d'une tendance des temps modernes. Progressivement, le cadre legal s'est ameliore; le regime juridique s'est affine pour aujourd'hui s'etre stabilise et offrir un corpus davantage coherent a l'institution fiduciaire. Cela est peut-etre signe que l'introduction de cette > dans un terreau de droit civil a besoin de temps pour s'acclimater.

Introduction I. Une logique apparente A. Un equilibre manifeste B. Le bouleversement apparent 1. La propriete 2. Le patrimoine II. Une petite fiducie en voie d'expansion A. Le constituant : d'une heresie a la raison B. Le fiduciaire : des etablissements financiers puis des avocats, mais pas les notaires! C. La finalite de la fiducie : une polyvalence a ne pas exonerer III. Le manque de coherence de la loi instituant la fiducie A. Une fiducie permeable B. Le traitement du passif fiduciaire Introduction

Le mecanisme fiduciaire implique le transfert de droits patrimoniaux par une personne (le constituant) a une autre (le fiduciaire) dans le but de realiser une affectation determinee au profit d'un beneficiaire. Connue sous Rome, la fiducia disparut, n'offrant pas une protection suffisante des interets en cause (1). En Angleterre, a l'inverse, le trust, mecanisme similaire sous bien des aspects et modele de toutes pieces par la jurisprudence, connut un essor certain au Moyen-Age pour ne jamais en dementir. Il a fallu attendre une epoque tres recente pour que cette > qu'est la fiducie sorte de l'ombre en France (2), notamment sous la concurrence que le trust anglo-americain livrait au systeme de droit francais qui ne connaissait pas d'equivalent (3).

La pratique a vivement sollicite un instrument similaire, mettant en exergue ce manque de competitivite du systeme francais. Des entreprises francaises ont delocalise des operations hors de France, au motif que le trust anglo-americain repondait davantage a leurs besoins. La multiplication d'equivalents au trust dans des pays de. droit civil (tres nombreux pays d'Amerique latine ou du Sud, le Luxembourg, la Russie, ou encore le Liban et, bien sur, le Quebec, sans oublier plus recemment la Roumanie et demain la Republique Tcheque) livrait une concurrence supplementaire.

Si le droit francais a attendu le 21e siecle pour consacrer officiellement la fiducie, il serait faux de croire que l'institution n'existait pas au prealable. Certes, aucune institution ne portait ce nom. Mais, deja, des fiducies >--qui ne beneficient pas du nom de fiducie, mais qui en ont toutes les caracteristiques et qui en suivent le regime--existaient. En effet, des institutions permettaient, comme la fiducie regie par le Code civil, le transfert d'une propri.ete devenue finalisee, affectee a la realisation d'un objet particulier, parfois meme localisee dans un patrimoine d'affectation. Le >, qui implique le transfert de la propriete de sommes d'argent d'un debiteur au creancier en garantie de dettes, en est un exemple. La cession de creances > a titre de garantie en est un autre: la propriete de la creance est transferee a titre de garantie d'une dette au profit d'un etablissement de credit. C'est aussi le cas des suretes-proprietes issues de la directive europeenne 2002/47/CE (4) dites >. En effet, a titre de garantie des obligations financieres, des remises en pleine propriete notamment d'instruments financiers sont autorisees (5).

Bref, en particulier dans le domaine bancaire et financier sous couvert de noms specifiques, a l'ombre de l'institution officielle, les praticiens avaient deja obtenus du legislateur qu'il consacre en droit francais la fiducie. Certes, jamais sans citer officiellement son nom. Mais le resultat etait la : les traits saillants de la fiducie s'y retrouvaient (transfert de propriete et affectation de celle-ci a une fin particuliere), preuve, s'il en fallait encore, que la fiducie etait souhaitee par les praticiens. Evidemment, on regrettera la multiplication des textes de lois, l'eclatement des sources du droit de la fiducie entre la fiducie > et les innombrables fiducies >. Un regime unique de la fiducie aurait suffit! Cette > a eu un reveil bien chaotique! C'est une proposition de loi du senateur Philippe Marini du 8 fevrier 2005 qui remet a l'ordre du jour cette Arlesienne du droit francais. Cette proposition devient la Loi n[degrees] 2007-211 du 19 fevrier 2007 instituant la fiducie (6) et cree un nouveau titre dans le code civil.

Au gre de l'acclimatation de la fiducie en France, de nouvelles perspectives de son utilisation apparaissent. Ainsi, alors que l'economie est chancelante apres la violente secousse de la crise financiere de septembre et octobre 2008, la manne petroliere (et ses flux de tresorerie) serait un moyen de dynamiser la reprise, qui se fait attendre, si elle etait investie en France. La France, tout comme d'autres Etats (le Royaume-Uni, notamment), s'interesse aux potentialites de la finance dite >, c'est-a-dire qui respecte les principes de la Charia (en particulier l'interdiction de l'interet) (7). Le ministere de l'Economie et des Finances voit dans la fiducie l'instrument juridique qui permettrait de satisfaire ces exigences. Les applications pratiques, actuelles ou a venir, de la fiducie demontrent la tres grande polyvalence de cet instrument.

La Loi instituant la fiducie permet ainsi a la fiducie d'echapper a l'ombre dans laquelle elle fut plongee, mais ce n'est que timidement qu'elle est entree dans la lumiere en 2007. Certes, l'institution creee (8) repond a la definition du trust, telle que resultant de l'article 2 de la Convention relative a la loi applicable au trust et a sa reconnaissance (9) du 1er juillet 1985 (10). A savoir, d'abord, que les biens > (11). Ensuite, que > (12) de la fiducie ou du trust est etabli au nom du fiduciaire-trustee. Enfin, que le fiduciaire-trustee est > (13) de l'acte de trust ou du contrat de fiducie et selon les regles particulieres imposees pas la loi. Son domaine, a l'origine, etait toutefois beaucoup plus restreint que le trust et l'est toujours aujourd'hui, meme si c'est dans une moindre mesure. Ce n'est egalement qu'avec le temps que les potentialites de l'institution seront pleinement maitrisees. Deux finalites principales de la fiducie peuvent toutefois deja etre relevees : celle ou le fiduciaire aura une charge de gestion du bien (fiducie-gestion) et celle ou il detiendra le bien remis en fiducie en garantie d'une dette (fiducie-surete), sachant que l'une et l'autre pourront se melanger, certaines operations de garantie sur le moyen terme pouvant impliquer une gestion quasi quotidienne des biens mis en fiducie par exemple.

La fiducie a ete votee en fevrier 2007 et fut plusieurs fois modifiee depuis. La succession incessante des modifications du regime de la fiducie (en moyenne, une par semestre!) illustre l'instabilite generale du droit moderne, peut-etre aussi les difficultes d'acclimater cet outil si particulier qu'est la fiducie en France. Ces valses rythmees des dispositions legislatives sont d'autant plus curieuses que le decret prevu par la loi, devant instituer un registre national des fiducies (devant essentiellement servir de base de controles pour les administrations) n'est paru qu'en mars 2010.

Malgre la logique apparente de la fiducie francaise (I), sa naissance fut chaotique. Ce ne fut qu'une petite fiducie qui vit le jour, laquelle s'est depuis etendue, ce qui s'illustre par un champ d'application severement restreint puis rapidement assoupli (II). Un certain manque de coherence de la Loi du 19 fevrier 2007 est aussi a deplorer, meme s'il tend a decroitre au gre des interventions legislatives et que le contrat de fiducie pourra souvent y palier (III).

  1. Une logique apparente

    La loi instituant la fiducie...

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