L'influence therapeutique de la perception de justice informationnelle et interpersonnelle sur les symptomes de stress post-traumatique des victimes de crimes.

AuthorMorissette, Myriam
PositionCanada

Introduction

Les donnees sur les sondages de victimisation revelent qu'annuellement, environ sept millions de Canadiens de plus de 15 ans sont victimes d'un acte criminel (Perreault et Brennan 2010). Au Canada, d'apres l'Enquete sociale generale (ESG) de 2009, la majorite (70 %) des repondants ont ete victimes de crimes de nature non violente (vols de biens personnels, introduction par effraction, etc.). Aussi, en ce qui concerne la victimisation violente au Canada, les donnees montrent que les voies de fait (19 %), l'agression sexuelle (8 %) et le vol qualifie (4 %) sont les principaux crimes recenses chez les repondants (Perreault et Brennan 2010). Les resultats de plusieurs recherches portant sur les impacts d'un crime sur la victime ont permis d'etablir que les personnes peuvent souffrir de multiples consequences : emotionnelles, psychologiques, economiques, sociales, physiques et existentielles (Brewin, Andrews, Rose et Kirk 1999; Parsons et Bergin 2010). Cependant, les victimes peuvent egalement subir une victimisation secondaire (Symonds 2010; Laxminarayan 2013). En effet, les reactions de l'entourage de la victime (conjointe ou conjoint, amis, etc.) et des acteurs legaux (ex. : policiers) lors du processus penal peuvent engendrer une seconde victimisation et ainsi aggraver l'etat psychologique de la victime ou creer une perception d'injustice (Herman 2003).

La jurisprudence therapeutique est une approche provenant du droit en sante mentale et qui concerne l'impact des lois et des acteurs legaux sur les personnes impliquees dans le systeme judiciaire (Herzog-Evans 2011). Selon Waldman (1998), les procedures considerees comme etant justes sont therapeutiques et les procedures percues comme etant injustes ont un impact anti-therapeutique. Ainsi, des procedures reduisant le risque d'une seconde victimisation sont therapeutiques. Cet article porte sur la notion de justice comme facteur therapeutique. Nous avons cherche a determiner l'influence qu'a, sur le retablissement psychologique des victimes, la qualite du traitement recu des policiers, eu egard a la justice informationnelle et interpersonnelle (Colquitt 2001). Pour atteindre notre objectif, nous avons examine la diminution des symptomes de stress post-traumatique dans les mois suivant la denonciation du crime.

Revue de litterature

Les consequences emotionnelles et psychologiques

A la suite d'une victimisation criminelle, pres de 80 % des victimes vont eprouver des reactions emotionnelles diverses (Perreault et Brennan 2010). Selon les resultats d'un sondage de victimisation effectue au Canada, la reaction emotionnelle la plus frequemment ressentie a la suite d'un crime serait la colere, suivie de la frustration ou de la confusion (Perreault et Brennan 2010). Les resultats de plusieurs etudes ont permis de montrer l'etendue des prejudices emotionnels et psychologiques que peut entrainer une victimisation criminelle : manque de concentration, irritabilite, phobies diverses (ex. : agoraphobie, phobie sociale), etat de stress post-traumatique, apathie, desinvestissement des relations, idees suicidaires, etc. (Janoff-Bulman et Hanson Frieze 1983; Davis, Taylor et Lurigio 1996; Brewin, Andrews et Valentine 2000; Boudreau, Poupart, Leroux et Gaudreault 2009; Perreault et Brennan 2010). L'etude de Cyr (2009), menee aupres de victimes dont le dossier a traverse toutes les etapes du processus penal au Quebec, montre egalement la presence de colere (28 %) et de frustration ou de confusion (23 %) parmi les reponses des victimes. De plus, 68 % des repondants ont affirme avoir ressenti une peur intense, 42 % ont eu une sensation de choc, 17 % souffraient d'anxiete et 23 %, de depression. Mentionnons enfin que 23 % des victimes ont eprouve de la deception et 21 % de la honte a la suite du crime. Ces reactions emotionnelles (colere, sensation de choc, peur intense, etc.) sont normales et generalement les symptomes vont disparaitre rapidement. Cependant, chez certaines personnes, les symptomes persistent pendant des semaines, des mois et meme des annees apres la victimisation criminelle.

L'etat de stress post-traumatique (ESPT) est une reaction psychologique qui peut se manifester a la suite d'un evenement traumatique comme un acte criminel. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR) de l'American Psychiatrie Association (2000) definit un evenement traumatique en fonction de deux criteres : 1) la personne doit avoir vecu ou ete temoin d'un evenement pendant lequel il y a eu un risque de mort, de blessure grave ou une menace a l'integrite physique pour soi-meme ou autrui, 2) la personne doit avoir ressenti de l'horreur, de l'impuissance ou une peur intense (APA 2000).

Pour etablir un diagnostic d'etat de stress post-traumatique, trois autres criteres doivent etre presents sur une periode de plus d'un mois (1). La duree des symptomes ainsi que le temps ecoule entre l'evenement traumatique et l'apparition des symptomes permet de diviser l'ESPT en trois categories : 1) ESPT aigu (duree des symptomes : moins de trois mois), 2) ESPT chronique (duree des symptomes : trois mois ou plus), 3) ESPT avec survenue differee (symptomes apparaissant au moins six mois apres l'evenement) (APA 2000). La prevalence de l'ESPT dans la population generale est de 1 a 15,2 %. Par contre, dans une population a risque comme les anciens combattants de l'armee ou les personnes ayant subi une victimisation criminelle, la prevalence d'ESPT est de 30 a 45 % (Institut universitaire en sante mentale de Montreal 2014). On remarque egalement que le taux de prevalence d'ESPT peut varier selon le type de victimisation : entre 35 % et 70 % parmi les victimes de viol, entre 2 % et 58 % chez les victimes d'agression physique et de 18 % a 28 % pour les victimes de vol arme (Kilpatrick, Saunders, Amick-McMullan, Best, Veronen et Resnick 1989; Kessler, Sonnega, Bromet, Hughes et Nelson 1995). Dans l'etude de Cyr (2009), menee au Quebec aupres de victime d'actes criminels, la prevalence des symptomes de stress post-traumatique etait de 45 % lors de la premiere evaluation, environ cinq mois apres le crime.

L'etat de stress post-traumatique (ESPT) est une des consequences de la victimisation criminelle les plus documentees dans la recherche scientifique (Brewin et coll. 1999; Brewin et coll. 2000; Parsons et Bergin 2010). Les resultats de plusieurs etudes montrent que l'ESPT est significativement associe avec le fait que le crime soit de nature sexuelle, le fait d'avoir subi plus d'un evenement traumatique ainsi que la severite de l'evenement traumatique (Perkonigg, Kessler, Storz et Wittchen 2000; Brewin et coll. 2000). Aussi, les victimes de crimes violents, qui ont subi des blessures physiques ou qui ont percu un danger pour leur integrite physique, sont plus susceptibles de developper un ESPT (Brewin et coll. 1999). De plus, le manque de soutien social (de la part de l'entourage, par exemple) et les antecedents psychiatriques ou d'abus durant l'enfance sont egalement des facteurs de risque lies au developpement d'un etat de stress post-traumatique (Brewin et coll. 2000; Perkonigg et coll. 2000).

L'importance de l'information

Selon les caracteristiques du crime et de la victime, differents besoins peuvent apparaitre immediatement apres le delit ou au cours d'une periode de temps plus ou moins longue. Les besoins des victimes identifies dans le cadre de la recherche sont : besoin d'information, besoins pratiques, besoin de reparation, besoin de soutien psychosocial, besoin d'un statut dans le systeme penal et besoin de protection (Wemmers 2003).

Parmi ces besoins, celui concernant l'information est primordial puisqu'il est relie a tous les autres besoins que peuvent eprouver les victimes au cours du processus (Baril 2002 [1984]). En effet, les victimes bien informees des reactions potentielles a la suite d'une victimisation sont davantage en mesure de normaliser les symptomes qu'elles risquent d'eprouver ulterieurement. Aussi, la connaissance du fonctionnement du systeme de justice penale (procedures, determination de la peine, etc.), de l'evolution de leur dossier et de la forme de participation dont elles peuvent se prevaloir (declaration de la victime) ainsi que de leur role en tant que temoins permet aux victimes de se sentir plus en controle et de reduire leur anxiete (Frazier et Haney 1996; Carr, Logio et Maier 2003; Gray 2005; Boudreau et coll. 2009). En plus de rassurer la victime et de diminuer son sentiment d'impuissance, l'information renforce sa confiance envers le systeme de justice penale et son desir de le soutenir. La notification aux victimes du deroulement des procedures par les acteurs legaux est percue comme faisant partie d'un traitement juste et equitable (Wemmers 1996; 1999). Il semble que les victimes informees soient plus satisfaites des autorites et du systeme judiciaire, peu importe l'issue du processus penal (Wemmers 1996).

Les policiers ont un role important a jouer dans la transmission de l'information aux victimes et ont la responsabilite d'etre attentifs a leurs besoins (Seymour, Gaboury, et Edmunds 2002; Cyr 2009). Ils sont les premiers acteurs du systeme penal avec lesquels les victimes sont en contact puisque le depot de la plainte est la premiere etape du processus judiciaire; souvent, ils sont meme les seuls avec qui les victimes auront une interaction (Herman 2003). Ainsi, les policiers constituent une source d'information essentielle pour les victimes.

Cependant, la recherche revele le manque flagrant d'informations transmises aux victimes au cours du processus judiciaire (Kilpatrick, Beatty et Howley 1998; Brienen et Hoegen 2000; Wemmers et Cyr 2006; Davis et Mulford 2008). Par ailleurs, plusieurs etudes menees par Campbell, Wasco, Ahrens, Sefl et Bames (2001) et Campbell (2005, 2006) sur les victimes d'agression sexuelle montrent que celles-ci ne recoivent pas des policiers les services dont elles ont besoin. Aussi, les...

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