La place reservee a l'avis des peuples autochtones dans le cadre du processus de prise de decision concernant le plan nord ou l'exploitation du nord quebecois: perspective juridique interne et internationale.

AuthorFarget, Doris
PositionAbstract through II. L'interet des normes promues par l'ordre juridique international et par le systeme interamericain A. La categorie ' projet de developpement d'envergure': forces et limites dans le contexte de 1'exploitation du Nord quebecois, p. 595-623

This article compares domestic and international standards concerning the importance attached to taking indigenous peoples' views into account when government decisions or policies have the potential effect of encroaching upon their lives, territories, or rights. This article highlights some of the ambiguities related to these standards' interpretation and emphasizes possible solutions.

It aims at demonstrating that the Canadian regime of consultation should take into account indigenous peoples' opinions more efficiently. To do so, it underlines the interests of the right to free, prior, and informed consent as a tool supporting conciliation, encouraging large-scale projects' acceptability, and enhancing indigenous peoples' status as collaborators. The article also promotes an innovative interpretation of international standards and serves as a reminder of their interaction with domestic law.

Cet article presente les normes de droit interne et international encadrant la prise en compte de l'avis des peuples autochtones lorsque des decisions gouvernementales sont susceptibles d'avoir un impact sur leurs vies, leurs territoires ou sur leurs droits. L'article met en lumiere certaines ambigu'ites quant a l'interpretation de ces normes et propose des pistes de solution afin d'y remedier.

II tend a demontrer que le regime de consultation en place au Canada devrait prendre en compte l'avis des peuples autochtones de maniere plus importante. Pour ce faire, les auteures mettent en lumiere les interets du droit au consentement prealable, libre et eclaire, outil de conciliation, oeuvrant a l'acceptabilite de projets d'envergure et a la prise en compte des peuples autochtones en tant que partenaires de ceux-ci. L'article propose egalement une interpretation novatrice des normes de droit international et rappelle qu'elles peuvent asseoir l'integration du droit au consentement en droit interne.

Introduction I. La place equivoque des peuples autochtones dans le processus de prise de decision lie au Plan Nord A. Le droit conunun a la consultation: un droit lacunaire B. Les ambiguites dans la mise en oeuvre du Plan Nord 1. Le decalage entre les discours politique et juridique sur la place des peuples autochtones dans le processus de prise de decision 2. Le manque de representativite des parties avec lesquelles Quebec a negocie II. L'interet des normes promues par l'ordre juridique international et par le systeme interamericain A. Lacategorie > : forces et limites dans le contexte de l'exploitation du Nord quebecois B. Le droit a J'obtention du CPLE : genese d'une norme d'interet dans le cadie de 1'exploitation du Nord quebecois 1. Signification du droit au CPLE 2. Les conditions d'application du droit au CPLE : des interpretations ambigues 3. Mise en oeuvre des conditions d'application dans le cadre du Plan Nord C Une certaine conv ergence du droit international quant au role de l'Etat III. L'interaction entre le droit international et le droit inteme Conclusion Introduction

Le 9 mai 2011, le gouvernement liberal de Jean Charest devoilait son projet politique pour le nord du Quebec : le Plan Nord (1). Vaste projet de developpement territorial, il vise a mettre en valeur le potentiel energetique, minier, forestier et touristique de l'espace qui se situe au nord du 49e parallele. Le gouvernement liberal projetait d'appliquer le plan a 72 % de la superficie totale de la province, ce qui se traduit alors en un total de 120 000 personnes affectees, dont 33 000 Autochtones (2), pour un total de 63 villes, villages et communautes. Ce projet d'exploitation d'envergure devrait porter sur de nombreuses ressources naturelles, notamment minerales (comprenant aussi des elements de terres rares) (3), forestieres (4), hydrauliques et eoliennes (5).

Dans le cadre dun tel projet, qu'il soit libelle de Plan Nord, Developpement nordique ou Le Nord pour tous, le gouvernement du Quebec dit vouloir assurer un developpement economique respectueux des ecosystemes et des populations locales. Le developpement du Nord quebecois peut, en effet, comporter des avantages multiples pour les populations autochtones et plus largement pour les populations locales : resolution de problemes sociaux, economiques et sanitaires; creation de nouveaux logements; creation d'emplois et acces a la formation; installation d'infrastructures de sante, d'education et autres; developpement economique; expansion de l'entrepreneuriat autochtone ou encore protection du patrimoine. Le Plan Nord pourrait aussi etre l'occasion revee de concretiser une nouvelle relation entre les peuples autochtones et l'Etat, qu'il soit federal ou provincial, c'est-a-dire une relation basee sur la confiance, la loyaute et le dialogue d'egal a egal (6). Pourtant, dans son etat actuel, ce projet comporte de nombreuses incertitudes pour les droits des Premieres nations dont le territoire est affecte (7).

Le territoire traditionnel de six Premieres nations sur onze enracinees au Quebec coincide avec celui du Plan Nord a l'oeuvre. II s'agit de celui des Innus, des Anishnabes, des Atikamekws, des Inuits, des Cris et des Naskapis. Les trois dernieres Nations voient leurs droits proteges par la Convention de la Baie-James et du Nord Quebecois (8) et par la Convention du

Nord-Est quebecois (9), deux ententes conclues au sens de l'article 35(3) de la Loi constitutionnelle de 198210. La premiere eteint tous les droits ancestraux existants et potentiels sur le territoire de la Baie-James (11). De plus, le 24 juillet 2012 la nation Crie a signe avec le gouvernement du Quebec l'Entente sur la gouvernance dans le territoire d'Eeyou Istchee BaieJames (12). Celle-ci donne naissance a un gouvernement regional compose a egalite de membres de la nation Crie et de Jamesiens, qui disposera de competences accrues en matiere de gestion du territoire et des ressources (13). Trois autres nations revendiquent, en revanche, des droits ancestraux et des titres aborigenes potentiels, c'est-a-dire non encore reconnus par les instances etatiques, mais que ces nations considerent neanmoins comme etant inherents a leur souverainete. II s'agit des nations Innue (14), Atikamekw (15) et Anishnabe (16), qui n'ont pas encore conclu d'entente definitive ayant valeur constitutionnelle pour regler leurs revendications territoriales globales avec le gouvernement. Ces trois Nations se sont vues imposer en 1975 l'extinction de leurs droits sur le territoire couvert par la Convention de la Baies-James et du Nord Quebecois (17), sans meme avoir pu participer aux negociations ayant mene a cette entente (18). En raison de l'injustice causee, elles continuent a revendiquer leurs droits sur une partie du territoire d'application de la Convention de la Baie-James, a Test de la frontiere du territoire d'application de ladite convention, ainsi qu'au nord du 49e parallele, sur le territoire du Plan Nord (19).

Bien que le Parti liberal du Quebec soit passe a l'opposition parlementaire, et ce de septembre 2012 a avril 2014, l'exploitation du nord de la province est demeure d'actualite sous le gouvernement pequiste de Pauline Marois (20). Ce projet, qu'il soit nomme Plan Nord ou Le Nord pour tous, a ainsi continue a deployer ses effets. Dans ce contexte, il parait important de mettre en lumiere deux problemes qui sont apparus au cours des derniers mois dans le cadre de la presentation et du developpement du Plan Nord.

Le premier a trait a l'ambivalence des interpretations, plus ou moins genereuses, quant a la place que devrait occuper l'avis des peuples autochtones dans le processus decisionnel et la facon dont cet avis devrait etre recueilli. A ce propos, on constate en premier lieu qu'il n'y a pas d'homogeneite parfaite dans les positions des peuples autochtones. Cellesci peuvent varier en fonction du contexte, de la communaute interrogee; mais aussi a l'interieur meme de chaque nation. Neanmoins, plusieurs peuples autochtones au Canada se positionnent en faveur de l'obtention par l'Etat du consentement prealable, libre et eclaire (CPLE). En effet, selon plusieurs organisations dont trois representent des peuples du Quebec, la norme minimale en la matiere est l'obtention du CPLE (21). En second lieu, force est de constater que le droit international ne repond pas clairement a la question. Certaines dispositions de la Declaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones font reference a la fois aux notions de > et de > (22), laissant ainsi place a ce que Kenneth Deer a appele >. En troisieme lieu, soulignons que la Cour supreme du Canada, dans l'arret Nation haida c. Colombie-Britannique (Ministre des forets), a consacre le droit a la consultation tout en s'opposant a la reconnaissance d'un quelconque droit de veto aux peuples autochtones dans le cadre du processus decisionnel (23). Mentionnons finalement qu'au cours des derniers mois de mise en oeuvre du Plan Nord certains representants autochtones ont ete invites aux tables de negociations par le gouvernement

du Quebec, mais que ces derniers ne font cependant pas l'unanimite au sein des nations ou des communautes au nom desquelles ils se sont positionnes. Nous y reviendrons.

Le second probleme porte sur les lacunes du regime de consultation en place au Canada. Pour certains, la consultation est tout simplement une norme inadequate. Kenneth Deer, au nom de plusieurs organisations canadiennes, en donnait clairement la raison, lors de la 10e session de l'lnstance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. II indiquait ce qui suit:

Replacing the established standard of consent with the lesser standard of consultation would mean that at the conclusion of such a process taking place, governments or corporations would continue to be free to act in their own interests and the interests of other powerful sectors of society--while unilaterally and arbitrarily ignoring the decision taken by Indigenous peoples. This is contrary to the very purpose of FPIC (24). II...

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