Abus et Propriété Intellectuelle ou du Bon Usage des Droits

AuthorPierre-Emmanuel Moyse
Pages114-136
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Abus et Propriété Intellectuelle ou du Bon
Usage des Droits
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 : Intellectual property is ubiquitous, is the cause of all things,
and we oen blame it when problems arise. Its omnipresence is a measure
of its sophistication, which can make it particularly harmful. It is embroiled
in everything and is dicult to explain. This is in part due to its specialized
and highly inaccessible nature, traits that are encouraged and maintained
by those who have a vested interest, such as lawyers, and because of it, legal
norms become meaningless. The law, in intellectual property, serves many
masters and many interest groups. This law is truly a “balancing act.” In-
tellectual property, therefore, is not in charge, and its normative function
is reduced to functional arbitration of conicts. Law is not a means to an
end other than compromise. Yet, at the beginning of the twentieth century,
an era during which we sought to enrich the law with contributions from
other disciplines, we cling to a belief in functional rights and the possible
instrumentalisation of intellectual property law in the public interest. This
chapter attempts to rehabilitate the idea of the “spirit of the rights,” with the
goal, perhaps, of preventing antisocial uses of intellectual property rights.
: La propriété intellectuelle s’immisce dans toutes les matières,
elle est de toutes les causes et on lui attribue tous les maux. Son omnipré-
sence est désormais à la mesure de sa sophistication, ce qui peut la rendre
1 Ce projet a pu être mené à terme grâce au soutien du Fond de recherche du Québec sur la
société et la culture.
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particulièrement nocive. Elle se mêle de tout et s’explique mal. Et ceci est
en partie dû à sa spécialité, trait entretenu par ceux qui y ont intérêt, juristes
compris, et qui conduit à une perte de sens. La loi, en propriété intellectuelle,
sert plusieurs maîtres, plusieurs groupes d’intérêts, elle est un acte d’équi-
libre dit-on, « a balancing act ». De ce fait, elle n’est plus guère directrice et
sa fonction normative se réduit à des vertus fonctionnelles arbitrales. La loi
n’est pas un moyen vers une n autre que le compromis. Pourtant, au dé-
but du vingtième siècle, à une époque où l’on cherchait à enrichir le droit
des apports des autres sciences, on croyait encore aux droits-fonctions, à
sa possible instrumentalisation à des ns d’intérêt public. Ce texte tente de
réhabiliter l’idée d’ « esprit des droits » an, peut-être, de prévenir les usages
asociaux des droits intellectuels.
Les droits intellectuels, par la variété et la multiplicité des objets qu’ils visent,
sont de plus en plus souvent invoqués à l’appui de prétentions infondées ou
d’actions qui auraient dû trouver leur base juridique ailleurs que dans les
recours choisis. Dans le premier cas, on parlera d’abus ou de détournement
de droits intellectuels; dans le second de cumul de droits intellectuels. Le
langage de l’abus2 nous transporte naturellement vers la théorie civiliste
du même nom, l’abus de droit. De nombreuses causes intéressant notre
matière, la propriété intellectuelle, y font désormais référence3. Les études
sur les chevauchements des droits de propriété intellectuelle, « intellectual
property overlaps », se multiplient également4. Envahissante, la propriété
intellectuelle s’immisce dans toutes les matières: informatique, biotechno-
logie, commerce, etc. On lui reproche d’ailleurs son appétit. Elle s’ingénie
à transformer toute chose, toute impulsion créative, en bien juridique. Son
omniprésence ne peut être ignorée.
Au Canada comme ailleurs, les projets de réforme législative se suc-
cèdent, transposant son insatiable ambition en autant de lois et d’amen-
dements. Mais son expansion n’occupe pas seulement les recueils de lois.
L’expansion est également conceptuelle. Elle détourne le régime de la pro-
2 Voir Jason Mazzone, Copyfraud and Other Abuses of Intellectual Property Law, Stanford,
Stanford University Press, 2011.
3 Au Canada, deux jugements récents en propriété intellectuelle font expressément
référence à la théorie de l’abus: Euro-Excellence Inc c Kraft Canada Inc, 2007 CSC 37 [Kraft
CSC]; Philip Morris Products SA c Malboro Canada Limited, 2010 CF 1099; Assessment
Technologies of WI LLC v Wiredata, Inc, 350 F 3d 640 (7e Cir 2003).
4 Estelle Derclaye et Matias Leistner, Intellectual Property Overlaps: A European Perspective,
Londres, Hart Publishing, 2011.

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