ACCES A LA JUSTICE POUR PROTEGER L'ENVIRONNEMENT AU QUEBEC: REFLEXIONS SUR LA CAPACITE A AGIR DES PARTICULIERS ET DES GROUPES ENVIRONNEMENTAUX.

AuthorBelanger, Michel

Environmental and public participation rights are widely accepted and frequently established by statute. Yet, their implementation is often a challenge. This article examines access to justice in Quebec in relation to environmental issues, with the goal of reflecting on the experience of individuals and environmental protection groups and the challenges that they still face.

In addition to the undeniable advantages of the specific injunctive remedy available since 1978 under articles 19.1 to 19.7 of the Environment Quality Act, courts have, in environmental litigation, broadly interpreted the fundamental principles of the Code of Civil Procedure related to the sufficient interest requirement for instituting proceedings.

Where the nature of the issues raised in an environmental dispute does not allow the courts to find sufficient interest under article 85(1) C.C.P., they have repeatedly held individuals as well as associations to have sufficient interest by invoking public interest issues under article 85(2) C.C.P. Courts have taken the same approach when reviewing the legality of an environmental authorization issued by the Ministry of Environment. By allowing these applications, courts have held applicants to have sufficient interest in seeking an injunction to cease particular activities, regardless of the fact that the applicants were associations or frequented the place of a contravention within the meaning of article 19.3 of the EQA.

Over time, the courts have substantially expanded access to justice for individuals and groups. Courts have done so by finding that plaintiffs are acting in the public interest to enforce their environmental rights and by demonstrating openness to reducing some of the financial burdens associated with legal action. Relying on their discretionary power, courts have interpreted the law so as to allow individuals and associations to participate more effectively in environmental protection, particularly environmental defense work based on the public interest and the universal right to the environment. Discretion also ensures that courts are seized of important environmental issues, which might otherwise never be raised in a judicial forum.

Bien que les droits a l'environnement et de participation du public sont frequemment proclames et font l'objet d'un tres large consensus, leur mise en oeuvre demeure bien souvent ardue. Le present article fait un retour sur l'experience quebecoise eu egard a l'acces a la justice en matiere d'environnement, afin de reflechir au chemin parcouru par les particuliers et les associations de defense de l'environnement et les defis qui leur restent a relever.

Outre les avantages indeniables du recours particulier a l'injonction prevu depuis 1978 aux articles 19.1 a 19.7 de la Loi sur la qualite de l'environnement, les tribunaux ont, dans les litiges de nature environnementale, interprete largement les principes de base du Code de procedure civile relatifs a l'interet suffisant pour ester en justice.

Lorsque la nature des enjeux souleves dans un litige environnemental ne permet pas aux tribunaux de conclure a l'existence d'un interet suffisant au sens de l'article 85(1) C.p.c., ils ont regulierement reconnu cet interet aux demandeurs, tant individuellement que par le biais d'associations, en invoquant l'existence de questions de droit public au sens de 85(2) C.p.c. Il en va de meme lorsque l'objet du litige porte sur le controle de la legalite d'une autorisation environnementale delivree par le ministre de l'Environnement. En accueillant ces demandes, les tribunaux ont reconnu aux demandeurs le meme interet pour demander une injonction ordonnant la cessation des activites concernees et ce, sans egard au fait que les demandeurs etaient des associations ou frequentaient le lieu de l'infraction au sens de l'article 19.3 L.q.e.

Avec le temps, les tribunaux ont donc elargi de facon non negligeable l'acces a la justice des individus et des groupes en reconnaissant leur interet a agir dans l'interet public pour faire respecter leurs droits a l'environnement, de meme qu'en demontrant leur ouverture a reduire certaines des charges financieres associees aux recours judiciaires. Usant de leur pouvoir discretionnaire, les tribunaux ont interprete le droit de maniere a permettre aux particuliers et aux associations de participer de maniere plus effective a la protection de l'environnement, notamment en se portant a sa defense, au nom de l'interet public et du droit de chacun a l'environnement, et a s'assurer d'etre saisis de questions importantes, qui autrement echapperaient au forum judiciaire.

Introduction I. L'interet a agir en matiere d'environnement II. Une interpretation elargie de l'interet pour aguen environnement A. L'interet > pour agir en environnement B. L'interet pour agir en justice (huis 1 '> C. L'interet requis des groupes environnementaux en matiere d'injonction III. Autres facteurs limitant l'acces a la justice en environnement A. Limites de nature financiere B. L'absence d'acces a la justice administrative Conclusion Introduction

Parmi les acteurs du droit de l'environnement auxquels il convient de faire une place a part figurent les citoyens et leurs associations. D'une facon generale, l'importance des droits subjectifs et proceduraux de participation qui leur ont ete accordes dans le secteur de l'environnement fait en sorte qu'ils sont consideres comme des rouages indispensables a la transparence, a la transmission de l'information et a la realisation des processus democratiques de gestion et de decision de l'environnement.

Bien que les droits a l'environnement et de participation du public sont frequemment proclames et font l'objet d'un tres large consensus, leur mise en oeuvre demeure bien souvent ardue. C'est le cas du troisieme volet du principe de participation du public qui commande d'assurer au public > (1). Cet acces est important, car il permet au public de s'assurer que leurs interets legitimes en matiere d'environnement sont proteges et la loi respectee, notamment lorsque l'Etat ne suffit pas a la tache, omet d'agir ou prend des decisions en contravention avec la loi.

La question de l'acces a la justice des citoyens et des groupes environnementaux pour assurer le respect de la legislation environnementale n'a cesse d'etre soulevee depuis la publication, en 1972, du celebre article de Christopher Stone, ou l'auteur soutenait la these que l'environnement ne peut se defendre lui-meme (2). S'inspirant des avances du droit americain, c'est en 1978 que la legislature du Quebec modifiait la Loi sur la qualite de l'environnement (L.q.e,) (3), dans le but de liberaliser l'acces a la justice en matiere d'environnement. Pres de quarante ans apres l'adoption de ces mesures, les observateurs peuvent s'etonner de constater que les particuliers et leurs associations se butent encore a des incertitudes et des obstacles importants en matiere d'acces a la justice pour proteger l'environnement (partie I). En effet, des difficultes attendent ceux qui souhaitent entreprendre un recours judiciaire en protection de l'environnement. Le premier est d'ordre juridique. Il s'agit de la recevabilite du recours en justice fonde sur leur interet a agir pour proteger l'environnement (partie II). Le second est d'ordre materiel et de nature financiere (partie III). Il s'agit du cout inherent des procedures, de l'obligation de fournir un cautionnement dans certaines circonstances et de la possibilite d'etre condamne aux depens de la partie adverse.

Par ailleurs, force est de constater que l'examen repete, par les tribunaux, de la notion d'interet public en matiere de litiges environnementaux aura permis d'assouplir et de nuancer l'application de son principe ainsi que d'elargir sa portee, comme nous aurons l'occasion de le montrer. Invites a participer a titre de procureur dans plusieurs affaires et d'observatrice de longue date des enjeux environnementaux a l'occasion du numero special de la Revue de droit de McGill sur le sujet de l'interaction entre l'environnement et le droit, intitule >, il nous est apparu pertinent de faire un retour sur l'experience acquise eu egard a l'acces a la justice en matiere d'environnement, afin de reflechir au chemin parcouru par les particuliers et les associations et les defis qui restent a relever.

L'acces a la justice en matiere d'environnement demeure un sujet d'actualite, comme en temoignent les Objectifs de developpement durable de l'Organisation des Nations Unies, dont la cible 16.3 vise a > (4). De plus, l'acces a la justice en matiere d'environnement a fait l'objet d'importants developpements sur la scene internationale a l'occasion de l'adoption, en 1998, de la Convention sur l'acces a l'information, la participation du public au processus decisionnel et l'acces a la justice en matiere d'environnement qui confere au public un large acces a la justice > (5). Bien que le Canada ne soit pas partie a cette convention, il est peu probable que les regles d'acces a la justice environnementale ayant cours au Quebec y soient conformes. A cet egard, le Royaume-Uni, qui partage des ressemblances avec notre systeme, ne repond pas aux exigences de cout non prohibitif : son systeme de condamnation aux depens y contrevient. En effet, le principe de cout non prohibitif > (6).

Des auteurs ont deja ecrit sur l'acces a la justice et le recours statutaire introduit dans la L.q.e. en 1977 (7). Sans pretendre reexaminer a notre tour l'ensemble du sujet, nous proposons une reflexion centree sur les principaux obstacles que rencontrent les particuliers et les associations. Nous verrons ainsi que le fait d'avoir consacre, dans la L.q.e., le droit de chacun a la qualite de son environnement a permis de liberaliser plus largement l'acces a la justice en matiere d'environnement, en rendant accessible une variete de recours judiciaires plus grande qu'il n'y parait a premiere vue. Il s'agit du resultat de la relation discursive entre la...

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