Le certificat de securite toujours contraire a la Charte: etude de la norme de preuve du regime de detention applicable.

AuthorDoyon, Felix-Antoine T.
PositionCanada

In Canada, the Immigration and Refugee Protection Act provides for the issuance of security certificates, which have been repeatedly challenged in the courts, particularly since 2001. In February 2007, the Supreme Court of Canada held, in Charkaoui, that other procedural safeguards should be incorporated into the scheme to better protect the rights of individuals who are deprived of liberty. However, in that decision, the country's highest court did not turn its attention to a thorough examination of the applicable standard of proof. Although the Federal Court held in 2010, in Jaballah, that the standard of reasonable grounds to believe complies with the principles of fundamental justice, the author is of the opinion that the Canadian courts have taken the wrong approach to security certificates in that they have not distinguished between the rules governing deportation and the rules governing limits on the liberty of non-citizens. In situations relating to national security, other government institutions have found ways of protecting society while affording fairer treatment for individuals in terms of the degree of certainty required for deprivation of liberty in a preventive detention context. This study is characterised by its call for a review of the standard of proof applicable to the security certificate scheme, since, with regard to the Canadian Charter of Rights and Freedoms, it represents a significant imbalance in terms of the importance of respect for fundamental rights in the context of the right to national security.

Au Canada, la Loi sur l'immigration et la protection des refugies met en oeuvre le certificat de securite, qui a fait l'objet de nombreuses sagas judiciaires, particulierement depuis 2001. En fevrier 2007, dans l'arret Charkaoui, la Cour supreme du Canada a juge que d'autres mesures de protection devaient etre integrees au regime afin de mieux proteger les droits des personnes faisant l'objet d'une privation de liberte. Cependant, la plus haute instance du pays, dans sa decision, n'a pas pris le soin d'examiner en profondeur la norme de preuve applicable. Bien qu'en 2010, la Cour federale ait conclu, dans la decision Jaballah, que la norme des motifs raisonnables de croire se conforme aux principes de justice fondamentale, l'auteur considere que les cours de justice canadienne se meprennent dans leur angle d'approche relatif au certificat de securite, en ce qu'elles he savent pas differencier le regime d'expulsion de celui qui limite le non-citoyen de sa liberte. Dans des contextes relies la protection de la securite nationale, d'autres institutions gouvernementales ont trouve des facons de proteger la societe tout en accordant aux personnes un traitement plus juste en ce qui concerne le degre de conviction exige en matiere de privation de liberte propre a un cadre de detention preventive. Cette etude se caracterise par la conclusion selon laquelle la norme de preuve applicable au regime du certificat de securite doit faire l'objet d'une revision, car elle represente, eu egard a la Charte canadienne des droits et libertes, un desequilibre plus qu'appreciable dans le cadre de l'importance que revet le respect des droits fondamentaux au coeur d'un contexte de droit a la securite nationale.

Table des matieres I. INTRODUCTION II. LE CERTIFICAT DE SECURITE EST UN REGIME DESEQUILIBRE A. La procedure applicable engendre des impacts plus que considerables B. La procedure applicable exige un degre de conviction plus que minimal 1. La norme hors de tout doute raisonnable 2. La norme de la preponderance des probabilites 3. La norme des motifs raisonnables de croire applicable aux certificats de securite III. LE CERTIFICAT DE SECURITE AU REGARD DES DROITS FONDAMENTAUX A. La norme de preuve des << motifs raisonnables de croire >> dorenavant assujettie a l'examen de l'article 7 de la Charte: repercussions de la Charkaoui I et II B. La norme de preuve des << motifs raisonnables de croire >> aux yeux du droit etranger: apercu des ordonnances de controle de l'Australie et du Royaume-Uni IV. LORSQUE LE CERTIFICAT DE SECURITE ENTRAINE UNE PRIVATION DE LIBERTE, UNE NORME DE PREUVE DIFFERENTE EST REQUISE A. La norme de preuve des << motifs raisonnables de croire >> est contraire aux principes de justice fondamentale B. La norme de preuve des << motifs raisonnables de croire >> ne porte pas le moins possible atteinte aux droits de la personne visee 1. Les solutions les moins attentatoires V. CONCLUSION Ni le public ni les tribunaux ne se sont generalement attardes a examiner les normes de preuve inferieures et les regles de responsabilite plus etendues qui sont applicables en droit de l'immigration, par contraste a celles applicables en droit criminel, en tenant compte du fait que la Cour supreme du Canada a declare, dans sa toute premiere cause abordant le droit a l'egalite, que les personnes qui n'ont pas la citoyennete constituent une minorite discrete et isolee susceptible de faire l'objet de discrimination et du fait qu'elles peuvent faire l'objet d'erreurs judiciaires en droit de l'immigration. En fait, les debats sur la place publique ainsi que ceux devant les tribunaux ont plus souvent porte sur cette idee voulant que les personnes qui n'ont pas la citoyennete ne jouissent pas des memes droits que les citoyens [notre traduction] (1).

--Kent Roach

  1. INTRODUCTION

    On dit que le 11 septembre 2001 a change le monde, qu'il y a un << avant et un apres >> la tragedie aux Etats-Unis (2). En effet, ce crime a eu des repercussions variees dans des coins diversifies de la planete que ce soit sur le plan politique, juridique, militaire, social ou economique (3). Ainsi dit-on que pour un gouvernement, aucune fonction ou obligation ne peut etre plus importante que celle d'assurer la protection et la securite de ses citoyens (4). Lorsqu'une crise comme celle de 2001 se produit, les citoyens ont peur et s'attendent a la protection des autorites. Les gouvernements mettent alors sur la table differentes strategies pour assurer la securite de leur nation, instaurer une atmosphere de paix et retablir la confiance envers l'action etatique de protection du territoire. De toute evidence, une securite nationale accrue cree un environnement dans lequel nos droits les plus fondamentaux peuvent prosperer (5). Cependant, lorsque l'importance allouee a la mise en place d'un regime de protection nationale met en peril les droits et libertes les plus fondamentaux que confere la constitution d'un pays, il est illusoire de pretendre qu'il est securitaire d'y vivre. Selon le constat d'Aharon Barak, ancien president de la Cour supreme d'Israel, << le fait de preserver la primaute du droit et de reconnaitre le droit a la liberte d'une personne joue un role important dans la comprehension de la securite que se fait la democratie >> [notre traduction] (6).

    Consequemment, le Canada doit tenter d'atteindre un juste equilibre entre d'une part, le respect des droits et libertes de chacun et d'autre part, la securisation au plan national des habitants du Canada. Pour ce faire, le gouvernement canadien a mis en place un mecanisme qui est << cens[e] regler >> (7) cette tension dans le contexte de l'immigration, soit le certificat de securite, qui se retrouve au sein de la Loi sur l'immigration et la protection des refugies (8). La Cour supreme du Canada a invalide en 2007, dans Charkaoui I, l'ancien mecanisme en exigeant une intervention << moins attentatoire >> aux droits fondamentaux de la personne visee, au sens ou le certificat ne portait pas le << moins possible >> atteinte aux droits de la personne designee, tel que le commande l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertes (9) (ci-apres, la << Charte >>). C'est pourquoi une annee plus tard, soit le 28 fevrier 2008, le legislateur federal a adopte une loi qui reinstaure le certificat de securite, caracterise cette fois-ci par les avocats speciaux (10). Malgre cette bonification du regime, le certificat de securite continue de faire l'objet de nombreux dissentiments au sein de la societe, et plus specifiquement a travers la communaute juridique.

    La procedure qui emane de ce certificat permet la detention de la personne visee. Le ministre de la Securite publique et le ministre de la Citoyennete et de l'Immigration peuvent << lancer un mandat pour l'arrestation et la mise en detention de la personne visee par le certificat dont ils ont des motifs raisormables de croire qu'elle constitue un danger pour la securite nationale ou la securite d'autrui ou qu'elle se soustraira vraisemblablement a la procedure ou au renvoi >> (11). La norme de preuve qui caracterise la detention d'un non-citoyen pour eles raisons de securite nationale souleve a notre avis une remise en question. Alors qu'un verdict de culpabilite criminelle doit se fonder sur une preuve hors de tout doute raisonnable, dans le cadre relatif au certificat de securite, on accepte la detention sur la foi d'une norme de preuve beaucoup moins exigeante, c'est-a-dire celle des motifs raisonnables de croire. Le respect des principes de justice fondamentale qui emanent de l'article 7 de la Charte, notamment le droit a un proces juste et equitable, souleve une remise en question que nous designons comine suit: est-il necessaire, dans le contexte entourant le certificat de securite, de reviser la norme de preuve relative au regime entrainant une privation a la liberte du non-citoyen pour des raisons de securite nationale? Dans l'affirmative, quelle doit etre la nature de cette norme (12)?

    L'idee d'une norme de preuve plus contraignante nous a ete inspiree par Jaballah (13), decision dans laquelle la Cour federale a affirme que la norme de preuve applicable au certificat de securite respectait les exigences de l'article 7 de la Charte (14). En toute deference, nous allons pretendre le contraire en argumentant que la Cour aurait du prendre le soin de differencier les regimes que met en place le certificat de...

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