Le devoir du medecin de prevenir les membres de la famille d'un patient atteint d'une maladie genetique.

AuthorLetendre, Martin

Introduction I. Les deux poles de la confidentialite de l'information genetique A. Le modele legal ou la sauvegarde de l'autonomie du patient 1. Le fondement du devoir de confidentialite 2. L'application pragmatique du modele legal B. Le modele medical ou la defense de l'interet general de la famille 1. Le fondement du partage familial de l'information genetique 2. L'application pragmatique du modele medical II. Les regles en matiere de confidentialite a la lumiere du droit canadien et quebecois A. La situation canadienne : une reconnaissance possible d'un devoir de prevenir (duty to warn) 1. L'absence de legislation federale et la pauvrete des dispositions provinciales 2. Un courant jurisprudentiel a l'image des decisions americaines a. L'arret Tarasoff v. Regents of the University of California b. Les arrets Pate v. Threlkel et Safer v. Estate of Pack c. L'affaire Rivtow Marine Ltd. v. Washington Iron Works d. L'arret McInerney c. MacDonald e. L'affaire C. v. D. f. L'arret Smith c. Jones g. Conclusion 3. L'actualite des regles professionnelles de l'Association medicale canadienne 4. Conclusion B. La situation quebecoise : L'opposition entre le droit au secret et le droff au secours 1. Le droit au secret a. Une legislation abondante en faveur de la preservation du secret b. Un droit non absolu i. La rupture de la confidentialite avec consentement du patient ii. La rupture de la confidentialite sans le consentement du patient 2. Le droit au secours a. Regles generales b. Une derogation jurisprudentielle aux regles generales Conclusion Le patrimoine genetique de chaque personne est une partie inherente de son individualite, mais c'est aussi un lien entre elle et les membres de sa famille biologique. Ces liens de consanguinite prennent une signification particuliere lorsque les membres d'une famille sont porteurs d'une maladie transmise genetiquement. Il se pose alors un dilemme pour les medecins quant a savoir s'ils doivent privilegier leur devoir de confidentialite envers un patient malade, ou s'ils ont l'obligation de prevenir les membres de sa famille blologique du risque qui les guette lorsqu'une prevention opportune pourrait l'eviter. Malgre un manque de clarte sur cette question dans les droits canadien et quebecois, il existe des arguments pour justifier la position du medecin qui deciderait de sacrifier le secret professionnel au profit de l'interet des membres de la famille.

Le debat sur le probleme pose par les affections genetiques se place entre deux perspectives sur la nature du devoir du medecin. A une extremite, on trouve le modele juridique, selon lequel le devoir de confidentialite doit avoir priorite. Il est contrebalance par le modele medical, qui met l'emphase sur l'acces par la famille a l'information genetique qui pourrait l'aider, C'est, a premiere vue, le modele juridique qui domine, aussi bien au Que'bec que dans le reste du Canada. Cependant, les juridictions canadiennes de common law ont recemment importe dans leur jurisprudence la notion americaine d'un > qui incomberait au medecin conscient d'un risque cree par son patient. Il serait envisageable d'appliquer cette idee au danger que pose la victime d'une maladie genetique pour sa famille, lorsqu'il refuse de les informer de sa condition. Le medecin aurait alors l'obligation de communiquer avec la parente de son patient, malgre l'opposition du patient.

Au Quebec, on reconnait deja que le droit au secret professionnel n'est pas absolu. Il peut y avoir rupture de confidentialite sur la base du consentement implicite du patient, ou sans aucun consentement de sa part, lorsqu'un danger existe pour des tiers comme la famille. Cependant, si le medecin quebecois a le droit de divulguer de l'information, il n'en a apparemment pas le devoir. Une famille qui voudrait obliger un medecin a l'informer du danger d'une affection genetique devrait tenter d'invoquer son droit au secours, prevu dans la Charte quebecoise de droits et libertes. Pour le moment, les incertitudes qui planent sur cette zone du droit requierent une grande precaution de la part des professionnels de sante.

A person's genetic heritage is an inherent part of their individuality, but it is also the link between that person and the members of their biological family. Ties of consanguinity take on a particular significance when the members of a family are carriers of a genetically-based disease. For doctors, this raises the dilemma of how to balance the duty of confidentiality owed to their patient with the obligation to warn other members of the patient's biological family of the risks they face, especially when preventative measures are available. In spite of a lack of clarity on this issue in Quebec and Canadian law, there are persuasive arguments justifying a doctor's decision to sacrifice the professional duty of confidentiality in the interest of other family members.

The problem created by genetic diseases can be examined through two different perspectives on the nature of a doctor's duty. On one end lies the legal model, for which the duty of confidentiality is paramount. This view is counterbalanced by the medical model, which emphasizes access, by family members, to helpful genetic information. At first glance, the legal model dominates in both Quebec and the rest of Canada. However, the common law jurisdictions of Canada have recently imported into their jurisprudence the American notion of a "duty to warn" incumbent upon a doctor who becomes aware of a risk created by their patient. The application of this concept could be extended to cover risks posed by the carrier of a genetic disease to his or her family members where the carrier refuses to disclose the condition to them. Notwithstanding the patient's opposition, the doctor would then be obligated to communicate with the patient's next of kin.

In Quebec, it is already recognized that the duty of confidentiality is not absolute. Confidentiality can be bypassed when a patient has implicitly consented, or without any consent whatsoever when a danger exists for third parties like family members. However, while a Quebec doctor has the right to disclose information, he or she apparently has no duty to do so. A family wanting to compel a doctor to inform them of genetic disease risks would have to attempt invoking a right to assistance under the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms. At this point in time, uncertainties in this area of the law require a great deal of caution on the part of health professionals.

Introduction I. Les deux poles de la confidentialite de l'information genetique A. Le modele legal ou la sauvegarde de l'autonomie du patient 1. Le fondement du devoir de confidentialite 2. L'application pragmatique du modele legal B. Le modele medical ou la defense de l'interet general de la famille 1. Le fondement du partage familial de l'information genetique 2. L'application pragmatique du modele medical II. Les regles en matiere de confidentialite a la lumiere du droit canadien et quebecois A. La situation canadienne : une reconnaissance possible d'un devoir de prevenir (duty to warn) 1. L'absence de legislation federale et la pauvrete des dispositions provinciales 2. Un courant jurisprudentiel a l'image des decisions americaines a. L'arret Tarasoff v. Regents of the University of California b. Les arrets Pate v. Threlkel et Safer v. Estate of Pack c. L'affaire Rivtow Marine Ltd. v. Washington Iron Works d. L'arret McInerney c. MacDonald e. L'affaire C. v. D. f. L'arret Smith c. Jones g. Conclusion 3. L'actualite des regles professionnelles de l'Association medicale canadienne 4. Conclusion B. La situation quebecoise : L'opposition entre le droit au secret et le droff au secours 1. Le droit au secret a. Une legislation abondante en faveur de la preservation du secret b. Un droit non absolu i. La rupture de la confidentialite avec consentement du patient ii. La rupture de la confidentialite sans le consentement du patient 2. Le droit au secours a. Regles generales b. Une derogation jurisprudentielle aux regles generales Conclusion Seuls le sang, la famille, l'histoire, le temps, identifient un etre humain. Le sang est la meilleure carte d'identite.

Jean-Marie Adiaffi

Des lors qu'on est parent, il y a des devoirs qu'on ne peut esquiver, des obligations qu'il faut remplir, quel qu'en soit le prix.

Paul Auster

La famille est plus importante que les individus qui la constituent.

Moses Isegawa

Introduction

C'est en tant que produit issu de la combinaison des apports de nos parents que nous evoluons dans le monde et que nous sommes ce que nous sommes. Malgre le dicton voulant que notre futur soit entre nos mains, nous sommes assujettis a un certain determinisme biologique, resultat de l'heritage genetique laisse par nos ascendants. Notre vie biologique est donc ainsi reglee en grande partie par un programme pre-implante lors de la fecondation et dont le support de base de la programmation se retrouve dans l'ADN (acide desoxyribonucleique). En effet,

On peut resumer la structure du materiel genetique humain de la facon suivante, en partant de ses elements les plus petits pour aller au plus gros:

--3,3 milliards de paires de bases de nucleotides (G, C, A, T)

--entrant dans la composition de 50 000 a 100 000 genes

--contenus dans 23 paires de chromosomes

--et dans l'ADN des cellules autres que les globules rouges (1).

Les recherches dans le domaine de la genetique demontrent que les genes ont un tres grand role a jouer dans la manifestation de certaines maladies. On a trouve, jusqu'a maintenant, pres de 8 000 anomalies genetiques attribuables a un seul gene affectant plus d'un pourcent de la population. Plus de la moitie de ces anomalies entrainent des consequences graves. Les anomalies genetiques sont l'une des principales causes des avortements spontanes et representent pres du tiers des cas de mortalite chez les enfants ages de moins de quinze ans. De plus, les mutations genetiques sont...

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