Du gouvernement de coalition au privilege parlementaire: leçons de democratie d'Australie.

AuthorHicks, Bruce M.

Le présent article porte sur l'adaptation, par l'Australie, du modèle de gouvernement parlementaire responsable, fondé sur le système de Westminster. L'Australie a adopté le vote préférentiel et le vote obligatoire. Il y a longtemps qu'elle élit des gouvernements de coalition ou des gouvernements qui négocient l'appui de partis plus petits ou d'indépendants. En 1982, l'Australie a commencé à mettre à la disposition du public son manuel du Cabinet (Cabinet Handbook) jusque-là secret, puis le manuel du Conseil exécutif (Executive Council Handbook) ainsi que les conventions de transition pour éviter qu'un gouvernement ne prenne des engagements majeurs au cours d'élections. Récemment, il a réduit les privilèges parlementaires et les a codifiés dans des dispositions législatives. Le Canada peut tirer des leçons de chacune de ces mesures. À cet effet, le présent article relate l'évolution de la situation en Australie et les pratiques qui touchent le système électoral et le vote obligatoire, la formation du gouvernement (y compris le changement de gouvernement à mi-mandat), la compréhension populaire des pouvoirs du gouverneur général, les manuels du Cabinet et du Conseil exécutif non classifiés, de même que les conventions de transition et les privilèges parlementaires. Les autres pays du Commonwealth ont des leçons à en tirer, ce dont plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, ont commencé à se rendre compte.

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Les Britanniques ont donné à d'autres pays un système de gouvernement parlementaire (1), le système de Westminster, qui tire son nom du Palais royal à Londres, siège du Parlement britannique depuis le XIIIe siècle.

La constitution britannique ne se trouve pas sur papier, mais des parties en sont codifiées dans des lois quasi constitutionnelles. Les règles les plus importantes ne sont toutefois pas écrites. Elles sont régies par des conventions, qui sont des règles constitutionnelles que toutes les parties acceptent de suivre et qui résultent de précédents (2).

À l'instar du Canada, l'Australie se trouve dans une situation légèrement différente de celle du Royaume-Uni, car elle a une constitution écrite. Mais celle-ci indique simplement les structures officielles de gouvernement : par exemple, le pouvoir exécutif appartient à la Reine et il est exercé par le gouverneur général à sa place (art. 61); le pouvoir législatif est exercé par le Parlement, qui se compose de la Reine, de la Chambre des représentants et du Sénat (art. 1). À part le Sénat, qui est une assemblée élue, les structures de ce gouvernement fondé sur le système de Westminster sont identiques à celles du Canada. Et, tout comme au Canada, il semblerait, à la lecture de la Constitution, que la Reine et son gouverneur ont pleins pouvoirs.

Ce sont les conventions constitutionnelles non écrites au sujet des pouvoirs de la Reine qui greffent les éléments démocratiques sur un régime archaïque de gouvernement monarchique. Ces conventions ont peu à peu façonné le Parlement britannique : le groupe de représentants qui, jadis, s'assemblait pour pétitionner au pied du trône est maintenant une assemblée qui doit réunir les détenteurs du pouvoir de l'État et devant laquelle ces derniers sont comptables. Dans les colonies comme le Canada et l'Australie, le même parcours a été suivi à mesure que les conventions y étaient intégrées, transformant le gouvernement représentatif en un gouvernement responsable.

À propos de ces conventions, le Royaume-Uni, l'Australie et le Canada, ainsi que les autres dominions d'outre-mer de la Reine, devraient être dotés des mêmes règles constitutionnelles (3). Or, l'exemple de l'Australie montre que ces règles n'y sont pas appliquées de la même manière qu'au Canada. Les différences tiennent en partie au système électoral australien, mais elles se retrouvent de plus en plus dans les autres dominions, y compris au Royaume-Uni même, de sorte que des facteurs historiques, temporels et culturels expliquent davantage les différences entre les pays du Commonwealth que les différences dans les règles institutionnelles (4).

Le principe fondamental du système de Westminster est que le peuple élit un député qui les représentera dans la capitale. La première tâche du député est de rencontrer ses collègues pour choisir ensemble, en tant que collège électoral, un gouvernement auquel il demandera des comptes jour après jour. C'est de cette façon qu'on comprend le système de Westminster en Australie et dans la plupart des dominions. Au Canada, on le comprend différemment.

Cela ne veut pas dire que les premiers ministres canadiens enfreignent nos conventions constitutionnelles communes, mais plutôt que l'ambiguïté leur permet de suivre la lettre de la Constitution mais non l'esprit (5).

Le Canada peut, par conséquent, tirer certaines leçons de la démocratie en Australie.

Système électoral

L'histoire de l'Australie remonte à 1918 pour ce qui est du système électoral. Dans la circonscription électorale fédérale de Swan, une élection partielle a eu lieu au cours de laquelle le vote de la droite sur l'échiquier politique s'est divisé entre le Parti des fermiers et des colons (31,4 %) et le Parti nationaliste au pouvoir (29,6 %), ce qui a permis au candidat travailliste de remporter l'élection avec seulement 34,5 % des voix selon le système électoral uninominal majoritaire, encore utilisé de nos jours au Canada.

La répartition à peu près égale des voix entre les trois partis a amené la population australienne à conclure à un vice inhérent au système uninominal majoritaire. Les trois partis pouvaient revendiquer chacun l'appui d'environ un tiers de l'électorat dans cette circonscription, mais, sur le plan idéologique, les deux tiers des électeurs s'opposaient nettement aux vues du représentant du Parti travailliste nouvellement élu.

En temps normal, on ne s'attend pas à ce qu'une élection partielle incite un pays à réexaminer son système électoral, mais la circonscription de Swan avait un caractère symbolique. Elle avait été détenue par l'ancien premier ministre nationaliste de l'Australie occidentale, sir John Forrest, depuis la > de l'Australie en 1901. On voyait également dans le résultat de cette élection une indication de ce qui se passerait probablement à une échelle plus grande au cours des élections suivantes.

Craignant que la division ville-campagne entre les électeurs de la droite ne permette au Parti travailliste de remporter la victoire avec un nombre suffisant de circonscriptions pour former un gouvernement majoritaire sans l'appui de la majorité de la population, Billy Hughes, premier ministre nationaliste de l'Australie, a demandé au Parlement d'instaurer le vote préférentiel.

Selon ce mode de scrutin, également appelé vote alternatif, vote avec ballottage instantané ou vote transférable, les électeurs doivent classer les candidats, sur le bulletin de vote, par ordre de préférence (1, 2, 3 ...). Après dépouillement des votes, si aucun candidat n'a obtenu plus de 50 % des suffrages, le candidat ayant recueilli le moins de voix est éliminé et ses voix sont attribuées aux voix de deuxième rang et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'un candidat obtienne la majorité des voix.

Le Parti des fermiers et des colons était un parti agraire d'État (ou provincial) qui avait vu le jour en NouvelleGalles du Sud, tandis que l'Union des fermiers de Victoria et le Parti rural de l'Australie occidentale gagnaient du terrain dans leurs États respectifs.

Aux élections fédérales de 1919, pour lesquelles on a recouru au nouveau mode de scrutin préférentiel, le Parti nationaliste s'est vu contraint de céder 11 sièges à ces partis d'État agraires, mais non au Parti travailliste, comme il l'aurait fait avec le système uninominal majoritaire. Le Parti nationaliste a remporté 37 sièges à la chambre basse, comparativement à 25 pour le parti travailliste; comme l'un des deux indépendants a accepté d'appuyer le gouvernement, Billy Hughes a pu conserver le pouvoir. L'année suivante, les 11 députés des partis agraires se sont rangés sous la bannière du Parti rural d'Australie.

Aux élections de 1922, le Parti travailliste a remporté le plus de sièges (29 des 75 sièges à la chambre basse). Il était suivi du Parti nationaliste (26 sièges), du Parti rural (14 sièges), de cinq libéraux et d'un indépendant. Les dirigeants des partis nationaliste et rural ont entrepris des négociations pour former un gouvernement de coalition, et l'une des victoires du Parti rural a été la démission de Billy Hughes, alors premier ministre (6). Stanley Bruce, nouveau chef du Parti nationaliste, a mis la dernière main à l'entente de coalition avec Earle Page, chef du Parti rural, qui a obtenu 5 des 11 postes ministérieis pour lui et ses membres, notamment celui de trésorier. L'ordre de préséance a été modifié de façon qu'Earle Page soit premier ministre en l'absence de Stanley Brute (ce qui faisait de lui le premier vice-premier ministre de facto de l'Australie) et l'on en est venu à parler du gouvernement Bruce-Page.

Depuis, les partis politiques australiens ont changé de nom et de forme, mais une coalition entre les principaux partis non travaillistes pratique l'alternance au pouvoir avec le Parti travailliste depuis 1922. Une fois seulement, en 1931, un parti non travailliste (le Parti de l'Australie unie) a remporté suffisamment de sièges pour former un gouvernement sans devoir négocier de coalition, mais, aux élections suivantes, il a de nouveau fait équipe avec le Parti rural (7).

De nos jours, les deux principaux partis politiques en opposition au Parti travailliste et en coalition semi-permanente sont le Parti libéral et le Parti national. Un prospectus électoral destiné aux supporteurs du Parti national peut indiquer que le Parti libéral constitue le deuxième choix. Dans les prospectus libéraux, le contraire pourrait être recommandé.

C'est ce qu'on appelle le vote stratégique. Les électeurs ne sont pas obligés de se livrer à des calculs pour déterminer quel candidat est en...

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