Un entretien avec le professeur emerite Joseph E. Roach.

AuthorMalone, Nicholas
PositionUniversity of Ottawa Faculty of Law professor - Interview

Students who join the French Common Law Program at the University of Ottawa's Faculty of Law soon find themselves in the presence of a unique individual. Over the past thirty years, and in spite of his great humility, Professor Emeritus Joseph E. Roach has come to symbolize the fellowship, collegiality and academic excellence that characterize this program. From its earliest days, and throughout the development of the program over those years, the teaching of French Common Law at the University of Ottawa has been essentially inseparable from Professor Roach's contributions, to the point that it would be hard to imagine one without the other. Students in the French Common Law Program will all remember the passion and humour brought to property law by Professor Roach.

In the following pages are surprising anecdotes about the experiences of one of the first graduates of the Common Law Section, but mostly the life story of a man whose presence continues to be felt in the corridors of the Faculty of Law. In the fall of 2011, Nicholas Malone, a former Editor-in-Chief, accompanied by Assistant Editors Dana Antakly, Darius Bosse and Ariane Courtemanche, had the opportunity to interview Professor Roach about his life, his career and the creation and evolution of the French Common Law Program at the University of Ottawa.The Ottawa Law Review wishes to thank Professor Yves LeBouthilier and Helene Laporte.

Des leurs premiers jours sur les banes de la Faculte de droit, les etudiants et les etudiantes du Programme de common law en francais dc l'Universite d'Ottawa sont rapidement confrontes a un personnage hors du commun. Au fil dos trente dernieres annees, et malgre la profonde humilite qui le caracterise, le professeur emerite Joseph E. Roach en est venu a symboliser la fraternite, la collegialite et l'excellence academique qui animent ce programme. Tant en ce qui a trait a ses origincs et a son evolution, l'enseignement de la common law en francais a l'Universite d'Ottawa demeure, a toutes fins pratiques, indissociable des contributions du professeur Roach. En effet, on pourrait difficilement imaginer l'un sans l'autre. Les etudiants et les etudiantes du Programme de common law francais se souviendront tous et toutes de la passion et du sens de l'humour vehicules par le professeur Roach dans l'enseignement du droit des biens.

Dans les prochaines pages ressortent des anecdotes parfois surprenantes sur les experiences d'un des premiers diplomes de la Section de common law, mais surtout le recit d'une vie qui continue a animer les couloirs de la Faculte de droit. En automne 2011, Nicholas Malone, ancien Redacteur en chef, accompagne par les Redactrices et Redacteurs adjoints Dana Antakly, Darius Bosse et Ariane Courtemanche de la Revue de droit d'Ottawa, ont eu l'occasion de dis cuter avec le professeur Roach au cours de plusieurs entretiens de sa vie, de sa carriere, et de la creation et la progression du Programme de common law en francais de l'Universite d'Ottawa. La Revue de droit d'Ottawa tient egalement a remercier le professeur Yves LeBouthilier et Helene Laporte.

  1. UNEVIE ANCREE DANS L'ACADIE

    Revue de droit d'Ottawa (>): Professeur Roach, merci d'avoir accepte de nous rencontrer. Nous aimerions commencer au tout debut, pour en savoir davantage sur vos racines acadiennes. Tout a commence a Rogersville, n'est-ce pas?

    Joseph Roach (>): En effet, j'ai grandi dans le petit village de Rogersville, dans l'est du Nouveau-Brunswick. J'ai toujours aime cet extrait du livre Une etoile s'est levee en Acadie, que j'ai retrouve il y a quelques annees et qui fait mention de Rogersville : > (1). La paroisse de Saint-Louis reclame avec fierte qu'elle est le berceau du drapeau acadien puisque le pere Marcel-Francois Richard, alors cure de cette paroisse, y proposait le drapeau national de l'Aeadie a la deuxieme convention nationale, tenue a Miscouche, Ile-du-Prince-Edouard, lors de laquelle ce drapeau a ete adopte (2). Par contre, la paroisse de Rogersville croit remporter la palme en la matiere puisque c'est la qu'est erige le monument de Notre-Dame de l'Assomption, un monument national inaugure le 15 aout 1912 en l'honneur de cette patronne des Acadiens et des Acadiennes (3). On trouve egalement

    a Rogersville les monasteres des Trappistes et Trappistines, des communautes qui ont celebre leur centenaire en 2002 (4).

    RDO: Votre famille etait alors etablie a Rogersville depuis longtemps?

    JR: Mon pere et mes oncles travaillaient dans l'industrie du bois. Mon pere, qui etait mecanicien en machinerie a l'usine de papier Fraser a Atholville, est decede alors que j'avais deux ans. C'est a ce moment que ma mere, qui desirait se rapprocher de sa famille, est demenagee a Rogersville avec ses six enfants. A partir de ce moment, mes quatre freres (Arnel, Jean, Eddie et Leo), ma soeur (Leona) et moi avons toujours ete connus comme les petits enfants de la veuve Roach ou les > (quelle insulte, pour nous enfants, de se faire appeler les Roches a quelques occasions! Leo et moi, les plus jeunes, allions aussitot relater l'incident a Eddie et Jean pour qu'ils rappellent ces innocents a l'ordre). Mes parents sont tous deux nes a Acadieville (5). Cette double souche parentale a Acadieville constitue pour moi un fondement sur qui m'habilite a declarer, sans pretention, que je suis un Acadien a la deuxieme puissance. Apres les secondes noces de ma mere sont nes trois petits Gallant (Ernest, Ronald et Paul).

    RDO: Etait-il difficile de vivre et de grandir en francais a cette epoque?

    JR: A vrai dire, en grandissant a Rogersville, j'ai jamais vraiment ressenti d'insecurite ou des preoccupations concernant l'erosion de notre langue et de notre culture francophone. C'etait un village bel et bien acadien, et dont la grande majorite des familles y sont toujours francophones. J'ai fait mon ecole primaire en francais au couvent des Seeurs de Jesus-Marie ainsi qu'a l'ecole Gerard-Raymond qui etait aussi sous la direction des Soeurs de Jesus-Marie. Ces religieuses venaient pour la plupart de l'ouest du Canada et elles avaient le souci de nous apprendre l'anglais. A partir de la septieme annee, l'institutrice annoncait souvent que l'enseignement se ferait en anglais le matin et en francais l'apres-midi, ou vice versa. Le milieu etait tellement francophone qu'on choisissait de verifier nos progres en anglais aupres des conducteurs de trains de la grande ligne de chemin de fer du Canadien National lors de leurs arrets a Rogersville. Ceux-ci se montraient particulierement patients, malgre nos maladresses evidentes, par exemple >.

    RDO: A cette epoque, le village de Rogersville n'occupait-il pas deja une place particuliere pour le peuple acadien?

    JR: Oui. Rogersville etait alors le lieu de pelerinage des Acadiens et des Acadiennes des provinces maritimes, ainsi que ceux et celles qui provenaient des etats du Maine et du Massachusetts. Le 15 aout, ils venaient y celebrer la fete de l'Assomption, leur fete nationale. C'etait une fete a caractere religieux, mais aussi eminemment patriotique et sociale. C'etait la fin de semaine tres attendue du grand pique-nique annuel, avec des jeux divers, un parc d'attractions et mets acadiens (y compris la poutine rapee) (6). Pendant deux jours entiers, les habitants de Rogersville accueillaient des visiteurs des paroisses voisines, les parents des Etats-Unis et les curieux de partout. Les discours qui suivaient la messe solennelle du dimanche moussaient la fierte acadienne en rappelant le grand derangement de l'Acadie, les reussites du peuple acadien et sa vaillance a surmonter les defis a venir. En 1912, sous la direction de Monseigneur Marcel-Francois Richard, alors cure de Rogersville, la paroisse a erige le monument national des Acadiens afin de rendre hommage a sa sainte patronne, Notre-Dame l'Assomption. Cette meme annee, alors que nous faisions une celebration historique de l'Acadie a Rogersville, en Ontario, le Reglement 17 prohibait l'enseignement en francais dans les ecoles (7).

    Ma fierte acadienne, si bien nourrie a Rogersville, est tellement ancree dans ma personne qu'elle colore subtilement mes echanges avec autrui et mon enseignement. Un etudiant ou une etudiante y avait meme fait echo en ecrivant le commentaire suivant dans son evaluation de mon cours sur les hypotheques immobilieres: >

    RDO: Avez-vous fait vos etudes en Acadie?

    JR: Des que je pense a mes etudes, j'en souris. Je me compte particulierement privilegie. En septieme annee du primaire, le pere Noe Bourgeois, le cure de notre paroisse, avait demande a la Mere Philipe de choisir le garcon auquel serait offerte une bourse couvrant les frais d'inscription au college classique de Bathurst, alors connu sous le nom de l'Universite du Sacre-Coeur. A l'epoque, obtenir une bourse du clerge ou de la Societe de l'Assomption etait souvent, pour beaucoup de jeunes Acadiens, le seul moyen d'acceder aux etudes secondaires. J'ai ete l'heureux elu!

    RDO: On reconnaissait donc en vous un etudiant prometteur?

    JR: A l'epoque les religieuses valorisaient beaucoup l'assiduite au travail. Sans necessairement etre le premier de ma classe, j'etais un eleve serieux qui avait compris que pour obtenir les resultats escomptes, il fallait y mettre l'effort. Je me souviens que, tres souvent, c'etaient les garcons et les filles de la famille Aucoin qui etaient premiers de classe. Mais cela n'engendrait aucune rivalite entre nous. La mere Aucoin etait elle-meme une ancienne maitresse d'ecole, et le mot se passait entre nous qu'elle enseignait a ses enfants a la maison. A nos yeux, il etait normal que ce suivi scolaire particulier, par une personne competente en la matiere, leur facilitait l'acces au premier rang. Les familles Babineau, Caissie, Hebert, Savoie et Thibodeau etaient aussi dans ma classe.

    RDO: La Mere Philipe vous a donc ouvert la voie aux etudes?

    JR: Je lui dois effectivement la chance d'avoir pu etudier au college classique. Ma mere etait ravie, bien sur, mais...

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