Entretien avec Suzanne Cote.

AuthorBarry-Camu, Pierre-Arnaud
PositionSupreme court judge - Interview

Mme Suzanne Cote a ete admise au Barreau du Quebec en 1981. Apres sept annees de pratique a Gaspe, la premiere > de Gaspesie a migre vers Stikeman Elliott a Montreal en 1988, ou elle est devenue associee un an plus tard. Elle y a pratique et aussi dirige le groupe de litige jusqu'en 2010, moment auquel elle a transfere a Osler, Hoskin & Harcourt. Mme Cote a ete nommee juge a la Cour supreme du Canada le 27 novembre 2014. Elle etait auparavant connue du grand public quebecois et canadien pour certains de ses mandats qui ont fait la manchette, comme la defense des compagnies de tabac dans le recours collectif intente contre elles, ainsi que pour les audiences televisees de la Commission Bastarache, alors qu'elle etait l'avocate du gouvernement quebecois dans l'enquete sur les allegations a l'effet que le Ministre de la Justice du Quebec de l'epoque avait nomme des juges suite a des pressions politiques.

Les propos qui suivent ont ete recueillis par l'equipe des entretiens francais de la Revue de droit d'Ottawa lors d'un entretien de deux heures dans les bureaux d'Osler le 26 novembre 2013, a Montreal. C'etait un an avant que le comite de redaction de la Revue de Droit d'Ottawa n'apprenne, en meme temps que l'ensemble des Canadiens, que Mme Cote siegerait desormais sur la plus haute cour au pays. Le moment de parution de cet entretien dans les pages de la Revue de Droit d'Ottawa n'est aucunement lie au moment de cette nomination. L'entretien retrace le parcours de Mme Cote, de sa naissance a Cloridorme en Gaspesie a ses etudes en droit a l'Universite Laval, jusqu'a son depart de la pratique en Gaspesie pour un cabinet national a Montreal. Nous l'avons notamment invite a partager sa perspective sur des sujets divers dont la pratique du litige commercial, la conciliation travail-famille, le role des femmes dans la pratique, la nature des commissions d'enquete et l'etat actuel du droit.

Ce texte est le produit des efforts de l'equipe des entretiens francais pour l'annee scolaire 2013-2014, composee de Pierre-Arnaud Barry-Camu, Amelie B. Lavigne et Marie-Pier Albert.

Suzanne Cote was admitted to the Quebec Bar in 1981. After seven years of practice in Gaspe, the first "woman lawyer" of the Gaspesie region joined Stikeman Elliott in Montreal in 1988, where she became a partner a year later. She practiced and chaired its litigation group until 2010, at which point she transferred to Osier, Hoskin & Harcourt. Ms. Cote was appointed to the Supreme Court of Canada on November 27, 2014. Before her appointment, she was known to the public for high profile cases like the defense of tobacco companies in the class action lawsuit against them. We also saw her in the televised hearings of the Bastarache Commission, where she acted for the Quebec government in the investigation of allegations that political pressure had compelled the Minister of Justice of Quebec of the time to appoint certain judges.

The following remarks were collected by the Ottawa Law Review's French interview team during a two-hour interview at the Osier Montreal office on November 26, 2013, a year before the Ottawa Law Review's editing board learned, at the same time as all Canadians, that Ms. Cote would now serve on the highest court in the country. The timing of publication of this interview in the Ottawa Law Review is not related to the timing of her appointment. The interview covers her career and life paths, from her birth in Cloridorme, Gaspesie, to law school at Laval University in Quebec City, to her departure from practice in Gaspesie for a national firm in Montreal. We also invited her to share her perspective on a number of subjects including commercial litigation, work-life balance, the role of women in the practice, the nature of inquiry commissions and the current state of the law.

This text is the result of efforts by the 2013-2014 French interview team, composed of Pierre-Arnaud Barry-Camu, Amelie B. Lavigne and Marie-Pier Albert.

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Revue de droit d'Ottawa (ci-apres >): Pouvez-vous nous parler d'ou vous venez et d'ou vous avez grandi?

MeSuzanne Cote (ci-apres >): Je viens de l'endroit ou le Canada a ete decouvert. C'est Gaspe, la ou Jacques Cartier est venu planter sa croix en 1534 (1). Je suis nee le 21 septembre 1958, la journee de l'automne, en Gaspesie, dans le village peu connu de Cloridorme, qui est situe a peu pres a soixante kilometres de la ville de Gaspe (2). Quand on etait relativement jeune, nos parents ont demenage a Gaspe avec nous. C'est la ou j'ai grandi et ou j'ai fait mes etudes secondaires et collegiales. Je suis ensuite allee a l'Universite Laval a Quebec.

RDO: Qu'est-ce qui vous a mene a des etudes juridiques a Laval?

MeCote: A l'age de dix ans, je lisais des journaux comme Allo Police (3). Je regardais ces grands avocats criminalistes comme Mc Raymond Daoust: (4) et Me Leo-Rene Maranda (5) et j'etais tres impressionnee par leurs histoires. Des mon jeune age, j'etais tres interessee par toutes les questions de justice et j'aimais lire a propos des differentes affaires. Tout le monde a vu Perry Mason (6) a la television, c'etait tres excitant de voir un avocat qui gagnait toujours ses causes. Toutefois, ma mere voulait que je devienne enseignante. Elle-meme revait de devenir enseignante, mais elle n'avait pas eu cette chance. Je m'etais opposee a cela. J'ai dit: >. Alors, tres jeune, j'avais fait mon idee que j'allais etudier en droit. J'aurais pu devenir professeure en droit, cela aurait concilie les vues de ma mere a mon sujet avec mes gouts personnels. J'ai toutefois decide d'etudier en droit afin de devenir avocate. A l'epoque, meme si j'etais fascinee par les avocats, je pensais peutetre aussi devenir notaire (7). J'avais garde les deux options ouvertes. Je pensais peutetre devenir notaire, car quand j'avais dix ans ou douze ans, j'etais une personne assez genee et le simple fait de faire une presentation orale a l'avant de la classe me faisait mourir. J'etais rouge comme une tomate, d'une gene incroyable. Par consequent, meme si les plaidoiries m'interessaient, je me demandais comment j'allais surmonter ma gene de m'exprimer en public.

RDO: Les choses ont change.

Me Cote: J'ai reussi, oui!

RDO: Etes-vous allee a Laval parce que Quebec etait plus proche de Gaspe que Montreal ne l'etait? Y avait-il une possibilite d'aller a Montreal?

Me Cote: J' avais fait quatre demandes, je voulais tellement aller a l'universite. J'avais fait demande a l'Universite d'Ottawa, a l'Universite de Montreal, a l'Universite Laval et a l'Universite de Sherbrooke. Mon premier choix etait toutefois l'Universite Laval, car les gens de la Gaspesie ne vont pas tout de suite a Montreal. Il y a cette expression selon laquelle on peut sortir de la Gaspesie, mais on ne sort pas la Gaspesie de quelqu'un. Tous mes amis a l'epoque qui allaient a l'universite allaient soit a l'Universite Laval, soit a l'Universite de Sherbrooke. C'etait tres rare que quelqu'un decide d'aller a l'Universite de Montreal. Au cours du processus d'admission, j'avais ete acceptee a toutes les universites, mais j'attendais toujours la reponse de l'Universite Laval. Je me demandais pourquoi. Je me souviens de la date ou j'ai finalement recu ma reponse: c'etait le 25 mai 1977 et j'etais vraiment contente. J'ai decide d'y aller, car c'etait mon premier choix.

RDO: A l'epoque, vouliez-vous encore devenir Perry Mason (8)? Y avait-il d'autres sujets en droit qui vous interessaient?

Me Cote: Lors de ma premiere annee a la faculte de droit, je me demandais toujours comment j'allais faire des plaidoiries en public. J'avais dit a mes professeurs que je voulais devenir notaire. J'avais ce choix, car les cours de premiere annee sont tous les memes, que tu veuilles te diriger au Barreau ou au notariat. J'avais bien averti mes professeurs que je voulais devenir notaire et qu'en deuxieme annee je choisirais des cours orientes vers le notariat. Apres une session, un professeur m'a dit: >. J'ai suivi leurs conseils et j'ai decide d'aller au Barreau.

RDO: On dirait que vous aviez une relation assez proche avec les professeurs. Le corps etudiant etait-il petit?

Me Cote: 11 etait petit. 11 y avait environ 22 000 etudiants a l'Universite Laval a l'epoque (9). Je ne me souviens pas du nombre exact d'etudiants a la faculte de droit, mais on avait de bons liens avec nos professeurs. Je me souviens meme, quand j'etais etudiante a l'Ecole du Barreau, d'etre assistante chargee de cours pour un des professeurs. Lorsqu'on avait accumule plus de 90 credits, on avait le droit de postuler pour un poste d'assistant charge de cours avec un professeur. On devait etre a la maitrise ou a l'Ecole du Barreau. Je connaissais bien les professeurs et j'avais envie d'avoir cette experience tout en etant a l'Ecole du Barreau. Finalement, j'ai travaille avec le professeur Marc Giguere (10) en droit corporatif.

RDO: Quel etait votre cours prefere?

McCote: J' aimais beaucoup les cours de Preuve et de Procedure civile, ces sujets m'ont toujours interessee. Ce sont deux domaines dans lesquels j'avais beaucoup de facilite. J'ai eu des notes incroyables a l'examen du Barreau. D'ailleurs, j'enseigne la Preuve et les Techniques de proces a l'Ecole du Barreau, bien que je n'aie pas enseigne ces deux dernieres annees a cause du proces sur le tabac. Enfin, c'est probablement a cause d'une facilite dans ces domaines que mes professeurs m'ont conseillee d'aller au Barreau.

RDO: Parlez-nous un peu de la realite professionnelle au moment de votre graduation. La course au stage existait-elle?

MeCote: Non, la course au stage n'existait pas". Ne vous en deplaise, toutes les courbettes que les grands bureaux font pour attirer les etudiants en droit n'existaient pas. Il n'y avait pas autant de competition. Quand je suis devenue avocate et assermentee en 1981, nous etions un peu plus de 8000 avocats au Quebec (12), alors qu'aujourd'hui nous sommes plus de 24 000 (13). Dans mon cas, je devais faire mon stage a Quebec...

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