Façonner le Parlement en temps de pandémie: l'impérieuse adaptation.

AuthorChaplin, Steven
PositionArticle vedette

Dans la foulée des incertitudes et du florilège de réactions des institutions en réponse à la pandémie de COVID-19, le monde a vu s'installer une nouvelle normalité marquée par des mesures visant à empêcher la propagation du virus, comme les interdictions de voyage et les consignes d'éloignement physique. Ces mesures, comme la maladie, ne sont pas sur le point de disparaître. L'auteur qui, dans un premier article, avait examiné les premières mesures prises par le Parlement du Canada au début des éclosions du nouveau coronavirus sur la planète, tente ici d'établir comment déterminer les bonnes pratiques respectant, d'une part, la santé et la sécurité des parlementaires et de leur personnel et, d'autre part, le privilège parlementaire et les exigences constitutionnelles. Il avance que des séances hybrides (la participation en personne et en mode virtuel) combinées à l'élargissement du rôle des comités constituent une solution viable à moyen terme en temps de pandémie. Attention toutefois : c'est le Parlement, et non le gouvernement, qui doit décider comment exercer les fonctions qui lui échoient dans le régime de Westminster, maintenir la confiance du Parlement à l'égard du gouvernement et offrir à l'opposition toutes les occasions nécessaires de demander des comptes au gouvernement. Enfin, tout pouvoir additionnel que le Parlement accorde au gouvernement et les restrictions qu'il s'impose à lui-même en raison des circonstances sont temporaires et valides le temps de la pandémie seulement.

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Au moment d'écrire ces lignes, six mois se sont écoulés depuis l'apparition des premiers cas de COVID-19 en Amérique du Nord. Depuis, l'état de pandémie a été déclaré, et le nombre de cas n'a cessé de suivre une courbe ascendante et descendante. Rien n'indique que la maladie disparaîtra de façon naturelle. Tant et aussi longtemps que nous ne disposerons pas de traitement ni de vaccin, la maladie fera partie de notre vie indéfiniment. Pour exercer leurs fonctions constitutionnelles, les institutions, dont le Parlement, sont donc forcées de modifier leurs façons de faire pour s'adapter à la nouvelle normalité à moyen et à long terme. === Au début de la pandémie, nous en savions peu sur la gravité de la maladie et sur la transmission du virus. La situation appelant à la prudence, les gouvernements, qui craignaient le pire, ont agi de manière rapide et décisive. Pour ce faire, ils avaient besoin de fonds et devaient pouvoir disposer de pouvoirs extraordinaires en cas d'urgence et de pouvoirs de dépenser. Comme la maladie est contagieuse, des interdictions de voyage et des consignes d'éloignement physique ont immédiatement été imposées. Les parlements et les assemblées législatives ont cessé de pouvoir siéger comme d'habitude et ont été ajournés, puis rappelés temporairement pour prendre des mesures en réaction à la crise de la COVID-19. Les parlements en sont par conséquent venus à jouer un rôle secondaire et à assumer les seules fonctions visant à soutenir les interventions d'urgence du gouvernement. Au Canada, vu les exigences du régime parlementaire de Westminster, le Parlement a quand même dû adopter des mesures législatives afin d'accorder au gouvernement les pouvoirs extraordinaires et les pouvoirs de dépenser nécessaires pour gérer l'urgence. Outre les consignes d'éloignement physique et les interdictions de voyage en vigueur, les pays du Commonwealth ont adopté diverses procédures parlementaires d'urgence : suspension des travaux, tenue de séances hybrides, réduction du nombre d'élus participant aux séances, création de comités spécialisés (en version restreinte ou plénière) de la COVID-19, tenue de séances plénières spéciales, etc. (1). Ont également été mis en place de nouvelles façons de voter, notamment le scrutin en personne selon les consignes d'éloignement physique, le vote électronique à distance, le vote par procuration, le vote de parti ou encore une combinaison de toutes ces solutions. Mais surtout, les travaux parlementaires ont été restreints. Les parlements ont réduit au minimum les travaux et les procédures parlementaires, ce qui a eu pour effet de suspendre ou de réduire considérablement les autres affaires du gouvernement et les travaux de l'opposition.

Au début, nul ne savait comment répondre aux impératifs de l'éloignement physique. Etait-il même possible, sur le plan technologique, d'organiser une réunion virtuelle de plus de 650 personnes? Etait-il possible de reconfigurer les Chambres? D'organiser un scrutin à distance sécurisé? De recourir à ces technologies et solutions tout en respectant les exigences constitutionnelles, dont le quorum, ainsi que le privilège parlementaire?

Si la pandémie perdure, le sentiment d'urgence s'estompe, c'est-à -dire le sentiment qui a incité les parlements à adopter des mesures législatives d'urgence et à réduire au minimum les délibérations pour assurer une intervention immédiate. Il est désormais évident que la pandémie durera encore un certain temps et qu'il faut trouver des solutions > adaptées aux besoins constants du gouvernement et du Parlement. Dans un document d'information à l'intention du Comité de la procédure de la Chambre des communes du Royaume-Uni, la Société Hansard signale que durant les interventions d'urgence, et durant le lent retour à la normale, toute l'attention est allée aux affaires du gouvernement. L'opposition--son importance et ses besoins--a été négligée. Pour envisager le rétablissement d'un Parlement qui pourra demander des comptes au gouvernement, il faudra accorder de l'importance tant aux affaires de l'opposition qu'aux affaires du gouvernement (2).

Au Canada, sur la scène fédérale, on a interrompu les sessions...

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