Elections a date fixe, dissolution du Parlement et tribunaux.

AuthorStoltz, Doug

Le projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, a reçu la sanction royale le 3 mai 2007. La nouvelle loi prévoyait la tenue d'élections le troisième lundi du mois d'octobre de la quatrième année civile suivant les élections générales précédentes, créant ainsi un nouveau système d'élections à date fixe. La tenue des premières élections avait été fixée au lundi 19 octobre 2009. Toutefois, la loi modifiée prévoyait également que les pouvoirs du gouverneur général ne seraient pas touchés, notamment celui de dissoudre le Parlement. En 2008, le premier ministre a demandé à la gouverneure générale de dissoudre le Parlement et les premières élections générales suivant l'adoption de la loi ont eu lieu le 14 octobre 2008. Cette décision a soulevé un tollé de protestations, certains observateurs allant même jusqu'à affirmer qu'il y avait eu violation de la nouvelle loi. Une demande de révision judiciaire a été soumise à la Cour fédérale, contestant les mesures prises par le gouvernement. La Cour a rendu son jugement le 17 septembre 2009 et rejeté la demande. L'article suivant porte sur les points soulevés dans la demande et dans la décision rendue par la Cour fédérale.

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La décision prise par la Cour fédérale dans l'affaire Conacher c. Canada (premier ministre) (1) donne, d'un point de vue judiciaire, un aperçu d un élément de la Constitution qui échappe généralement à la compétence des tribunaux, malgré le rôle essentiel qu'il joue dans le fonctionnement de nos institutions juridiques, c'est-à-dire le pouvoir de la Couronne de dissoudre le Parlement et de convoquer des élections générales. Elle tient également compte de l'obligation qu'a de manière générale la gouverneure générale d'exercer se pouvoirs sur la recommandation du gouvernement en poste, une obligation qui n'est pas fondée en droit, mais plutôt sur des conventions et que les tribunaux ne peuvent donc pas faire respecter.

La demande de révision judiciaire visait à faire confirmer le fait que le déclenchement des élections d'octobre 2008 allait à l'encontre du nouvel article 56.1 de la Loi électorale du Canada (2) qui prévoit, de toute évidence, des élections à date fixe. La demande était fondée sur l'interprétation des textes législatifs, mais elle a également mené la Cour à se pencher sur la nature de la prérogative royale et les conventions constitutionnelles. La Cour a également dû revoir en profondeur sa juridiction pour ce qui est d'entendre la question et de prendre une décision. La Cour s'est penchée tout particulièrement sur un argument voulant que la décision de la gouverneure générale soit de nature politique et qu'un examen judiciaire des mesures prises contreviendrait au principe de la > entre l'exécutif et le judiciaire. La Cour a retenu cet argument, entre autres, et rejeté la demande.

Prérogative et pouvoirs conférés par la loi.

Au Canada comme au Royaume-Uni, la prérogative de la Couronne réunit ce qui reste des pouvoirs royaux et les privilèges qui ont été maintenus au fil des siècles à mesure que les parlements prenaient de l'importance. Ces pouvoirs font partie de la common law et débordent donc le cadre de la Constitution écrite qui est constituée de dispositions législatives telles les Lois constitutionnelles de 1867 à 1982. Les pouvoirs issus de la prérogative renvoient généralement aux fonctions exécutives ou enjeux de > qui exigent un niveau élevé de pouvoirs discrétionnaires et de jugement politique. Mentionnons tout d'abord le choix des ministres, les relations intergouvernementales, les questions relatives à la défense nationale, la direction des travaux parlementaires et la convocation, la prorogation et la dissolution du Parlement. Au Canada, les prérogatives liées à la souveraineté sont officiellement déléguées au gouverneur général, sur la base des lettres patentes émises en 1947 par le roi George VI, sur la recommandation du premier ministre Mackenzie King (3). De par les conventions régissant un gouvernement parlementaire, règle générale, la gouverneure générale exerce ses pouvoirs, tant statutaires que de prérogative, sur la recommandation du premier ministre et du Cabinet (4).

Dans de très rares cas, un gouverneur général peut agir sans l'avis du ministre ou contrairement à cet avis. La convention prévoit que le premier ministre est le chef du parti qui peut, pour le moment, rallier une majorité de députés à la suite d'un vote de confiance. Dans le cas d'un gouvernement minoritaire, il est possible que le premier ministre et son parti perdent un tel vote et ils doivent, le cas échéant, démissionner ou demander une dissolution du Parlement. Une démission mène à un transfert des pouvoirs aux adversaires, ce qui suscite souvent une tendance naturelle à vouloir déclencher des élections pour tenter d'accroître les appuis du parti. La gouverneure générale conserve une prérogative > qui sert de frein à une telle tendance. Par suite de la perte de confiance de la Chambre, elle peut rejeter la recommandation de dissoudre le Parlement et choisir plutôt le chef d'un autre parti qui pourrait gagner la confiance de la Chambre. Un tel rejet pourrait clairement survenir en réponse au rejet du premier discours du Trône faisant suite à des élections générales. Par contre, il serait plutôt inusité dans le cas oø un gouvernement minoritaire aurait déjà survécu pendant deux ans.

Au chapitre du volume et de la visibilité, les lois et règlements constituent la principale source de pouvoirs exécutifs. Les pouvoirs étendus qui sont conférés au gouverneur en conseil (le gouverneur général agissant sur la recommandation du Cabinet) sont généralement précis et détaillés. De par leur nature, les pouvoirs en vertu de la prérogative se prêtent moins à la codification dans un ensemble de règles écrites rigides. Bien qu'ils confèrent une grande latitude au gouvernement, ils ne sont pas illimités et ils sont soumis à une révision judiciaire en cas d'excès. La distinction entre la prérogative et le pouvoir conféré par la loi devient alors importante lorsqu'une mesure prise par un gouvernement est contestée devant les tribunaux.

La compétence de la Cour fédérale d'examiner une mesure illégale aux termes de la Loi sur les Cours fédérales est restreinte principalement aux pouvoirs prévus > (5) À première vue, ces termes semblent exclure le pouvoir de dissolution conféré au gouverneur général en tant qu'élément de la prérogative royale plutôt qu'un pouvoir conféré par une loi. La Cour fédérale semble reconnaître cette distinction, mais elle n'en a pas expressément tenu compte au moment de rejeter cette demande. L'article 50 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui établit à 5 ans la durée de vie d'un Parlement tout en maintenant expressément le pouvoir du gouverneur général de le...

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