Inad

AuthorPaddon, Kelli

La pandémie de COVID-19 a entraîné d'importants changements dans plusieurs lieux de travail à travers le monde, et les assemblées législatives du Canada n'ont pas fait exception. Liés par la tradition de Westminster et habituellement prudents lorsqu'ils mettent en oeuvre de nouveaux protocoles, les parlements du Canada ont dû procéder à des changements opérationnels substantiels et profonds en peu de temps afin que les parlementaires et le personnel parlementaire puissent continuer à assumer leurs responsabilités démocratiques. Dans cet article, l'auteure examine dans quelle mesure ces changements ont eu des répercussions pour les femmes au sein de ce milieu de travail unique. Elle utilise et adapte le concept d'>, issu des études sur la théorie critique du handicap, pour démontrer comment un environnement de travail qui n'avait pas initialement été créé pour s'adapter au corps des femmes est soudainement devenu un lieu où tous les corps étaient > à la suite de changements apportés à des pratiques de longue date en raison des mesures de distanciation sociale et des limites de capacité. L'auteure conclut que la réponse à la pandémie démontre qu'il est possible de modifier les traditions parlementaires fondées sur le genre et la culture; elle souligne également qu'il est triste de constater que cette situation spectaculaire et brutale s'est révélée plus efficace pour instaurer un changement de culture au sein du Parlement que la présence et la participation accrues des femmes à long terme.

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Première femme élue à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique (ALCB) en 1918, Mary Ellen Smith est devenue la première femme de l'Empire britannique à être nommée au Cabinet--sans toutefois détenir de portefeuille (1). Depuis, au sein de l'ALCB, des femmes sont devenues présidentes, premières ministres et chefs de trois partis, tant au gouvernement que dans l'opposition. Au moment de la rédaction de ce rapport, près de la moitié des députés de l'ALCB étaient des femmes. De plus, le cabinet de l'Assemblée est paritaire pour une seconde fois, et le caucus du gouvernement compte plus de femmes (29) que d'hommes (28), ce qui constitue une première en Amérique du Nord. Ces avancées ne sont pas le fruit du hasard, mais plutôt le résultat d'années de recherche et d'efforts concertés pour accroître le nombre de femmes candidates à des sièges pouvant être remportés, et d'un engagement politique en faveur de l'équité de la part du Nouveau parti démocratique de la Colombie-Britannique (2). A la suite des élections de 2020, les députés élus ont été appelés à siéger, conformément au Règlement de la Chambre des communes (le Règlement) (3) selon un modèle hybride; la plupart des députés ont participé aux séances par le biais de la plateforme de vidéoconférence Zoom, tandis que les présences en personne étaient limitées afin d'éviter la propagation de la COVID-19. Des modifications ont été apportées et la technologie a été mise à profit pour que tous les députés puissent voter, débattre, faire des déclarations et participer aux travaux tandis qu'on pouvait les observer sur un écran installé en Chambre.

Le présent article examine les façons dont la pandémie de COVID-19 a entraîné des changements spectaculaires dans le fonctionnement du système de Westminster et au sein de l'ALCB en tant que lieu de travail. Plus précisément, il adopte une approche interdisciplinaire pour déterminer quelles leçons peuvent être tirées des changements liés à la COVID-19 en matière de sensibilisation à l'égalité des genres au sein de l'ALCB en tant que lieu de travail, en intégrant la théorie féministe et la théorie critique du handicap.

Pour explorer cette question, il est essentiel de se pencher sur les travaux réalisés dans les domaines des sciences politiques, des études des femmes, de l'histoire, du droit, de la philosophie, de la politique et de la psychologie politique, sous l'angle des théories féministes et de la théorie critique du handicap. L'auteure explore le concept de la sensibilisation à l'égalité des genres et son application au sein de l'ALCB et utilise des exemples précis de comportements fondés sur le genre, tels que le chahut et le fait de prodiguer des soins, pour illustrer les normes et les traditions fondées sur le genre qui prévalent dans ce lieu de travail. Cet article décrit et intègre également les concepts d'> et d'> tirés de la théorie féministe matérialiste de Rosemarie Garland-Thomspon (4) pour examiner les éléments invalidants d'un milieu de travail qui ne fait pas preuve de sensibilité à l'égard de l'égalité des genres ou de l'inclusion.

Cet article montre que le retrait de la plupart des corps du lieu de travail physique en raison de l'> créée par la COVID-19 et visant tous les députés a entraîné des changements dans la culture fondée sur le genre au sein de l'ALCB, notamment la réduction ou l'interruption de certaines traditions fondées sur le genre--ce qui suggère que le comportement fondé sur le genre constitue un choix, et non un élément inextricable du système. L'application et l'intégration de ces théories peuvent offrir à l'ALCB et à d'autres parlements des éléments importants à prendre en considération afin de démontrer qu'il est possible de disposer de législatures à la fois efficaces et plus sensibles à l'égalité des genres, de comprendre l'incidence des traditions sur la culture fondée sur le genre en milieu de travail et de faire des choix quant à la façon dont ces systèmes pourraient évoluer pour devenir des milieux de travail plus inclusifs et sensibles à l'égalité des genres.

Cet article a été écrit environ 22 mois après que la COVID-19 soit devenue une préoccupation réelle en Colombie-Britannique. Depuis, nous avons assisté à de multiples vagues, phases, étapes et restrictions, ainsi qu'au déploiement des vaccins. Presque tous les lieux de travail de la province ont changé d'une manière ou d'une autre, pour le meilleur ou pour le pire, de façon temporaire ou permanente. L'ALCB ne fait pas exception.

Ce travail est également présenté dans une perspective très précise, et l'influence inextricable des expériences vécues en ce qui a trait à l'intégration, à l'interprétation et à la prise en compte de la documentation doit être située. Le cadre de référence de l'auteure est celui d'une femme blanche, cisgenre, sans handicap visible et siégeant actuellement à l'Assemblée législative de la ColombieBritannique, qui est son lieu de travail.

Le travail des femmes en politique

L'ALCB fait partie du Commonwealth et fonctionne selon le système de gouvernance de Westminster. La documentation existante souligne que > [TRADUCTION]. Ces règles et traditions, qu'elles soient écrites ou non, défendent certaines normes entourant > [traduction]. (6) Ces règles et traditions constituent le contexte institutionnel dans lequel les femmes politiques travaillent (7).

Lovenduski (2014) décrit les législatures et les systèmes de Westminster comme étant :

> et où le pouvoir, les processus et les comportements favorisent les hommes qui les ont créées et qui en ont été les seuls occupants pendant très longtemps. Lorsque les femmes entrent dans une assemblée législative, elles entrent dans un territoire masculin. Elles peuvent être confrontées ou non à des hommes hostiles, mais elles sont confrontées à des institutions qui ont été construites pour exclure les femmes (8) [TRADUCTION] .

Bien que les recherches menées dans ce domaine parviennent parfois difficilement à cerner et à décrire les questions de nuance et de culture, il apparaît clairement qu'au fur et à mesure qu'un plus grand nombre de femmes pénètrent dans ce lieu de travail traditionnellement masculin, leur > [TRADUCTION]. On souligne également que > [TRADUCTION],

> [TRADUCTION]. Les médias, la politique américaine, le vitriol en ligne et le milieu universitaire ont influencé la manière dont nous percevons la politique en tant que débat, tandis que les recherches sur le genre, la race, la sexualité et les capacités ont élargi davantage nos cadres de référence. Baick décrit les guerres culturelles et explique que notre culture politique est un concept vague qui englobe > qui sont fortement fondés sur le genre et qui jugent les femmes. Par ailleurs, bien qu'il soit désormais possible pour les femmes de travailler en politique, le climat politique est pour le moins inhospitalier à leur égard. La culture populaire a été saturée par les attitudes et le discours trumpiens, ce qui risque de faire hésiter davantage les femmes qui souhaitent se lancer dans le domaine politique. > [TRADUCTION].

L'un des exemples les plus frappants de la culture et du comportement fondés sur le genre au sein des législatures est sans doute le chahut, que l'on peut définir comme étant >. Cette définition inclut les interventions (positives ou négatives) visant à interrompre un député lorsqu'il prend la parole.

De nombreuses recherches ont été menées sur le caractère sexospécifique du chahut en ce qui concerne le contenu, l'environnement et la nature oppositionnelle de cette tradition, ainsi que les cibles et les répercussions (14). Cette tradition est à la fois difficile à étudier et extrêmement résistante au changement; cependant, les recherches ne permettent pas de déterminer si la résistance au changement est attribuable à une question de volonté ou de capacité. Les recherches menées par Grisdale et confirmées ultérieurement par Samara Canada montrent que la tradition perturbatrice du chahut, qui est fondée sur l'affrontement, n'est pas perçue de façon positive par le public ou certains députés : >. Quant aux politiciens eux-mêmes, lorsque Grisdale (2011) a exploré les répercussions du chahut à la Chambre, il a constaté ce qui suit :

Un nombre important de députés ont indiqué que le chahut les amène à participer beaucoup moins fréquemment, voire pas du tout, aux travaux de la Chambre. En outre, bon nombre des mots utilisés contre d'autres députés dans les chahuts sont...

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