L'Assemblee nationale du Quebec.

AuthorPaquin, Magali

Le Parlement du Québec est l'un des plus anciens du Canada. Bien qu'il affiche les principales caractéristiques d' un parlement d'origine britannique, son évolution est marquée par le clivage entre francophones et anglophones et par l'affirmation identitaire québécoise. Cette singularité confère à l'Assemblée nationale du Québec un caractère qui lui est propre parmi les autres législatures provinciales et qui se reflète au niveau du cadre institutionnel, des dynamiques partisanes et des députés.

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L'histoire du Parlement québécois (1) débute avec l'Acte constitutionnel de 1791, qui scinde la colonie britannique en deux provinces et dote chacune d'elles d'une chambre d'Assemblée élective. Les structures des parlements du Haut et du Bas-Canada sont caiquées sur les institutions de Westminster et se développent non sans heurts et tâtonnements. Le Parlement du Bas-Canada se compose d'une chambre d'Assemblée élue, d'un conseil législatif et d'un gouverneur responsable de la partie exécutive, qui est secondé par un conseil exécutif dont les membres sont désignés par Londres. Le système n'est démocratique qu'en façade et les pouvoirs de l'Assemblée législative sont, en réalité, extrêmement limités. Le clivage entre anglophones et francophones est à l'avant-plan des luttes politiques. Ces derniers ont la ferme volonté de voir respecter leurs intérêts, leurs institutions et leur langue, ce qui s'illustre dès l'ouverture de la première session parlementaire dans un virulent débat sur le statut de la langue française. Le contrôle du Parlement par les Anglais et leur mainmise sur les subsides alimentent la colère des francophones et, en 1838, la révoite des Patriotes force la suspension de la Constitution. Les institutions politiques sont temporairement remplacées par un conseil spécial non électif, période au cours de laquelle lord Durham produit son célèbre rapport.

L'Acte d'Union de 1840 rétablit les institutions parlementaires, mais cette fois au sein du Canada-Uni, avec comme objectif explicite de minoriser les francophones au sein du Parlement. Celui-ci, toujours bicaméral, compre une assemblée législative élue oø chaque ancienne province est représentée à parts égales (et ce, malgré le fait que la population du Bas-Canada soit plus nombreuse que celle du Haut-Canada), ainsi qu'une chambre haute, le Conseil législatif, dont les membres sont désignés par le gouverneur. Ce dernier est à la tête du Conseil exécutif et en nomme également les membres. Les tensions linguistiques demeurent vives. D'abord proscrit dans les textes officiels, l'usage du français est rétabli sous la pression politique en 1847. Peu à peu, les députés font cependant des gains, dont le principe de gouvernement responsable, en 1848, et l'élection des membres du Conseil législatif, en 1856. Les institutions parlementaires atteignent peu à peu le degré de perfection souhaité par les Patriotes. Cependant, l'instabilité politique, la guerre civile états-unienne et la pression des grands milieux d'affaires forcent la classe politique à envisager une nouvelle formule constitutionnelle.

Le parlementarisme traditionnel (1867-1960)

En 1867, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique dote la province de Québec d'un parlement souverain dans ses sphères de responsabilités. Il comporte alors deux chambres : l'Assemblée législative, composée à cette époque de 65 députés élus, et le Conseil législatif, comptant 24 membres nommés à vie par le lieutenant-gouverneur. S'inscrivant d'une part dans la tradition britannique, la Chambre haute poursuit d'autre part un rôle particulier : protéger la minorité anglophone qui appréhende sa minorisation dans la nouvelle province. Les anglophones obtiennent également douze circonscriptions protégées dont les limites ne peuvent être modifiées sans le consentement majoritaire de leurs représentants élus.

Le Règlement adopté en 1868 est presque identique à celui de l'Assemblée législative du Canada-Uni et est complété par des références aux usages de la Chambre des communes de Londres. Ce cadre formel ne subit que quelques changements mineurs au cours des décennies suivantes. Les refontes du Règlement en 1885, 1914 et 1941 changent très peu à sa substance et sa lourdeur invite plutôt au respect des traditions. En 1960, la procédure québécoise suit plus fidèlement le modèle britannique originel que ne le fait le parlement du Royaume-Uni au même moment, au point oø certains n'hésitent pas à souligner > du Parlement québécois (2).

Malgré le statisme apparent de cette période, de profondes mutations marquent les structures et le fonctionnement du Parlement, à l'image de la tendance qui touche la plupart des institutions parlementaires des États libéraux. L'importance du lieutenant-gouvemeur et du Conseil législatif décroit, tandis que l'exécutif exerce un contrôle de plus en plus serré sur les travaux parlementaires.

À la fin du XIXe et pendant la première partie du XXe siècle, le rôle du lieutenant-gouverneur est considérable. Disposant d'un certain nombre de prérogatives, il s'immisce dans l'activité législative des deux chambres et contrecarre le gouvernement. Selon Louis Massicotte, les pouvoirs du lieutenant-gouverneur ont trois choses en commun : >, et ce, bien qu'aucun n'ait été officiellement abrogé. De protagoniste, le lieutenant-gouverneur > pour devenir un personnage secondaire de l'histoire politique du Québec (3).

La Chambre haute connaît un destin semblable. Lorsque le Conseil législatif de la Nouvelle-Écosse est aboli en 1928, le Québec reste la dernière province à posséder une deuxième chambre, les autres provinces canadiennes ayant supprimé les leurs à la fin riu XIXe siècle. Les pouvoirs du Conseil législatif québécois ne sont pas négligeables. Il possède un droit de veto absolu sur toutes les lois votées par rAssemblée, y compris la législation à caractère financier. C'est ainsi qu'il provoque la chute du gouvernement Joly de Lotbinière en 1879 et rejette sa propre abolition à deux reprises, en 1878 et 1900. Dans les années 1960, le Québec attribue encore à sa Chambre haute des >, alors que la Chambre des lords britannique a vu les siens considérablement réduits au cours du siècle. Le Conseil législatif connaît cependant un lent déclin et exerce ses prérogatives avec moins de vigueur. Son prestige et son autorité politique, affectés par des scandales et des conflits d'intérêts, s'effritent graduellement (4).

Le déclin de ces contrepoids politiques s'accompagne du renforcement de la position dominante du premier ministre et du contrôle de l'exécutif sur les travaux parlementaires. Comme le démontre Massicotte, les députés québécois du début du XXe siècle sont des législateurs actifs qui n'hésitent pas à rompre au besoin les lignes de parti. Peu à peu, cet > du Parlement laisse place à une forme de harnachement de la députation, semblable à celle qu'on observe aujourd'hui. La mainmise du Conseil exécutif sur l'élaboration des lois et l'affermissement de la discipline de parti réduisent peu à peu l'autonomie des députés.

L'efferveseence des transformations parlementaires

À partir des années 1960, d'importants bouleversements parlementaires adviennent sous l'action conjuguée de plusieurs facteurs sociaux et politiques, au cours de la période dite de la Révolution tranquille. L'expansion phénoménale de l'État providence, l'affirmation identitaire et linguistique québécoise et le déclin de rinfluence du clergé catholique se répercutent dans l'enceinte riu Parlement. Des réformes sont mises en branle et ont pour principaux effets de délester l'Assemblée de certaines tâches, d'accomplir plus rapidement des travaux d'ordre législatif et financier et d'adapter symboliquement le Parlement à la nouvelle réalité québécoise (5).

Si les cadres institutionnels mis en place en 1867 survivent jusqu'en 1960, c'est non seulement en raison du prestige qu'ils arborent aux yeux de la classe politique, mais aussi et surtout parce que le volume des affaires à traiter, relativement modeste, s'y insère et s'y expédie relativement bien. Aucun changement substantiel ne marque le fonctionnement parlementaire pendant les premières années de la Révolution tranquille. Or, face au gonflement des erédits budgétaires, à la complexification des projets de lois publics et à la multiplication des projets de lois privés, des complications apparaissent rapidement. Les mécanismes parlementaires sont surchargés et la durée des sessions va jusqu'à tripler en cinq ans. Le personnel politique se rend alors à l'évidence que les cadres institutionnels hérités du passé doivent être changés.

En une vingtaine d'années, le Parlement québécois change de visage (5). Le Conseil Iégislatif est aboli en 1968, contre le versement à vie du salaire des conseillers. La terminologie parlementaire est fl'ancisée6 et l'Assemblée est désignée comme > plutôt que législative. La visibilité de la monarchie et, par conséquence, du lieutenant-gouverneur, est considérablement réduite. Plusieurs exhortent à > (7). Le rejet des symboles monarchiques est loin d'être réservé aux indépendantistes ou aux nationalistes québécois, car mêmes les fédéralistes considèrent que l'anachronisme des cérémonials est une aberration. S'inscrivant dans l'ère du temps préconisant une séparation claire entre l'Église et l'État, les reliques religieuses sont écartées et la prière est remplacée par un moment de recueillement. Seul subsiste aujourd'hui le crucifix surplombant le fauteuil du président, que la majorité des députés souhaite conserver en souvenir d'une époque marquante, ce qui neva pas sans alimenter plusieurs débats.

Bien que ces réformes soient substantielles, elles s'avèrent vite insuffisantes aux yeux des nouvelles cohortes de députés, qui manifestent un vif intérêt pour le rajeunissement de l'institution. De nouveaux projets sont préconisés, dont la télédiffusion des débats, qui débute en 1978. Un second processus de réforme s'enclenche, avec pour objectif principal...

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