'Let (language) right(s) prevail': le statut du francais au Barreau du Haut-Canada.

AuthorLarocque, Francois
PositionIII. Le statut du francais au Barreau du Haut-Canada D. La discipline des titulaires de permis d'expression francaise through V. Conclusion, p. 135-160

D. La discipline des titulaires de permis d'expression francaise

La premiere audience disciplinaire en francais dans l'histoire du Barreau du Haut-Canada semble avoir eu lieu en avril 1991 (177), mais ce n'est seulement qu'en octobre 1992 que le Comite sur les services en francais a adopte une politique formelle sur les audiences en francais (178). Cette politique permettant les audiences disciplinaires en francais a precede de six ans les modifications de la Loi sur le Barreau de 1998 (179) codifiant le droit des titulaires de permis d'exiger une audience en francais devant les comites disciplinaires du Barrean du Haut-Canada (180). Par ailleurs, en octobre 1992, le Comite sur les services en francais a rapporte que les

recommendations made by the Sub-committee on Discipline Hearings in French were approved by Convocation to allow non-bencher lawyers who are fluent in French to sit on Discipline Panels at the request of a francophone solicitor if French-speaking benchers are not available. These recommendations obviously will require legislative change (181). Cette modification legislative, confirmant la possibilite de nommer des titulaires de permis francophones a titre de membres provisoires du Comite d'audition afin de garantir une audience en francais, est survenue en 2006 (182).

L'article 49.24(1) de la Loi sur le Barreau prevoit desormais qu'une personne d'expression francaise qui est partie > (183). Ce droit s'applique egalement aux instances du Comite d'appel du Barreau du Haut-Canada en vertu de l'article 49.37. La Loi de 2006 sur l'acces a la justice (184) vient faciliter le respect des obligations linguistiques du Barreau en ajoutant l'article 49.24.1 a la Loi sur le Barreau, lequel permet au president ou vice-president du Comite d'audition et du Comite d'appel:

... d'affecter des membres du Comite d'audition a une audience conformement a une exigence de la presente loi ou des reglements ou conformement a une exigence formulee en vertu du paragraphe 49.24 (1), il peut nommer une ou plusieurs personnes membres provisoires du Comite d'audition aux fins de cette audience afin de se conformer a cette exigence (185). Cette disposition renforce l'obligation positive du Barreau de prendre les mesures necessaires pour s'acquitter des devoirs que lui impose l'article 49.24(1), et lui dorme egalement les outils pour y parvenir. Effectivement, grace a l'article 49.24.1 (1), le Barreau peut nommer des titulaires de permis d'expression francaise pour sieger en tant que membres provisoires des Comites d'audition et d'appel, assurant la disponibilite d'audiences en francais en temps utile et opportun lorsqu'elles sont exigees aux termes de l'article 49.24(1).

Au moment de la publication du present article, les deux jugements de la Cour divisionnaire dans l'affaire Landry c Barreau du Haut-Canada sont les seules decisions judiciaires portant sur le droit a une audience disciplinaire en francais en vertu de l'article 49.24(1) de la Loi sur le Barreau (186). L'affaire Landry s'est deroulee en deux volets. L'affaire Landry no 1 portait sur l'obligation positive du Barreau de former un Comite d'appel francophone en temps opportun, conformement a l'article 49.37(1) de la Loi sur le Barreau. Pour sa part, l'affaire Landry no 2 portait sur l'obligation du Comite d'audition de rendre sa decision en francais dans le cadre d'une instance de langue francaise instruite en vertu de l'article 49.24(1) de Loi sur le Barreau.

1. Landry no 1

Le premier volet de l'affaire Landry a debute en aout 2009 alors que Me Landry, une avocate 'd'Ottawa, faisait face a une audience disciplinaire devant le Comite d'audition du Barreau. Cette audience a lieu en francais a Toronto. Le 17 decembre 2009, le Comite d'audition a rendu une decision recommandant la suspension du permis de Me Landry (187). Me Landry a interjete appel de cette decision le 18 jan-vier 2010 et elle a signifie une motion visant a sursoir la suspension jusqu'a la date de l'appel afin que son droit d'appel ne devienne pas theorique, puisqu'elle avait d'eja a commence a purger sa suspension.

L'audience de la motion pour sursis s'est deroulee le 29 mars 2010 a Toronto. Le panel de cette audience a rejete la demande de sursis, mais a ordonne que l'audition de l'appel ait lieu le plus rapidement possible (188). La date la plus rapprochee etait le 12 avril 2010. Toutefois, bien que les parties et les procureurs etaient disponibles pour cette date, Me Landry aurait purge la majorite de sa suspension avant l'audience de son appel. Le 7 avril, le Comite d'appel du Barreau informe les parties que l'audience d'appel ne pourrait pas avoir lieu le 12 avril comme prevu a defaut de pouvoir constituer un panel francophone. Les atermoiements du Barreau du Haut-Canada a convoquer un Comite d'appel francophone rendaient l'appel de Me Landry potentiellement theorique et risquaient de lui causer des prejudices irreparables. C'est par voie de controle judiciaire a la Cour superieure de justice que Me Landry a pu obtenir, le 16 avril 2010, un sursis interimaire de sa suspension du 17 decembre 2009 (189).

L'audition de la motion et de l'appel de Me Landry devant le Comite d'appel du Barreau du Haut-Canada a ete retardee parce que celle-ci a exerce ses droits linguistiques. Il ne fait aucun doute que ces retards n'auraient pas eu lieu si elle avait demande des audiences en anglais. Le Comite d'appel du Barreau du Haut-Canada n'aurait pas eu de difficulte a constituer des panels anglophones et a accelerer les procedures. Pourtant, comme l'a souligne la Cour divisionnaire de l'Ontario, le > (190). Le Barreau a manque a cette obligation en l'espece. Ainsi, bien qu'elle n'ait pas accorde le sursis permanent de la suspension de Me Landry, la Cour divisionnaire de l'Ontario a ordonne que le sursis interimaire soit maintenu jusqu'a la fin du processus d'appel devant les instances disciplinaires du Barreau du Haut-Canada (191). > (192).

2. Landry no 2

Le deuxieme volet de l'affaire Landry porte sur les motifs de decisions fournis par le Comite d'audition dans le cadre d'une procedure disciplinaire distincte. Le 14 janvier 2009, le Barreau a introduit une requete contre Me Landry portant sur sa conduite professionnelle en vertu de l'article 34 de la Loi sur le Barreau. Me Landry a signifie et depose un avis de motion devant le Comite d'audition du Barreau qui demandait le sursis de la requete du Barreau. La motion de Me Landry, redigee en francais, portait sur une question procedurale, a savoir si le Barreau avait excede le delai de prescription applicable. Le Comite d'audition du Barreau a entendu la motion de Me Landry en francais, dans le respect de son droit garanti a l'article 49.24 de la Loi sur le Barreau. Tous les materiaux et actes de procedures des parties ont ete rediges et deposes en francais, incluant l'avis de motion, la preuve et les memoires. L'audience s'est egalement deroulee completement en francais (193).

Cinq mois plus tard, le 17 mars 2010, le Comite d'audition du Barreau a rejete la motion de Me Landry et lui a communique les motifs de decision. Curieusement, les motifs de decision du Comite d'audition etaient rediges uniquement en anglais, mme si l'affaire avait ete instruite entierement en francais aux termes de l'article 49.24(1) de la Loi sur le Barreau. Par ailleurs, dans la lettre accompagnant la decision, le Comite d'audition a indique qu'une version francaise des motifs suivrait par la poste. Plus d'un mois plus tard, le 30 avril 2010, le Comite d'audition du Barreau du Haut-Canada a transmis la version francaise de ses motifs de decision a Me Landry (194).

Devant la Cour divisionnaire de l'Ontario, le Barreau du Haut-Canada a reconnu > (195). La Cour divisionnaire n'a pas cache sa deception a l'egard du Barreau : > (196). En definitive, toutefois, la Cour a refuse de se prononcer sur la legalite du comportement du Barreau que le a neanmoins qualifie de > (197)--tant que Me Landry n'a pas epuise ses recours internes devant le Comite d'appel du Barreau (198).

A notre sens, l'obligation legislative du Barreau du Haut-Canada d'offrir des audiences disciplinaires en francais inclut l'obligation correspondante de rendre ses decisions en francais, en meme temps ou avant la publication de la version anglaise des motifs. Le manquement du Comite d'audition du Barreau dans l'affaire Landry no 2 temoigne, comme l'a souligne la Cour divisionnaire, d'un manque de respect et de sensibilite envers les titulaires de permis d'expression francaise, et a pour effet de miner le statut du francais au sein de cette institution.

Les affaires Landry demontrent que les droits linguistiques des titulaires d'expression francaise demeurent fragiles lorsque ceux-ci font l'objet d'audiences disciplinaires. La portee precise des articles 49.24 et 49.37 de la Loi sur le Barreau reste a etre definie par les tribunaux judiciaires. A l'article 4.2 de la Loi sur le Barreau, le legislateur a enonce les principes directeurs pour toutes les actions et decisions du Barreau du Haut-Canada, incluant la discipline professionnelle. Notamment, la legislature a mandate le Barreau du Haut-Canada > (article 4.2(1)) ; de > (article 4.2(2)) et de > (article 4.2(3)). Ces obligations fondamentales du Barreau sont indissociables des droits a une audience disciplinaire en francais que le legislateur ontarien a reconnus aux avocates et avocats d'expression francaise aux termes des articles 49.24 et 49.37.

Le droit a une instance en francais ou en anglais constitue un droit quasi constitutionnel. Dans R c Beaulac, la Cour supreme du Canada a enonce que:

Les droits linguistiques ne sont pas une sous-categorie du droit a un proces equitable. Si le droit de l'accuse d'employer sa langue officielle dans une instance judiciaire etait limite en raison de ses aptitudes linguistiques dans l'autre langue officielle, il n'y aurait pas en realite de droit linguistique distinct. La Cour d'appel a commis une erreur, sans aucun...

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