Lorsque les tribunaux decident des elections.

AuthorMorin, Jacques Carl

Des enquêtes récentes sur des irrégularités électorales survenues lors des élections fédérales de 2011 ont conduit à des contestations judiciaires. Il est inhabituel pour les tribunaux de renverser le résultat d'une élection et d'en ordonner une nouvelle. Cas rarissime, le juge peut aussi proclamer un candidat élu à la place d'un autre, comme en témoignent les trois contestations d'élection auxquelles s'intéresse le présent article.

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En 1872, le législateur québécois confie aux tribunaux le soin de juger de la validité de l'élection des députés de l'Assemblée législative. La Cour supérieure et, par la suite, la Cour de magistrat, la Cour provinciale et la Cour du Québec auront successivement la tâche de trancher les contestations d'élection (1).

Le tribunal appelé à se prononcer dans de tels cas peut confirmer l'élu en place s'il estime que les faits allégués ne sont pas établis ou si les irrégularités qu'il a constatées ne sont pas de nature à influer sur le résultat de l'élection (2).

Le scrutin peut être invalidé s'il est entaché de manoeuvres frauduleuses (3), si des irrégularités commises à l'occasion de cette élection dépassent en nombre la majorité du candidat arrivé en tête (4) ou encore si l'inéligibilité de ce dernier est établie (5). Une cinquantaine d'élections, la plupart au XIXe siècle, ont été ainsi annulées par les tribunaux.

Enfin, un candidat peut exceptionnellement être proclamé élu à la place d'un autre. Ce fut le cas lors des contestations d'élection dans les circonscriptions de Montmagny, en 1881, et de L'Assomption, en 1960. La contestation du scrutin de Bristol South East, survenue en Grande-Bretagne en 1961, a connu un dénouement semblable.

Montmagny

Élu député libéral de la circonscription de Montmagny à l'Assemblée législative lors de l'élection partielle du 30 novembre 1876, Louis-Napoléon Fortin est réélu au scrutin général de 1878. Le 29 octobre 1879, il joint les rangs du Parti conservateur avec quatre de ses collègues et contribue ainsi à la chute du gouvernement libéral de Joly de Lotbinière. On surnommera ces transfuges les cinq veaux ou les vendus, Fortin étant le vendu numéro cinq (6).

Fortin brigue de nouveau les suffrages lors des élections générales du 2 décembre 1881 dans Montmagny, cette fois sous l'étiquette du Parti conservateur, contre Nazaire Bernatchez, le candidat libéral. Sous la gouverne de Joseph-Adolphe Chapleau, les conservateurs font élire 50 députés, alors que les libéraux se retrouvent avec 15 élus.

Dans la circonscription de Montmagny, l'addition définitive des votes effectuée par l'officier-rapporteur à partir des relevés trouvés dans les boîtes de scrutin donne une majorité de 16 voix au libéral Bernatchez (7). Fortin demande un nouveau dépouillement des voix par un juge. En examinant les bulletins de vote un par un, le juge Auguste-Réal Angers écarte 27 bulletins de vote qui proviennent de l'une des deux urnes de la paroisse Saint-François.

Fortin est proclamé élu avec une majorité de 4 voix. Même si une fraude est alors soupçonnée, le rôle du juge présidant à un dépouillement se borne à lire, à attribuer ou annuler, s'il y a lieu, et à compter les bulletins de vote pour établir les résultats du scrutin.

Dans les délais prescrits par la loi, Bernatchez dépose une requête en contestation d'élection en demandant que les bulletins écartés soient admis et qu'on lui rende le mandat dont Fortin l'a dépossédé...

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