De mal en pis : les députés, leurs responsabilités parentales et la pandémie.

AuthorBittner, Amanda
PositionArticle vedette

Ce n'est que depuis peu que les députés du Canada ont accès à des congés de maternité et parentaux payés. Cela dit, même s'ils ont droit à de tels congés, il n'existe pas de règles ou de dispositions connexes leur permettant de continuer de représenter leurs électeurs lorsqu'ils bénéficient d'un congé accordé par la Chambre des communes. Dans cet article, les auteures comparent les congés parentaux accordés aux députés de la Chambre des communes du Canada aux mesures dont peuvent maintenant se prévaloir les députés de la Chambre des communes du Royaume-Uni. Etant donné que les débats virtuels ont été mis à l'essai pendant la pandémie de COVID-19, les auteures proposent qu'à l'avenir, le Parlement fonctionne de manière hybride, c'est à dire en se réunissant en personne et virtuellement, ou qu'il autorise le vote à distance, non seulement pour les députés en congé parental, mais aussi pour tous les députés qui ne peuvent être présents dans l'enceinte de la Chambre pour diverses raisons, que ce soit un problème médical, un congé de deuil, des conditions météorologiques défavorables ou la distance géographique..

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La pandémie de COVID-19 a exposé au grand jour certaines des difficultés, préoccupations et contraintes avec lesquelles les parents doivent composer. Un nombre sans précédent de travailleurs ont carrément perdu leur emploi, et les personnes qui continuent de travailler peinent à trouver un équilibre entre le travail, la garde de leurs enfants et la nécessité de pourvoir à d'autres besoins. En raison des fermetures causées par la COVID-19, certains travailleurs essentiels ne sont plus en mesure de faire garder leurs enfants. Quant aux parents qui doivent maintenant travailler à plein temps de la maison, dans les faits, soit ils travaillent, soit ils s'occupent de leurs enfants, mais ils peuvent rarement faire les deux en même temps.

Les femmes sont plus durement touchées par ces problèmes. En effet, même si les hommes accomplissent aujourd'hui beaucoup plus de tâches à la maison que par le passé, les femmes sont encore les principales responsables du travail non rémunéré effectué dans leur foyer. Qui plus est, ce sont d'abord et avant tout elles qui s'occupent de la garde des enfants. Si nous ajoutons à cela le fait que quatre parents seuls sur cinq sont des femmes et que ce sont ces dernières qui ont été les plus touchées par les pertes d'emploi associées à la COVID-19, il est alors juste de dire que ce sont les mères qui subissent les pires conséquences économiques.

Ce tiraillement entre le travail et la garde des enfants n'a rien de nouveau; des spécialistes qui se sont penchés sur l'État providence affirment qu'il est impossible de comprendre l'économie ou les programmes sociaux si nous ne comprenons pas la dynamique qui soustend les soins non payés, qui sont la plupart du temps prodigués par les femmes (1). La pandémie a simplement montré que la manière dont nous percevons le genre, le travail et les responsabilités en matière de soins est fort dépassée.

La difficulté d'atteindre un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle est particulièrement évidente en ce qui concerne les députés du Canada. Les dispositions relatives aux congés de maternité et parentaux offerts à nos élus sont nouvelles et inadéquates. Tandis que les autres parlements inspirés du modèle de Westminster, et plus particulièrement celui de la Grande-Bretagne, ont étudié à fond ce qu'il convient de faire pour permettre aux députés de s'acquitter de leurs responsabilités parentales et parlementaires et ont pris des mesures en conséquence, le Canada, lui, n'a rien fait. Dans le présent article, nous soutenons que la séquence des événements au Canada déterminera l'avenir des politiques relatives à cette question. Ainsi, comme les politiques de congé parental adoptées ne s'accompagnent d'aucune mesure adéquate pour permettre aux députés qui ont des enfants de s'absenter de la Chambre, la question est aujourd'hui au centre de chicanes partisanes quant aux mécanismes à appliquer dans le contexte de la COVID-19. Il aurait effectivement été bien plus simple d'appliquer les politiques et de recourir aux congés parentaux si on avait dès le départ étudié de plus près la manière d'aborder de tels congés et le travail des députés au Parlement.

Équité en milieu de travail et congés parentaux à la Chambre des communes du Canada

Partout dans le monde, les gouvernements ont établi des règles en ce qui concerne les congés de maternité et parentaux dans la plupart des milieux de travail à l'extérieur de la sphère politique, ont pris au sérieux la garde et l'éducation des jeunes enfants et ont adopté des lois visant à appuyer les enfants et les familles, ce qui a permis d'accroître considérablement le nombre de femmes sur le marché du travail. Pourtant, les assemblées législatives du monde entier en général, et la Chambre des communes du Canada en particulier, accusent un important retard à cet égard.

Les députés du Canada ont seulement droit à des congés parentaux depuis un an environ. En juin 2019, la Chambre des communes du Canada a adopté à l'unanimité une politique permettant aux députés de prendre un congé de maternité et parental payé (2). Avant cela, les députés qui s'absentaient pendant plus de 21 jours pour une raison autre qu'une maladie ou l'exercice de fonctions officielles subissaient une perte de salaire de 120 $ par jour. La nouvelle politique est donc une première étape nécessaire.

Toutefois, contrairement à ce qui a été prévu par d'autres pays, aucune autre règle ou disposition officielle n'a été modifiée parallèlement à la mise en œuvre de ce congé parental. Pour les députés du Canada, le fait de prendre un congé de maternité et parental se traduit simplement par une absence à la Chambre. Les tâches associées à la représentation de leurs électeurs doivent de toute évidence se poursuivre comme d'habitude pendant le congé parental d'un député (3).

Dans les faits, cela signifie qu'un processus de jumelage est employé, non seulement pour les députés en congé parental, mais aussi pour tous les députés qui sont absents de la Chambre pendant une longue période. Dans le cadre de ce processus, un député en congé est jumelé à un député de l'autre côté de la Chambre pour s'assurer que l'équilibre partisan entre le parti au pouvoir et les partis de l'opposition est maintenu pour tous les votes tenus à la Chambre (4).

Toutefois, cette façon de faire donne lieu à deux problèmes. Premièrement, le jumelage vient essentiellement museler le député en congé parental à la Chambre. On dissuade ainsi les plus fervents députés de prendre un congé parental et, du même coup, on s'en prend à ceux qui désirent passer du temps avec leur nouveauné. Des recherches indiquent qu'il est problématique de priver des parlementaires de leur droit d'expression dans le cadre de débats législatifs, surtout lorsqu'ils s'expriment au nom de groupes sousreprésentés ou marginalisés. L'expérience de ces groupes doit éclairer, du moins en partie, les politiques; et pour cela, il faut leur donner voix dans le cadre du processus et des débats législatifs (5). La majorité des députés du Canada sont des hommes, et d'année en année, l'âge moyen à la Chambre des communes est de plus de 50 ans (6). Dans sa forme actuelle, le congé parental offert aux députés du Canada fait en sorte que les nouveaux parents, et plus particulièrement les mères, ne participent pas aux...

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