Le paradoxe de la non-partisanerie : Éliminer les disparités entre les sexes à l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest.

AuthorYurris, Christopher

En l'espace d'une campagne électorale, les Territoires du Nord-Ouest sont passés du territoire canadien comptant la plus faible proportion de femmes au sein de leur Assemblée législative à celui en comptant la proportion la plus élevée. Ils sont devenus l'un des rares endroits au pays où l'on trouve un conseil des ministres paritaire et le seul qui est dirigé par une première ministre. Dans cet article, l'auteur décrit les obstacles institutionnels qui ont mené à la sous représentation des femmes dans la vie politique des Territoires, les faits historiques qui ont contribué à un tel changement radical et les raisons pour lesquelles la prochaine élection territoriale déterminera si ce changement sera de courte durée ou plus permanent.

Introduction

Première ministre des Territoires du Nord-Ouest de 1991 à 1995, Nellie Cournoyea a été la première femme autochtone à devenir première ministre d'une province ou d'un territoire canadien et seulement la deuxième femme à occuper le poste de première ministre au pays. Elle n'a été précédée plus tôt dans l'année que par Rita Johnston, en Colombie-Britannique (1). Le rôle de premier plan joué par Mme Cournoyea, ainsi que Mary Simon et Rosemary Kuptana dans les négociations en vue de l'Accord de Charlottetown a valu au trio le surnom de >. Cependant, dans les années qui ont suivi l'exploit de Mme Cournoyea et la fin de son mandat de députée, les Territoires du Nord-Ouest sont restés à la traîne des autres provinces et territoires canadiens en ce qui concerne la représentation des femmes à l'Assemblée législative. D'ailleurs, à l'élection territoriale de 2015, seulement deux candidates ont été élues à l'Assemblée, qui comptait 19 sièges. À l'époque, il s'agissait de la plus faible proportion de femmes dans une assemblée législative canadienne (10,5 %) (4).

La place des femmes dans la vie politique territoriale semble avoir changé radicalement après l'élection d'octobre 2019, au cours de laquelle neuf femmes ont été élues (47 % des sièges). Les T.N.-O. se distinguent désormais par le fait que leur Assemblée législative compte le plus de femmes de tous les parlements canadiens (5). C'est pourquoi cinq des sept postes du conseil des ministres sont occupés par des femmes, dont la première ministre Caroline Cochrane (6).

Le présent article exposera les facteurs institutionnels pouvant expliquer la sousreprésentation historique des femmes à l'Assemblée législative des T.N.-O. Il se penchera ensuite sur plusieurs tentatives de réforme entreprises par des députés et des comités. Il se terminera par une analyse de l'élection de 2019, qui a entraîné un grand changement dans la représentation des femmes à l'Assemblée législative, changement qui s'est fait sentir sur le conseil des ministres.

Facteurs institutionnels

De nombreux facteurs institutionnels peuvent expliquer la sousreprésentation des femmes à l'Assemblée législative des T.N.-O avant 2019. Graham White fait valoir que la nature non partisane de l'Assemblée tient du paradoxe et peut expliquer l'absence de députées (7). Il soutient que >clubs réservés aux hommes reléguant les femmes dans des circonscriptions impossibles à gagner, n'est tout simplement pas un facteur (8) >>. Cette analyse repose sur l'idée de Janine Brodie selon laquelle les > empêchent les femmes de remporter les courses à l'investiture (9). C'est pourquoi l'absence de partis et la sous-représentation des femmes à l'Assemblée législative non partisane des T.N.-O. sont un paradoxe; en dépit de l'absence de >, les femmes sont tout de même sérieusement sous-représentées. M. White avance que les partis politiques peuvent dans les faits servir de soutien et non d'obstacle structurel, puisqu'ils peuvent jouer un rôle important dans le recrutement et la formation des candidats (10). Mentionnons à titre d'exemple les initiatives mises en place au Nouveau-Brunswick afin d'exercer des pressions sur les partis pour que 50 % de leurs candidats à l'élection de septembre 2018 soient des femmes (11).

De plus, la nature généralement plus amicale des débats à l'Assemblée législative des Territoires du NordOuest contraste fortement avec le comportement observé dans d'autres assemblées législatives canadiennes. Melanie Thomas et Lisa Young reconnaissent que :

[l]a Chambre des communes convient mieux à un type de débat contradictoire et combatif et ne favorise pas les mécanismes de consensus. De nombreuses députées ont indiqué qu'elles auraient préféré s'engager dans ce dernier type de débat et ont trouvé le style combatif inefficace (12). A l'inverse, les échanges au sein de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest sont essentiellement courtois, comme le décrit l'actuel greffier de l'Assemblée législative, Tim Mercer :

Pour ceux qui sont habitués aux débats parlementaires houleux, la courtoisie relative dont on fait preuve à l'Assemblée législative des T.N.-O. saute immédiatement aux yeux ... La plupart du temps, la période des questions orales sert à obtenir des réponses des ministres plutôt qu'à tenter de les discréditer, de les embarrasser ou de marquer des points politiques (13).

De plus, les coûts des campagnes électorales dans les T.N.-O., tant sur le plan du temps que de l'argent, sont relativement faibles, >. De plus, le plafond des dépenses de campagne, fixé à 30 000 $, est rarement atteint, surtout dans les petites collectivités (15).

Même si on a l'impression que les candidats se heurtent à peu d'obstacles à l'entrée, comme le souligne M. White, le rapport final du Comité spécial pour accroître la représentation des femmes à l'Assemblée législative indique que les coûts financiers et les coûts de renonciation ont souvent un effet dissuasif sur les candidats potentiels.

À cela s'ajoutent des pressions supplémentaires dissuasives pour les candidates, comme le fait de quitter un emploi à temps plein, ce qui est considéré comme étant un risque trop important par plusieurs candidats compte tenu de l'incertitude entourant Tissue des élections (16). Pour atténuer ce risque, le rapport propose de >.

De plus, certaines femmes ne sont pas motivées à se présenter comme députée, car elles ne sont pas prêtes à accepter une réduction de salaire et à >. Ce facteur transcende l'analyse comparative entre les sexes et contribue à expliquer le manque de professionnels...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT