La phase d'apprentissage: l'Assemblee des citoyens de la Colombie-Britannique.

AuthorRatner, R.S.

La nécessité de revitaliser la démocratie, notamment notre système électoral, est une priorité aux niveaux fédéral, provincial et territorial. Tout système qui entraîne souvent d'énormes écarts entre le nombre de votes recueillis par les partis politiques et le nombre de sièges qu 'ils gagnent crée des distorsions dont le résultat est une parodie de démocratie représentative. Si la réforme électorale est actuellement au coeur des réflexions, c'est parce que plusieurs élections ont donné un peu partout au pays le contrôle législatif à des partis qui avaient obtenu moins que la majorité des voix ou même, parfois, moins que certains partis d'opposition. Le 31 mars 2004, la Commission de réforme du droit a déposé un rapport et des recommandations au sujet des élections nationales; par ailleurs, le Québec, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, la Colombie-Britannique et le Yukon mènent actuellement des consultations, des enquêtes, des commissions ou des assemblées spéciales commandées en vue de préparer des référendums ou des projets de loi portant sur la réforme électorale. La façon de procéder choisie par la Colombie-Britannique est peut-être la plus innovatrice, dans la mesure oø elle conjure tous les pouvoirs de délibération à 160 citoyens de la province choisis au hasard. Cette expérience des plus audacieuse, qui consiste à léguer le pouvoir politique à des > dans un dossier aussi déterminant, devrait intéresser non seulement les analystes politiques, mais aussi tous ceux qui n'aiment pas l'effet que nos institutions politiques actuelles ont sur leur vie et qui se demandent comment changer les choses.

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Les résultats des deux dernières élections générales provinciales ont été un facteur déterminant dans la formation de l'Assemblée des citoyens de la Colombie-Britannique. En effet, en 1996, les libéraux de Gordon Campbell ont recueilli 42 p. 100 des votes contre 39 p. 100 pour le Nouveau Parti démocratique, mais celui-ci est néanmoins resté au pouvoir en remportant une très faible majorité des sièges, soit 39 sur 75. Le résultat a été attribué au système uninominal majoritaire à un tour ou >, en vertu duquel le candidat qui rallie le plus grand nombre de voix dans une circonscription donnée est proclamé vainqueur, qu'il ait ou non la majorité des suffrages exprimés. Vu la disproportion entre le nombre de votes obtenus et le nombre de sièges gagnés, M. Campbell a promis que, si son parti formait le gouvernement suivant, il instituerait une assemblée de citoyens pour étudier la question de la réforme électorale.

Le Parti libéral a effectivement gagné les élections de 2001, même si le dépouillement final mettait encore plus en évidence la nécessité d'une réforme électorale, les libéraux ayant remporté 77 des 79 sièges avec seulement 57 p. 100 des voix. Fidèle à sa promesse, le premier ministre Campbell a alors chargé Gordon Gibson, ancien chef du Parti libéral de la Colombie-Britannique, de rédiger l'ébauche des statuts de l'Assemblée des citoyens qu'il avait proposé de créer. Le 23 décembre 2002, M. Gibson a remis au procureur général un rapport décrivant dans les détails la structure et le mandat de l'Assemblée et comportant 36 recommandations. Le gouvernement a examiné le rapport pendant quatre mois et modifié plusieurs recommandations de M. Gibson, notamment pour favoriser une plus grande représentativité (158 membres au lieu de 79, soit deux par circonscription) et pour que l'Assemblée soit composée de délégués choisis au hasard plutôt que par leurs pairs, afin d'éviter les manoeuvres partisanes et la politisation de l'Assemblée.

Le 28 avril 2003, le procureur général, Geoff Plant, a déposé à l'Assemblée législative le mandat de l'Assemblée des citoyens et les responsabilités de la présidence. L'Assemblée des citoyens a ensuite été établie par décret en conseil le 30 avril avec l'appui unanime de l'Assemblée législative provinciale, et Jack Blaney, ancien président de l'Université Simon Fraser, a été confirmé dans le poste de président de l'Assemblée le 16 mai 2003 par décret en conseil. Puis, on a nais plusieurs mois à constituer le reste du personnel de l'Assemblée, dont les principaux membres sont Leo Perra, éducateur et administrateur chevronné du niveau postsecondaire de la province, qui a été nommé directeur des Opérations, et Ken Carty, universitaire spécialiste de la politique électorale, qui a été nommé chef de la Recherche. Les 5,5 millions de dollars fournis par le gouvernement par l'entremise du cabinet du procureur général ont été jugés suffisants pour soutenir l'expérience du début à la fin.

Le mandat premier de l'Assemblée consistait, selon le décret en conseil, à >.

Avant de pouvoir formuler des recommandations, les membres de l'Assemblée devaient d'abord traverser une > allant de janvier à mars 2004 (et comportant des réunions à toutes les deux fins de semaine) et se terminant avec la présentation d'un rapport provisoire ou d'une > à la population de la province. Cette phase devait être suivie, en mai et juin 2004, d'une > visant à permettre aux citoyens d'exprimer eux-mêmes leurs opinions et leur réaction au rapport provisoire, et d'une > allant de septembre à novembre et se terminant par le dépôt du rapport final de l'Assemblée et de ses recommandations au plus tard le 15 décembre 2004. L'Assemblée pourrait décider de maintenir le système uninominal majoritaire à un tour ou d'en recommander un autre qui serait soumis aux électeurs lors d'un référendum à la faveur des élections générales provinciales de mai 2005. Pour que le changement proposé au référendum soit adopté, il devrait recueillir l'appui d'au moins 60 p. 100 des électeurs de la province et de 50 p. 100 des voix plus une dans au moins 60 p. 100 des circonscriptions. Ces balises assez strictes ont été jugées nécessaires pour des raisons de nature > et traduisaient vraisemblablement le souci d'éviter que les circonscriptions urbaines ne dominent les circonscriptions rurales.

Le processus de sélection

Comme les membres de l'Assemblée devaient être choisis au hasard sur la liste électorale de la province, la première étape du processus de sélection a consisté à mettre la liste à jour. Un dépliant encourageant les citoyens à s'inscrire et à mettre leur information de l'électeur à jour avant le 22 août 2003 a donc été expédiée à tous les ménages de la province. Le 29 août, Harry Neufeld, directeur général des élections de la Colombie-Britannique, a livré au siège social de l'Assemblée les noms de 15 800 personnes choisies au hasard sur la liste électorale. Parmi elles, 200 personnes de chaque circonscription électorale ont reçu une lettre leur demandant si elles envisageraient de servir leur province au sein de l'Assemblée des citoyens. Les personnes retenues dans chaque circonscription appartenaient à parts égales aux deux sexes et à cinq groupes d'âge (18-24, 25-39, 40-55, 56-69, et 70 et plus). On s'est servi des données de recensement les plus récentes pour déterminer le pourcentage représenté par les membres de chaque groupe d'âge et de chaque sexe dans chaque circonscription électorale. Ce pourcentage a ensuite servi à déterminer, par exemple, le nombre d'hommes de 18 à 24 ans que devrait compter chaque groupe de 100 hommes dans chaque circonscription. Ce processus a été répété pour chaque groupe d'âge. Une première lettre a été envoyée aux 15 800 personnes choisies pour leur demander si elles aimeraient faire partie de l'Assemblée.

Parmi celles qui ont accepté, 10 hommes et 10 femmes ont été choisis, à tour de rôle et sans préjugé, dans la liste établie au hasard pour chaque circonscription électorale et ont été invités à assister à une réunion régionale d'information oø on leur en dirait plus sur ce qui les attendait au sein de l'Assemblée et sur les responsabilités qui leur incomberaient en tant que membres et oø ils pourraient mieux juger du sérieux de l'engagement qui serait exigé d'eux. À la fin de chacune de ces réunions, on tirait au sort les noms d'un homme et d'une femme devant être membres de l'Assemblée des citoyens. Lorsque des personnes qui avaient reçu la première lettre décidaient d'abandonner le projet avant la réunion organisée pour leur région, le personnel de l'Assemblée leur choisissait des remplaçants dans le bassin de candidats possibles en respectant les exigences quant au sexe, à l'âge, à la circonscription électorale et au numéro ordinal. Quand aucune des réponses reçues d'une circonscription n'émanait d'un certain groupe d'âge ou d'un sexe en particulier, on expédiait d'autres lettres afin de garantir la formation d'un groupe représentatif permettant d'obtenir l'échantillon voulu de membres.

Aux réunions de sélection, un membre du personnel de l'Assemblée passait en revue les critères d'admissibilité avec les personnes présentes et...

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