Plaidoyer pour le personnel ministeriel.

AuthorBrodie, Ian
PositionViewpoint essay

Le travail du personnel ministériel dans le milieu politique canadien est souvent noirci. Le présent article fait valoir que ces collaborateurs, aussi appelés collectivement >, effectuent un travail essentiel à Ottawa et dans d'autres capitales. Loin d'être des âmes damnées hors-la-loi, les collaborateurs et leur travail sont en fait étroitement réglementés et contribuent à obliger les gouvernements à rendre compte en démocratie. Pour améliorer le calibre du personnel ministériel, il faudra porter davantage attention à sa formation et lui offrir des carrières plus stables et plus longues.

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Les ministres du gouvernement du Canada ont des collaborateurs qui forment leur personnel politique. Ces collaborateurs sont des employés dont le traitement et les avantages sociaux sont payés à même le Trésor, mais ils ne font pas partie de la fonction publique régulière. Ils sont embauchés et congédiés par leur ministre ou le premier ministre et ils ont le droit d'être ouvertement partisans. Au gouvernement fédéral, on les appelle collectivement le >, car ils sont exemptés des dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Ils ne sont pas embauchés à l'issue d'un concours, ils ne bénéficient d'aucune des garanties accordées aux fonctionnaires et ils ne sont pas soumis aux règles strictes d'impartialité.

Les membres du personnel ministériel ne sont pas tout à fait comme les adjoints parlementaires que les députés embauchent pour s'occuper de leur bureau sur la colline du Parlement ou dans leur circonscription. Les députés accomplissent beaucoup de travail au nom de leurs électeurs et dans le cadre des activités habituelles de la Chambre des communes. Le Parlement leur donne un budget pour embaucher deux ou trois personnes pour les aider et je n'ai encore jamais rencontré qui que ce soit qui reprochait aux députés d'embaucher des adjoints parlementaires. En fait, ces derniers comptent parmi les plus grands abatteurs de besogne du pays et, chaque jour, ils aident des milliers de Canadiens à préparer des demandes de prestations du Régime de pensions du Canada ou de la Sécurité de la vieillesse, des dossiers d'immigration ou des demandes de passeport.

Les ministres ont, depuis longtemps, le pouvoir d'embaucher du personnel politique qui les aide à effectuer leur travail au sein de leur ministère et du Cabinet, sans devoir s'astreindre à suivre les règles qui s'appliquent à la fonction publique. Par conséquent, de nos jours, au gouvernement fédéral, la plupart des ministres sont à la tête d'un ministère formé de fonctionnaires, lesquels sont dirigés par un sous-ministre. Les ministres sont responsables du travail des centaines, voire des milliers de fonctionnaires de leur ministère. Les ministres ont également un groupe de proches collaborateurs, généralement moins d' une douzaine, dirigés par un chef de cabinet. Sauf au sein du Cabinet du premier ministre, un chef de cabinet ministériel touche le salaire d'un sous-ministre adjoint ou d'un directeur général principal. Cet arrangement a été établi dès le début du gouvernement Mulroney, bien que Je personnel ministériel ait existé bien avant 1984. La taille de chaque cabinet de ministre et le salaire des chefs de cabinet ont évolué au fil des ans, mais, grosso modo, cet arrangement n'a pas réellement changé depuis.

La situation au Cabinet du premier ministre (CPM), oø j'ai travaillé, est particulière. L'année oø j'ai quitté mon poste, le CPM comptait environ 80 employés politiques salariés. C'est encore le cas aujourd'hui. Les titres des principaux collaborateurs ont changé, mais les fonctions, elles, demeurent sensiblement les mêmes. La principale direction au sein du CPM est celle des Tournées et de l'agenda, qui s'occupe des déplacements du premier ministre. Il y a aussi le Service de la correspondance, qui traite les lettres et les courriels de nature politique envoyés au premier ministre. Le Service de la rédaction de discours, le service de presse, la Direction des nominations et la Direction des politiques existent depuis longtemps au CPM. Depuis 2006, le CPM possède une Direction de la gestion des enjeux et une Direction de la planification stratégique.

Pourquoi le salaire du personnel politique des ministres est-il payé par les contribuables? Pourquoi n'est-il pas plutôt payé par le parti politique au pouvoir? La réponse est bien simple : parce que le gouvernement reconnaît depuis longtemps que les ministres ont besoin de davantage que les conseils d'experts et non partisans des fonctionnaires pour s'acquitter de leurs fonctions. Afin de prendre des décisions politiques avisées, les ministres ont besoin d'une combinaison de conseils techniques et politiques sûrs (1). Le Bureau du Conseil privé et le premier ministre fournissent les indications suivantes aux ministres. :

La raison d'être des cabinets est de rassembler des conseillers et des adjoints qui ne sont pas fonctionnaires et qui peuvent partager l'engagement politique des ministres et des ministres d'Etat et offrir un complément aux conseils professionnels, compétents et non partisans de la fonction publique. Par conséquent, ils offrent une expertise ou un point de vue particulier que la fonction publique est incapable de fournir (2). (Italique ajouté.)

Le personnel politique peut donc rédiger les discours, les communiqués et les autres documents qui reflètent l'orientation politique générale du gouvernement. Il assure la liaison entre son ministre et le caucus du gouvernement, les porte-parole de l'opposition et les groupes et experts externes qui aident à réaliser le programme politique du gouvernement. Il conseille également son ministre sur les enjeux politiques d'actualité ou les travaux du Cabinet ou du Parlement qui doivent être administrés selon le contexte politique du gouvernement. Ce sont là des fonctions qui ne peuvent pas et ne devraient pas être confiées à des fonctionnaires non partisans. Les employés politiques ne peuvent pas s'adonner à des travaux pour leur parti; ils doivent démissionner ou prendre un congé sans solde lorsqu'ils souhaitent travailler à une campagne électorale ou à des activités de leur parti.

Le soutien qu'ils apportent aux ministres est suffisamment important pour justifier que leur salaire soit payé à mëme le Trésor. Leur salaire ne doit pas dépendre des aléas du financement d'un parti. De surcroît, cet important appui aux ministres ne devrait pas provenir entièrement de contributions privées peu réglementées, solution de rechange à la liste de paie gouvernementale.

Les études systématiques sur le personnel ministériel au Canada sont rares. Il semble probable que le collaborateur moyen est très jeune. Lorsque j'étais chef de cabinet, l'âge moyen des employés politiques était de 30 ans, ou peut-être plus jeune encore. J'imagine qu'ils sont nombreux à ne pas avoir d'expérience professionnelle ou de travail à l'extérieur du milieu politique, mais je peux me tromper. Beaucoup d'entre eux, mais pas tous, ont commencé en travaillant pour une campagne politique locale. Certains ont fait leurs débuts comme adjoint parlementaire dans le bureau d'Ottawa d'un député d'arrière-ban, d'autres, dans le bureau des services au caucus du gouvernement ou à la permanence de leur parti. D'autres encore ont été embauchés par un cabinet de ministre dès la fin de leurs études universitaires. Puisque la taille d'un cabinet de ministre est très petite, la présence d'un ou deux nouveaux diplômés suffit à donner un air de jeunesse au bureau, mais le portrait que je dresse du personnel ministériel repose sur des constatations personnelles. Nous avons besoin d'études systématiques sur les employés politiques.

La majorité des publications érudites font généralement un procès au personnel ministériel. La plus récente étude est le rapport que Paul Thomas a rédigé pour la Commission Oliphant. La Commission lui avait demandé d'examiner comment le Cabinet...

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