La pratique du droit en francais au Nouveau-Brunswick.

AuthorMigneault, Gaetan
PositionBilingualism in adminstration of justice

In New Brunswick, until 1969, the practice of the law before tribunals was almost entirely in English. Section 14 of the Official Languages of New Brunswick Act (1969) changed the government's policy with respect to the administration of justice. Proclaimed in 1972, that provision opened the door to the use of French within judicial proceedings. However, its impact on the practice remained relatively trivial without more concrete actions.

The adoption of the revised statutes in bilingual format in 1974, the opening of a French common law school in 1978 and the enactment of bilingual rules of court in 1982 had more impact on the use of the language of the minority before tribunals. The mere declaration of equality of 1969, although important, did not substantially alter the culture of a profession pursued in a single way for centuries. Today, on a provincial scale, the French language seems to have infiltrated about 12 to 15 percent of the practice of law.

However, despite important progress accomplished since 1969, the practice of law continues to be carried out substantially in English, even in the regions with a predominantly French speaking population. In addition, several lawyers continue to advise their clients on the sole English version of the legislation, ignoring or incapable to read the statute in its entirety. A gap therefore remains to be fulfilled between the declaration of equality in the Official Languages of New Brunswick Act (1969) and reality.

Au Nouveau-Brunswick, jusqu'en 1969, la pratique du droit devant les tribunaux s'est effectuee presque exclusivement en anglais. L'article 14 de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick (1969) changeait la politique gouvernementale en ce qui concerne l'administration de la justice. Proclamee en 1972, cette disposition ouvrait la porte a l'usage de la langue francaise dans les procedures judiciaires. Neanmoins, son impact sur la pratique fut relativement mineur en l'absence d'autres mesures plus concretes.

L'adoption des lois revisees en format bilingue a partir de 1974, l'ouverture d'une ecole de common law en francais en 1978 puis l'adoption de regles de procedure bilingues en 1982 ont contribue davantage a l'utilisation de la langue de la minorite devant les tribunaux. La simple declaration d'egalite de 1969, bien qu'importante, n'a pas substantiellement modifiee la culture d'une profession ayant opere d'une seule facon pendant des siecles. Aujourd'hui, dans l'ensemble de la province, la langue francaise parait avoir infiltree la pratique du droit dans une proportion d'environ 12 a 15 pour cent.

Neanmoins, malgre les progres importants accomplis depuis 1969, la pratique du droit continue a se faire substantiellement en anglais au Nouveau-Brunswick, meme dans les regions a predominance francophone. De plus, bon nombre d'avocats continuent d'aviser leurs clients en ne considerant que la version anglaise des textes legislatifs, ignorant ou inhabiles a considerer la loi dans son ensemble. Un fosse reste donc encore a etre comble entre la declaration d'egalite de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick (1969) et la situation sur le terrain.

Table des matieres I. INTRODUCTION II. UNE PROFESSION OUVERTE AUX FRANCOPHONES A. Un Barreau bilingue B. Une ecole de common law en francais C. Les conseillers de la Reine francophones D. Comparutions francophones a la Cour supreme du Canada III. UNE MAGISTRATURE COMPETENTE EN LANGUE FRANCAISE IV. LA PRATIQUE DU DROIT EN FRANCAIS A. Le francais devant les tribunaux du Nouveau-Brunswick B. L'usage du francais par les avocats et avocates V. CONCLUSION I. INTRODUCTION

Il y a souvent une mer interposee entre une declaration de principes et la situation sur le terrain ; la pratique ne correspond pas toujours a la theorie. Cette simple observation constitue la pierre angulaire de toute l'analyse juridique de l'egalite reelle, cherchant a depasser la stricte notion d'egalite formelle (1). A ce titre, au Nouveau-Brunswick, la justice a longtemps ete administree en anglais (2), ceci ayant un effet sur la pratique du droit. Toutefois, en 1969, avec l'ajout de l'article 14 dans la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick (3) [ci-apres LLO], une nouvelle philosophie de bilinguisme a ete adoptee en la matiere. Meme si l'article 23C de la Loi sur la preuve, ajoute en 1967 (4), permettait deja l'usage d'une langue autre que l'anglais dans les procedures judiciaires, il n'accordait aucune reconnaissance expresse a la langue de la minorite. Comme le revelent les circonstances de l'affaire Blanchard (5), son impact fut minimal. C'etait la premiere fois de l'histoire de la province que la LLO 1969, proclamee en 1972 et revisee en 1973 (6), accordait au francais un statut officiel devant les tribunaux. Par contre, la transposition de cette declaration dans la pratique s'est averee plus ardue que dans d'autres situations ; les autres institutions etatiques se servaient deja de la langue minoritaire de facon plus ou moins reguliere selon les secteurs (7).

Dans ce qui suit, la pratique du droit en francais au Nouveau-Brunswick sera decrite afin de mesurer l'effet de la declaration d'egalite linguistique sur l'administration de la justice. Il est relativement facile de reformer le droit, mais beaucoup moins facile de modifier la mentalite et la culture d'une profession qui s'est exercee d'une seule facon pendant des siecles. L'inertie est une opposition considerable au changement et constitue l'un des principaux defis du legislateur desireux de renverser une tendance sociale. La declaration de l'article 14 de la LLO 1969 constituait certainement un depart fulgurant, mais elle allait exiger des mesures plus concretes avant de se voir transposee dans la pratique courante. Peu importe le devouement de ses acteurs, le systeme judiciaire peut difficilement operer dans une langue lorsque les sources du droit sont seulement disponibles dans une autre langue. En 1969, presque toutes les lois au Nouveau-Brunswick etaient redigees en anglais et presque tous les principes juridiques etaient articules dans cette langue (8). Meme si la common law n'etait pas naturellement hostile a la minorite linguistique (9), il fallait donner une nouvelle parole au droit avant d'esperer l'entendre se chantonner dans un langage different.

Une partie considerable du travail necessaire a la pratique efficace du droit en francais a ete accomplie grace a l'entree en vigueur, le 19 novembre 1974, des lois revisees du Nouveau-Brunswick en format bilingue (10). Cet exploit fut realise en a peine quatre ans et demi (11) malgre la tache prealable de defrichage du droit et de la terminologie juridique afin de les transposer dans une langue etrangere au regime de common law. Meme si la version francaise constituait une simple traduction, l'article 1S de la LLO 1969 et la jurisprudence lui accordaient une valeur officielle (12). D'autres mesures plus precises visaient specifiquement a normaliser le vocabulaire juridique (13). A partir de ce moment, le corpus legislatif offrait une solide base d'operations (14) aux avocats et avocates desservant les membres de la minorite linguistique dans leur langue. Il fournissait aussi un nouveau vocabulaire aux tribunaux. Cependant, comme tout outil de travail, ces textes ne pouvaient avoir une grande utilite sans praticiens, praticiennes et juges aptes a s'en servir. Ainsi, pour assurer une administration de la justice en francais, il fallait encore un corps professionnel et une magistrature pouvant s'exprimer dans cette langue.

Comme il vient d'etre suggere, une intention favorable a la reforme linguistique a ete exprimee clairement en 1969. D'emblee, il est possible de constater quelques resultats dans cette direction, dont l'adoption systematique de lois bilingues a partir de 1974. Cependant, sans une quantification plus elaboree de la realite quotidienne, il est impossible d'evaluer si les demarches de francisation du droit se sont averees etre seulement une facade ou si elles ont traverse jusqu'aux racines de la culture juridique du Nouveau-Brunswick. Des defis considerables persistent a ce niveau et cet article cherche a combler les lacunes. Son objectif est d'evaluer l'usage de la langue de la minorite par les praticiens et praticiennes du droit dans la province depuis la declaration de l'article 14 de la LLO 1969, outre la redaction des lois. A cette fin, l'approche appliquee est double. D'abord, d'un point de vue historique et juridique, l'article s'attarde aux principales transformations vecues dans la profession et la magistrature surtout depuis 1969. En deuxieme lieu, il tente de quantifier l'usage du francais par les juristes dans leurs travaux.

Plusieurs facteurs peuvent avoir une influence directe et indirecte sur l'usage du francais dans la pratique du droit. Le nombre de praticiens et praticiennes competents dans cette langue, l'accessibilite des tribunaux, la disponibilite des outils juridiques et la formation sont quelques exemples. Cet article commencera donc par repertorier l'existence d'obstacles pouvant restreindre l'exercice du droit dans la langue minoritaire. Un effort sera consacre a l'evaluation de l'integration des francophones dans la profession juridique. La discussion passera ensuite a l'accessibilite par les deux communautes de langues officielles aux tribunaux judicaires. Apres avoir etudie ces obstacles potentiels a l'usage du francais, l'article evaluera la presence de la langue minoritaire dans la pratique du droit.

Afin de mener une evaluation de l'usage du francais, un defi empirique majeur survient inevitablement. Notamment, a moins de posseder de l'information detaillee sur la competence linguistique des praticiens et praticiennes, les indices disponibles pour evaluer l'integration des francophones a la pratique du droit sont rares. Celle-ci est estimee par un recours aux patronymes des individus nommes comme conseillers de la Reine et ayant...

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