Reflexions sur le parlementarisme et la democratie au XXI siecle.

AuthorSeguin, Philippe

L'auteur soutient que la crise desparlements est inseparable depreoccupationsplus vastes au sujet de la sante de la democratie. Il propose des solutions susceptibles de redonner vie tant aux parlements qu'a la democratie.

Souvent, la question du parlementarisme se confond avec celle de la democratie. Une democratie suppose l'existence d'une instance ou l'on debat librement des options proposees a la collectivite, ou l'on se donne les moyens de controler l'action de l'executif, ou l'on pose les grands principes sur lesquels s'organise la vie en commun. Certes, nous savons que l'existence d'un parlement ne garantit pas l'existence de la democratie. Mais nous savons aussi qu'il n'est pas de democratie sans parlement. Le lien est direct et logique. Par consequent, quand nous nous interrogeons sur l'avenir du parlement, nous nous interrogeons aussi sur celui de la democratie.

Nous pouvons discerner trois conditions au moins a remplir pour garantir l'authenticite democratique d'un parlement:

* les modalites de sa constitution, qui doivent assurer la realite de sa representativite:

* la liberte de son fonctionnement, qui doit etre assuree:

* la consistance des pouvoirs qui lui sont effectivement devolus pour assumer sa triple vocation: legiferer, debattre et controler.

Nous savons, d'ailleurs, qu'il existe une infinie variete de reponses a ces trois conditions dans des regimes que nous avons consideres pourtant jusqu'ici comme egalement democratiques. Et il est deja bon, legitime, salutaire de se demander si ces reponses conservent aujourd'hui leur validite.

Lorsqu'on s'efforce de rester au niveau des causes specifiques de la crise des parlements et de la democratie, on peut, je crois, en distinguer trois principales, dont l'intensite evidemment varie selon les pays et selon les regimes.

L'une des causes fondamentales est la complexite croissante de la prise de decisions dans une economie mondiale. La mondialisation a accru la necessite, pour les gouvernements, d'intervenir rapidement. En effet, l'executif est devenu tout-puissant, laissant aux assemblees le role de gardiens du processus electoral et de la selection de certaines personnes pour des postes determines. Cependant, la nature du debat dans une chambre est tres souvent illusoire, car il est domine par la majorite. L'opposition est symbolique. Les deputes sont donc reduits a s'occuper en priorite de leur circonscription et, si on est dans un regime de proportionnelle, de la sante de leur parti. Pour d'autres, l'assemblee est un centre de perfectionnement, en tout cas un prealable oblige avant d'atteindre au nirvana suppose de l'executif ou d'autres carrieres encore. C'est assez dire que nombre de parlementaires ont le sentiment qu'on attend surtout d'eux, selon les cas, de la patience, de la resignation et, en tout cas, une certaine complaisance.

Le deuxieme facteur explicatif de la crise tient a l'ambiguite frequente des rapports du legislatif et de l'executif. Dans certains pays, le parlement s'obstine encore trop souvent a vouloir concurrencer le gouvernement au lieu de voir a limiter l'influence de celui-ci. A mon avis, il revient au parlement de debattre des orientations dans lesquelles auront a s'integrer les initiatives du gouvernement, a charge alors pour le parlement d'en controler la fidelite a ses souhaits.

Troisieme preoccupation, les parlements ont ete incapables de se renouveler ou de se rajeunir. Si un depute de notre Monarchie de Juillet, c'est-a-dire ayant exerce ses fonctions entre 1830 et 1848, revenait sur terre, il est un seul endroit en France ou il ne se sentirait pas depayse, c'est l'hemicycle de l'Assemblee nationale. Le decor est le meme, a quelques micros et cameras pres, les methodes de travail, le mode d'expression, l'organisation des discussions y sont restes etonnamment figes. C'est dire que notre depute y retrouverait ses marques sans encombre. Or, la societe est tres differente aujourd'hui. L'opinion publique proprement dite se limitait alors a quelques milliers, au plus quelques dizaines de milliers de personnes disposant d'aisance financiere, par definition souvent cultivees, et donc largement accessibles au langage parlementaire et a ses codes.

Enfin, nous devons nous interroger sur la valeur d'une institution dans laquelle les medias d'information constituent une sorte de pouvoir parallele. Comment un parlement peut-il se faire reconnaitre, se faire respecter, se faire entendre quand, dans le meilleur des cas, un grand debat en son sein sera relate a la television en 1 minute 20 secondes, commentaires du journaliste inclus? On en arrive au comble de l'incommunicabilite. Et je crois sincerement que la situation ne cesse de se degrader. Comment s'etonner que le debat politique transhume vers les medias, tant ecrits qu'audiovisuels, et que les ministres, en tout cas en France, leur reservent si souvent la primeur de leurs decisions et de leurs idees? Comment s'etonner que la confrontation des points de vue ne trouve plus d'autres lieux pour s'exprimer? Et encore cela ne dure-t-il que tant que les medias trouvent un public pour ce genre d'affrontements. En France, par exemple, les grandes emissions politiques ont ete progressivement chassees des horaires de grande ecoute. Du coup, pour continuer de paraitre, le politique est contraint d'investir les emissions de varietes et de s'intercaler entre une chanteuse en vogue et un acteur de cinema.

La crise plus vaste

Il n'en demeure pas moins que cette crise des parlements, si elle a ses facteurs propres, est inseparable d'une crise plus large, une crise inedite dont il faut chercher les racines dans l'avenement d'une...

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