La représentation descriptive des femmes dans la politique canadienne : Incidences de la réforme électorale.

AuthorJohnson, Mark

Malgré les progrès importants réalisés au cours des dernières décennies, les femmes au Canada continuent d'être sous-représentées à la Chambre des communes. De nombreuses raisons ont été évoquées pour expliquer leur sousreprésentation, et celle de l'incidence du système majoritaire uninominal (SMU) n'est pas la moindre. En effet, les effets du système électoral se font sentir sur les aspirations, l'investiture et l'élection des candidates. À l'aide de données tirées du système par scrutin préférentiel (SP) de l'Australie et du système mixte proportionnel (SMP) de la Nouvelle-Zélande, nous procéderons à une évaluation critique du système électoral canadien du point de vue de la représentation descriptive des femmes. Les données probantes indiquent que bien que l'adoption du système de SP australien puisse avoir, au mieux, une incidence minime, si le Canada passait au SMP, même si celui-ci n'est pas une panacée qui éliminerait la sous-représentation des femmes, probablement qu'une plus grande proportion de femmes seraient élues à la Chambre des communes comparativement aux résultats actuels dans le cadre du SMU.

Introduction

Malgré les progrès importants réalisés au cours des dernières décennies, au Canada, les femmes continuent d'être sous-représentées à la Chambre des communes. De nombreuses études ont mis en évidence des facteurs qui expliquent ce décalage entre la proportion de femmes dans la population et leur représentation à la Chambre des communes du Canada, notamment la persistance de normes et de préjugés sexistes, un environnement politique masculinisé, des ressources financières et des possibilités de réseautage moindres pour les femmes, et la faiblesse de la gauche politique au pays. En outre, le système électoral actuel du Canada, soit le système majoritaire uninominal (SMU) (également appelé >), est associé à la sous-représentation des femmes.

À l'issue des élections fédérales de 2021, la Chambre des communes du Canada affichait la plus forte proportion de femmes de l'histoire du pays : 30 % des 338 députés s'identifiaient alors comme des femmes. Toutefois, selon l'Union interparlementaire, le Canada accuse du retard par rapport à de nombreux autres pays et a glissé du 16e rang en 1997 au 58e rang (données de novembre 2021) dans le monde au chapitre du pourcentage de femmes dans les assemblées législatives nationales. Peut-on s'attendre à ce que la réforme électorale au Canada compense les obstacles à la présence d'un plus grand nombre de femmes en politique, notamment l'insuffisance des efforts de recrutement des partis politiques, l'incivilité et le manque de coopération durant les campagnes et au Parlement ainsi que les diverses réalités socioéconomiques et psychologiques? Il s'agit en effet de facteurs à prendre en considération, car ils exercent une influence sur la probabilité que les femmes aspirent à entrer en politique, soient mises en candidature par les partis politiques et soient élues, et qui peuvent dans une large mesure être liés au système électoral.

À Tissue de la Quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, qui s'est tenue à Beijing en 1995, le Programme d'action a recommandé aux gouvernements de >. Le Programme a spécifiquement appelé les gouvernements à examiner l'incidence de leurs systèmes électoraux sur la représentation des femmes et à entreprendre les réformes nécessaires. Depuis des dizaines d'années, les recherches montrent qu'une proportion plus élevée de femmes se fait élire dans les systèmes électoraux à représentation proportionnelle (1). Bien qu'il ne soit pas le seul facteur à avoir une incidence sur la représentation des femmes, le système électoral est certainement un facteur important.

Melanee Thomas, professeure de sciences politiques à TUniversité de Calgary, souligne que les femmes sont susceptibles de considérer l'augmentation du nombre de femmes élues comme un signe qu'elles ont un rôle à jouer dans les institutions politiques décisionnelles et qu'elles peuvent ainsi rendre les décisions des institutions plus légitimes (2). Si l'on s'accorde généralement pour dire que la sous-représentation des femmes en politique canadienne est un problème, les solutions à privilégier ne font pas consensus. Parmi les avenues possibles, mentionnons des quotas hommesfemmes, des sièges réservés, des mesures incitatives financières et, bien sûr, une réforme du système électoral. Le présent article, qui est la version abrégée d'un document de recherche beaucoup plus long, examine si l'adoption du système électoral par scrutin préférentiel (SP) (utilisé en Australie) ou du système mixte proportionnel (utilisé en Nouvelle-Zélande) pourrait avoir une incidence positive sur le nombre de femmes élues dans la politique fédérale canadienne.

Démarche et méthodologie

Le présent article se concentre sur la représentation descriptive (ou >), c'estàdire sur la proportion des députées et députés qui s'identifient comme des femmes (3). La représentation descriptive est distincte de la représentation concrète, qui désigne le degré de promotion des intérêts des femmes au sein de l'assemblée législative. L'article porte donc sur la présence des femmes à la Chambre des communes, et non sur leurs actions et priorités en matière de politiques.

J'ai choisi de me concentrer sur les systèmes électoraux de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande à titre de solutions de remplacement possibles parce que ces pays sont des démocraties dont l'origine est similaire à celle de notre démocratie (puisqu'elles sont issues de l'Empire britannique) et que le contexte sur le plan religieux, culturel et racial dans ces pays est relativement comparable au contexte au Canada. Ces deux pays ont également déjà utilisé le SMU, bien que leur chambre basse ait adopté un système différent : l'Australie a adopté le système par SP en 1918, et la Nouvelle-Zélande a adopté le SMP en 1996. Par conséquent, on peut considérer qu'ils ont acquis une expérience raisonnablement comparable à celle du Canada.

Le système électoral à SP et le système électoral mixte proportionnel ont également la particularité d'avoir fait l'objet de discussions approfondies quant à leur applicabilité au Canada. Par exemple, le système mixte proportionnel a été envisagé dans le cadre des référendums sur la réforme électorale en Ontario et à l'ÎleduPrinceEdouard et il faisait partie de la plateforme électorale du gouvernement actuel du Québec. De plus, l'adoption du système mixte proportionnel à l'échelle fédérale au Canada a été recommandée au pays par la Commission du droit du Canada en 2004 et par le Commission de l'unité canadienne de 1979. La Chambre des communes a également tenu un vote sur le système mixte proportionnel en 2014, et en 2016, le Comité spécial sur la réforme électorale a rapporté que le système mixte proportionnel était celui que privilégiait la majorité des milliers de Canadiens qui s'étaient prononcés en faveur de la réforme auprès du Comité (4).

Bien que le système par scrutin préférentiel n'ait jamais fait l'objet d'un référendum au Canada, il a néanmoins fait l'objet de nombreuses discussions, car il est considéré comme le système que préfère le premier ministre Justin Trudeau, et le chef du Parti libéral de l'Ontario s'est engagé à l'instaurer en Ontario. Le système par scrutin préférentiel a également été adopté (pour un certain temps) ces dernières années par plusieurs villes de l'Ontario et a été utilisé dans le passé par certaines provinces. En outre, c'est le système que certains grands partis politiques du Canada utilisent pour sélectionner leur propre chef. En tant que tel, le concept de ce système serait probablement acceptable pour les Canadiens, surtout parce qu'il prévoit des circonscriptions uninominales et qu'il a d'autres similitudes avec le SMU.

Dans le présent document de recherche, nous examinerons si un nouveau système électoral pour le Canada pourrait :

* Compenser les obstacles socioéconomiques et psychologiques qui entravent la participation des femmes à la politique canadienne;

* Mener les partis politiques canadiens à déployer des efforts plus proactifs et soutenus pour le recrutement et la mise en candidature de femmes;

* Mener la sphère politique fédérale canadienne à faire preuve de plus de civilité et de coopération.

Examen de la documentation

Au Canada, les femmes ont obtenu le droit de vote en 1918, et la première députée fédérale (Agnes Macphail) a été élue en 1921. Toutefois, en 1979, presque 60 ans plus tard, les femmes ne représentaient toujours que 3,6 % des députés à la Chambre des communes. Il y a eu des augmentations progressives par la suite, et la représentation des femmes est passée de 20 % en 1997 à 30 % en 2021. Cependant, les femmes sont encore loin d'atteindre la parité avec les hommes, et ce décalage soulève des questions quant à la légitimité sur le plan démocratique.

Faire élire plus de femmes au Canada est plus compliqué qu'il n'y paraît. Des recherches ont montré que les Canadiens sont tout aussi susceptibles de voter pour des femmes que pour des hommes et que les politiciennes potentielles ont souvent de meilleures qualifications (5). Pour ce qui est des principaux obstacles, on les rencontre bien avant le jour du scrutin, en fait, avant même l'étape de la mise en candidature. Le Canada reste une société patriarcale, où les femmes assument souvent une part disproportionnée des responsabilités familiales et domestiques et où elles sont en général désavantagées en ce qui a trait aux relations professionnelles, au capital social et à la confiance en soi, qui incitent les gens à rechercher une mise en candidature électorale (6). En outre, les femmes manifestent généralement moins d'intérêt que les hommes pour le monde politique, elles sont moins susceptibles que les hommes d'être recrutées par les partis et elles sont également moins susceptibles qu'eux de donner suite favorablement aux efforts de recrutement des partis (7). Comme l'a fait remarquer...

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