Resserrer l'examen parlementaire des mesures l

AuthorNeudorf, Lorne
PositionArticle Vedette

Les mesures législatives subordonnées s'entendent de la délégation, par le Parlement, de ses pouvoirs législatifs au pouvoir exécutif, comme le Cabinet ou un ministre. Source ultime du pouvoir législatif, le Parlement a la responsabilité toute particulière de tenir l'exécutif à l'oeil lorsqu'il légifère. Le comité d'examen fédéral de l'Australie, qu'on appelait auparavant Comité sénatorial permanent de la réglementation et des ordonnances et qu'on a depuis peu rebaptisé Comité sénatorial permanent d'examen des mesures législatives déléguées, a récemment mené une enquête afin de déterminer de quelle manière il pourrait améliorer le processus d'examen. En 2019, il a publié un rapport unanime auquel a souscrit le Sénat de l'Australie en novembre en modifiant son Règlement, conformément aux changements qui y étaient proposés. Le présent article donne un aperçu du comité d'examen de l'Australie et de l'enquête qu'il a menée. Il se penche ensuite sur le rapport et ses recommandations, qui offrent à d'autres pays, comme le Canada, la possibilité d'envisager des changements à leur examen parlementaire des mesures législatives déléguées.

Introduction

Les mesures législatives déléguées sont légion au Canada. D'ailleurs, l'Index codifié des textes réglementaires, un document de plus de 500 pages, dresse la liste des milliers d'ordonnances rendues et de règlements pris au fil des ans à l'échelle fédérale (1). Le Canada est loin d'être le seul à privilégier les mesures législatives déléguées comme source importante de droit. Au Royaume-Uni, les mesures législatives déléguées ont récemment été décrites comme étant la >. En Australie, elles comptent pour près de la moitié de toutes les lois fédérales (3).

Les mesures législatives déléguées s'entendent de la délégation par le Parlement de ses pouvoirs législatifs au pouvoir exécutif, comme le Cabinet ou un ministre. Source ultime du pouvoir législatif, le Parlement a la responsabilité toute particulière de tenir l'exécutif à l'oeil lorsqu'il légifère (4). L'examen législatif contribue au respect des principales normes relatives à la responsabilisation et à la transparence dans le processus législatif, ces normes caractérisant inéluctablement toute société démocratique fondée sur la primauté du droit. La surveillance parlementaire revêt une importance toute spéciale dans le contexte des mesures législatives déléguées, dont l'établissement échappe aux garanties prévues dans le processus parlementaire ordinaire. En outre, le libellé des mesures législatives déléguées est souvent très vaste, pratique désormais courante dans la plupart des nouveaux projets de loi (5). Dans certains cas, les textes législatifs, bien qu'inachevés, sont adoptés à toute vapeur par le Parlement, de sorte que d'importantes questions restent à régler plus tard au moyen de mesures législatives déléguées. L'examen parlementaire des mesures législatives déléguées fait donc contrepoids à l'une des principales sources du pouvoir exécutif. Il peut mettre en évidence les lacunes de rédaction, les atteintes aux droits civils et constitutionnels et l'utilisation inappropriée, par l'exécutif, des pouvoirs qui lui ont été délégués. Il peut aussi inciter fortement le gouvernement à régler les problèmes mis au jour et à prendre d'emblée ses précautions lorsqu'il adopte des mesures législatives déléguées.

Il s'agit maintenant de savoir en quoi l'examen mené par le Parlement peut être efficace, tout en tenant compte des contraintes liées au temps et aux ressources. Dans les pays de common law, cet examen est souvent confié à un ou plusieurs comités parlementaires. Ces deux dernières années, j'ai réalisé une étude comparative de la manière dont de tels comités examinent les mesures législatives déléguées. J'ai notamment visité les parlements nationaux du Canada, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni. Les recherchent montrent qu'il existe une variété de modèles. Ceux-ci ont certes chacun leurs avantages et leurs limites, mais nous pouvons tirer de précieuses leçons de l'expérience des autres et les appliquer à nos processus d'examen afin de les réformer et de les améliorer.

Le comité d'examen fédéral de l'Australie, qu'on appelait auparavant Comité sénatorial permanent de la réglementation et des ordonnances et qu'on a depuis peu rebaptisé Comité sénatorial permanent d'examen des mesures législatives déléguées (6), a récemment mené une enquête afin de déterminer de quelle manière il pourrait améliorer le processus d'examen. En juin dernier, il a publié un rapport unanime dans lequel il formulait 22 recommandations et proposait 11 mesures de suivi. Le Sénat de l'Australie a souscrit au rapport en novembre en modifiant son Règlement, conformément aux changements qui y étaient proposés. Le présent article donne un aperçu du comité d'examen de l'Australie et de l'enquête qu'il a menée. Il se penche ensuite sur le rapport et ses recommandations, qui offrent à d'autres pays, comme le Canada, la possibilité d'envisager des changements à leur examen parlementaire des mesures législatives déléguées.

Aperçu du comité d'examen de l'Australie

Établi en 1932, le comité d'examen de l'Australie est l'un des plus anciens comités d'examen parlementaire chargé de se pencher sur les mesures législatives déléguées dans les pays de common law. Il se compose de six sénateurs : trois viennent du gouvernement et trois viennent des partis de l'opposition ou sont indépendants. Il a pour rôle d'examiner tous les > déposés au Parlement et susceptibles d'être abrogés (7).

Selon la loi australienne de 2003 sur la législation (Legislation Act 2003 (8)), les instruments législatifs sont ceux qui sont décrits ou enregistrés comme tel, ou qui sont adoptés en vertu de la compétence législative principale déléguée en vue de déterminer ce que contient une loi ou de la modifier (et non en vue de déterminer les cas et les circonstances où la loi s'applique) (9). Dans ce dernier cas, l'instrument législatif doit aussi avoir une incidence sur un privilège, un intérêt, une obligation ou un droit (10), l'idée étant qu'il doit réellement être de nature législative, en ce sens qu'il crée ou modifie une loi générale et non pas qu'il représente essentiellement l'acte administratif de prendre une ordonnance ou d'effectuer une désignation. Plusieurs exceptions existent (11).

Les instruments législatifs abrogeables sont des textes législatifs visés par la procédure d'abrogation prévue dans la loi de 2003 sur la législation (12). La procédure permet à l'une ou l'autre chambre du Parlement d'abroger un texte lorsqu'un sénateur ou un membre de la Chambre des représentants donne un avis de motion à cet effet dans les 15 jours de séance suivant le dépôt initial du texte devant la Chambre (13). Si la motion est adoptée ou n'est pas examinée dans les 15 jours de séance suivant le dépôt de l'avis de motion, le texte législatif est abrogé et cesse d'avoir une portée juridique (14). Outre la possibilité qu'ils soient abrogés, tous les instruments législatifs deviennent automatiquement caducs après une période de 10 ans, sauf exception (15).

Le comité d'examen de l'Australie examine chaque instrument législatif abrogeable en fonction de critères précis : il vérifie notamment si le texte est conforme aux lois applicables, s'il nuit indûment à des libertés et à des...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT