Constitutionnalite de dispositions conferant un statut, des privileges et des droits a une langue minoritaire : le cas singulier du nunavut et de sa loi sur la protection de la langue inuit.

AuthorRobinson, Julie
PositionIII. Interpretation des dispositions perfinentes de la LPLI through Conclusion, with footnotes, p. 544- 571
  1. Interpretation des dispositions perfinentes de la LPLI [TEXT NOT REPRODUCIBLE IN ASCII]

    1. Principes d'interpretalion [TEXT NOT REPRODUCIBLE IN ASCII]

      Selon le principe moderne d'interpretation, les lois doivent etre lues en tenant compte de leur contexte. Le principe moderne d'interpretation permet de donner effet au but de la loi en fonction de l'entierete de son texte ainsi que du contexte de son adoption. Cette formulation de l'auteur Drieger a inlassablement ete reprise par la Cour supreme du Canada: > (115). La Loi d'interpretation du Nunavut enterine par ailleurs a son article 10 cette approche adoptee par les tribunaux : > (116).

      Les regles d'interpretation sont en general non contraignantes, elles constituent des outils de travail : le lecteur choisit l'outil le mieux adapte a la tache qui l'occupe (117). Plusieurs regles d'interpretation permettent donc de mettre en oeuvre le principe moderne. En general, le lecteur recourt au premier abord au sens courant et grammatical des mots, dans la mesure oU cette demarche permet de preserver l'harmonie de la disposition avec l'ensemble de la loi et de donner effet a l'intention du legislateur (118). Les tribunaux se fient egalement de plus en plus aux preambules, car ceux-ci permettent de bien ancrer une loi dans son contexte et de determiner son caractere veritable. On l'utilise pour etablir l'objet de la loi, son caractere d'ordre public ou non, ainsi que sa portee (119). Selon Cote, c'est cette regle qui s'impose aujourd'hui, et non plus la regle litterale prescrivant qu'on ne tienne compte du preambule qu'en cas d'ambiguite ou d'obscurite dans la loi (120). La Loi d'interpretation du Nunavut enterine par ailleurs cette regle de common law a son article 11 : > (121). Finalement, il existe en interpretation legislative certaines presomptions incontournables. L'une d'entre elles veut que le legislateur ait connaissance des autres lois en vigueur lorsqu'il edicte une loi. Cette presomption de connaissance des lois empeche le lecteur de supposer que le legislateur agit par incompetence ou par ignorance (122).

      Avant de tenter d'interpreter la loi habilitante du Nunavut et l'Accord, il importe de diriger notre attention vers l'article 35 de Loi constitutionnelle de 1982 (123). Cette disposition > les > des peuples autochtones. L'article 35 ne peut etre ignore lorsqu'il s'agit d'esquisser les traits du paysage legislatif dans lequel s'inscrit la LPLI. La question de savoir jusqu'a quel point l'article 35 constitutionnalise l'autonomie du Nunavut est une question complexe qui depasse le cadre de cet article, mais soulignons rapidement que l'article 35 a peut-etre pour effet de proteger l'Accord et par consequent, pourrait peut-etre egalement proteger certains pouvoirs delegues aux Inuit du Nunavut. Quant a la question de savoir si les langues autochtones sont protegees en vertu de l'article 35, elle n'a toujours pas ete soumise aux tribunaux, mais plusieurs auteurs (124) s'entendent pour dire que les droits ancestraux proteges par l'article 35 comprennent des droits relatifs a la langue (125). Toutefois, bien qu'elle soit tout a fait interessante et d'actualite, nous n'aborderons pas davantage cette question dans le cadre de cet article, puisqu'il existe au Nunavut un accord sur les revendications territoriales qui, considere conjointement avec la Loi sur le Nunavut, offre un cadre juridique prometteur pour assurer la protection et le developpement de la langue inuit.

      Au meme titre qu'il est necessaire de considerer l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour brosser une esquisse complete du paysage juridique qui sous-tend la LPLI, il importe de garder a l'esprit le principe constitutionnel non ecrit de protection des minorites. Les principes non ecrits sont des regles constitutionnelles qui ne sont pas textuellement presentes dans la Constitution, mais qui > (126). Ils permettent de faire face aux problemes qui ne sont pas prevus dans le texte et constituent un ensemble exhaustif de regles permettant a la Constitution d'evoluer avec la societe. Le principe de protection des minorites, expose en detail par la Cour supreme dans le Renvoi relatif a la secession du Quebec (127), constitue selon toute vraisemblance > (128). Dans ce renvoi, la Cour supreme affirme au sujet des principes constitutionnels non ecrits : > (129). Puis, au sujet de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de la maniere dont il reflete le principe non ecrit de la protection des minorites :

      La > de l'art. 35, comme l'appelle l'arret R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, a la p. 1083, reconnait non seulement l'occupation passee de terres par les autochtones, mais aussi leur contribution a l'edification du Canada et les engagements speciaux pris envers eux par des gouvernements successifs. La protection de ces droits, realisee si recemment et si laborieusement, envisagee isolement ou dans le cadre du probleme plus large des minorites, reflete l'importance de cette valeur constitutionnelle sous-jacente. (130) En interpretant la loi habilitante du Nunavut et l'Accord, il est imperatif de garder en tete le principe constitutionnel de la protection des minorites et en particulier, l'engagement explicite, la > inscrite dans la Constitution de veiller a ce que cette minorite puisse prendre les moyens pour s'epanouir et se raffermir au sein du Canada.

    2. Analyse de la LPLI a l'aide des principes d'interpretation legislative [TEXT NOT REPRODUCIBLE IN ASCII]

      Nous proposons donc d'analyser l'article 3 de la LPLI dans le but de determiner sa validite, c'est-a-dire de determiner si le legislateur du Nunavut possede le pouvoir d'imposer aux institutions du gouvernement federal l'affichage en langue inuit ainsi que l'offre de ses services au public en cette langue. Pour des fins de commodites, voici reproduit dans son entierete l'article 3 de la LPLI :

      Obligations des organisations

      3. (1) Conformement au present article et aux reglements, le cas echeant, les organisations :

      a) affichent leurs panneaux et enseignes publics, y compris les signaux d'urgence et de sortie, en langue inuit en plus de toute autre langue qui pourrait etre utilisee;

      b) exposent et diffusent leurs affiches et leur publicite commerciale, le cas echeant, en langue inuit en plus de toute autre langue qui pourrait etre utilisee;

      c) veillent a ce que le texte en langue inuit de leurs panneaux, enseignes et affiches publics ainsi que leur publicite commerciale soit au moins aussi en evidence que le texte en toute autre langue qui pourrait etre utilisee;

      d) offrent en langue inuit les services d'accueil et les services a la clientele ou aux usagers disponibles pour le public en general.

      Services specifiques devant etre fournis en langue inuit

      (2) Une organisation communique avec le public en langue inuit lorsqu'elle fait la prestation des services suivants :

      a) les services essentiels, y compris :

      (i) les services ou les interventions de secours ou de sauvetage, ou les services ou les interventions d'urgence semblables, y compris les services d'admission ou de repartition,

      (ii) les services de sante ainsi que les services medicaux et pharmaceutiques;

      b) les services aux menages et les services d'hebergement ou d'accueil, y compris :

      i) les services de restauration, d'hotellerie, d'hebergement ou d'habitation, ainsi que les services en etablissement,

      ii) les services de base pour les menages, y compris la distribution d'electricite, de combustible et d'eau ainsi que les services de telecommunications;

      c) les autres services designes par reglement que le commissaire en conseil estime appropries parce qu'ils sont essentiels par nature ou qu'ils entrainent des consequences importantes pour les particuliers.

      Communications

      (3) En plus des exigences du paragraphe (1), les communications avec le public visees au paragraphe (2) sont :

      a) tous les avis, les mises en garde pu les directives adressees aux usagers ou aux consommateurs de service;

      b) les comptes mensuels, les factures et les reclamations semblables, adresses a des personnes qui peuvent etre des locuteurs de la langue inuit;

      c) les autres communications que le commissaire en conseil peut designer par reglement.

      Communications orales et ecrites

      (4) Le paragraphe (3) s'applique aux communications orales et ecrites.

      Accommodement pour les organismes du secteur prive

      (5) Le commissaire aux langues, apres avoir recu une presentation ou une demande aux termes de la partie 4, et la Cour de justice du Nunavut, apres avoir recu une demande aux termes de la partie 4, peuvent dispenser un organisme du secteur prive d'une obligation qui serait autrement imposee par le present article et la remplacer par une exigence moins rigoureuse relativement aux communications ou aux services en langue inuit si, selon le cas :

      a) l'organisme du secteur prive est cree a des fins reliees principalement au patrimoine, a l'expression, au renforcement ou a la promotion d'une communaute culturelle ou linguistique autre qu'inuit;

      b) le commissaire aux langues ou la Cour de justice du Nunavut, selon le cas, est convaincu que le respect du present article imposerait autrement a l'organisme du secteur prive une contrainte excessive.

      La premiere etape de l'analyse consiste a determiner si le terme > employe dans la LPLI renvoie reellement aux institutions du gouvernement federal aux fins de l'exercice des prerogatives lui etant attribuees par la Loi constitutionnelle de 1867. La LPLI definit ainsi l'expression organisation : > (131). Elle definit a son tour l'expression > de la maniere suivante : > (132).

      Il parait clair que le legislateur entendait donner un sens large au terme > afin que celui-ci s'applique aux institutions federales dans la mesure prevue par la LPLI elle-meme. Premierement, le legislateur a cree plusieurs definitions semblables, mais non identiques, qu'il n'utilise pas de maniere interchangeable. Ainsi, il definit egalement, dans la LPLI, les expressions > et > :

      >

      ...

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