Decision du president: le droit 'adresser des petitions a l'Assemblee nationale, president Jean-Pierre Charbonneau, le 1 fevrier 2001.

Contexte : Au cours des derniers mois, la presidence d'Assemblee a ete saisie a trois reprises eu egard a l'exercice du droit d'adresser des petitions a l'Assemblee nationale. Pour chacune des questions soulevees par ces trois cas, on demandait a la presidence de se prononcer. Elle a identifie quatre questions qui traitent de l'impact de la codification du droit de petitionner, dans la Charte des droits et libertes de la personne du Quebec, sur la procedure d'exercice de ce droit dans le cadre des deliberations parlementaires. (C'est l'article 21 de la Charte qui traite du droit de petitionner, Toute personne a droit d'adresser des petitions a l'Assemblee nationale pour le redressement d'un grief. ).

Alors, les questions sont les suivantes. La premiere: La presidence de l'Assemblee peut-elle empecher le depot d'une petition mettant en cause la conduite d'un depute? La deuxieme: Est-ce qu'une personne peut adresser directement une petition a l'Assemblee, c'est-a-dire sans passer par l'intermediaire d'un depute? La troisieme: Est-ce que l'article 21 de la Charte des droits et libertes de la personne impose a l'ensemble des parlementaires de statuer sur le redressement demande? Et, quatriemement: Est-ce que des suites, particulierement des reponses, doivent etre donnees au contenu d'une petition qui a ete adressee a l'Assemblee?

Decision (President Charbonneau) : A l'egard de la premiere question, celle-ci consiste a savoir si la presidence peut empecher le depot d'une petition mettant en cause la conduite d'un depute. Les faits a l'origine de cette question sont les suivants. Le 23 mai dernier, je refusais le depot a l'Assemblee, par une deputee ministerielle, d'une petition non conforme au reglement. Des concitoyens et concitoyennes voulaient, par l'entremise de cette deputee, adresser a l'Assemblee une petition dont le contenu remettait en cause la legitimite du mandat confie a un depute par la population de sa circonscription electorale.

Les deuxieme et troisieme questions decoulent des faits suivants. Le 2 juin 2000, un citoyen du Quebec a demande au president de l'Assemblee nationale, par l'entremise de ses procureurs, d'inscrire au feuilleton une petition qu'il desirait soumettre a l'Assemblee afin que celle-ci intervienne pour juger son dossier litigieux avec le gouvernement.

Le citoyen ne s'est donc pas prevalu des dispositions des articles 62 et suivants du reglement qui traitent de la procedure pour adresser des petitions a l'Assemblee. Le citoyen est d'avis que l'article 21 de la Charte des droits et libertes de la personne lui permet d'adresser des petitions directement a l'Assemblee, et ce, sans qu'il ait l'obligation de suivre la procedure prevue au reglement. Cette procedure prevoit notamment que c'est par l'entremise d'un depute qu'une personne peut adresser une petition a l'Assemblee. En demandant d'inscrire la petition au feuilleton, le petitionnaire desire, en plus, que l'Assemblee debatte de la petition et qu'elle se prononce obligatoirement sur son contenu, car, pretend-il, la Charte des droits et libertes de la personne du Quebec impose un devoir constitutionnel a l'Assemblee d'exercer une fonction d'administration de la justice.

Quant a la quatrieme question, elle provient du depute de Nelligan. Dans une lettre qu'il m'adressait, le 18 septembre dernier, notre collegue me demandait si des suites avaient ete donnees a une petition qu'il avait deposee a l'Assemblee, le 30 mai de l'an 2000. Cette petition d'un citoyen concernait l'industrie de l'assurance de dommages. Dans sa lettre, M. le depute de Nelligan suggerait qu'un suivi officiel soit donne au depot de toute petition. Selon lui, il pourrait s'agir d'une lettre transmise au ministre, au ministere ou a tout organisme gouvernemental directement concerne par la petition. Par la suite, la reponse obtenue pourrait etre expediee au depute qui a depose la petition.

Quelques principes de droit parlementaire

En consultant les auteurs en droit parlementaire britannique, on apprend que le droit d'un citoyen d'adresser une petition a la couronne ou au Parlement, en vue de redresser un grief, est un droit fondamental qui tire son origine avant le regne du roi Edouard ler, au XIIIe siecle.

Le droit de petitionner, tel qu'on le connait aujourd'hui en Angleterre, a ete exprime dans deux resolutions adoptees par la Chambre des communes de Londres, en 1669. A la lecture de ces resolutions, on peut constater cependant qu'en contrepartie au droit de petitionner on reconnait egalement le privilege de la Chambre des deputes de determiner a quelles conditions une petition peut etre recue.

Au Quebec, le droit de petitionner existait et il etait utilise bien avant sa codification dans la Charte des droits et libertes de la personne, en 1975. Meme si elle a consacre son importance, cette codification n'a toutefois pas change la nature du droit de petitionner. Certes, le droit existe et est reconnu dans une loi fondamentale qui a preseance sur toute loi qui n'y deroge pas expressement, mais son exercice reste toujours soumis aux privileges de l'Assemblee. C'est pourquoi, meme si, au Quebec, le droit de petitionner est codifie dans une loi...

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