Ameliorer la responsabilisation gouvernementale.

AuthorAucoin, Peter

Le présent article résume l'évolution récente en matière de responsabilisation. L 'auteur examine les caractéristiques institutionnelles qui réduisent la capacité du Parlement de tenir les ministres et les fonctionnaires responsables de leurs actes et envisage les possibilités d'amélioration de la responsabilisation.

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La Commission Gomery s'était vu confier deux mandats" enquêter et présenter un rapport sur les personnes responsables du scandale des commandites; puis, dans un second rapport, formuler des recommandations pour corriger les erreurs du système de gouvernance et de responsabilisation. La création de la Commission d'enquête et le choix d'un juge comme unique commissaire reconnaissaient les limites perçues des processus parlementaires lorsqu'il s'agit de tenir les ministres et les fonctionnaires responsables de leurs gestes. C'est ce qui explique le besoin d'un commissaire >, de préférence une personne appartenant au pouvoir judiciaire.

La Commission a accompli ce que l'on attendait d'elle. Elle a nommé de nombreuses personnes responsables d'une façon quelconque, elle a blâmé un plus petit nombre de gens et elle a couvert de honte un nombre encore moindre. Nous pouvons nous passer de répéter les verdicts. Il convient toutefois de souligner que, dans le volume 1, le juge Gomery conclut ce qui suit : >. Ce sont :

* la décision sans précédent [du premier ministre] de diriger le Programme de commandites à partir du CPM, c'est-à-dire en court-circuitant tous les systèmes et mécanismes de contrôle ministériels que le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada aurait normalement dû appliquer;

* le fait que le sous-ministre de TPSGC n'a pas exercé une surveillance ni appliqué des sauvegardes administratives pour éviter le détournement des deniers publics;

* l'absence délibérée de transparence dans la façon dont le programme a été lancé, financé et administré.

L'aspect important ici est la juxtaposition de la gestion politique (le rôle du CPM) et des échecs de la fonction publique professionnel (la mise en évidence des obligations du sous-ministre) qui a mené au secret délibéré du fonctionnement du gouvernement. Bref, il ne pouvait y avoir de mauvaise administration que si la fonction publique était disposée à accepter la volonté des ministres et de leur personnel politique.

Des personnes ont été nommées, blâmées et couvertes de honte. Mais, autre détail tout aussi important, la structure du pouvoir a été mise en doute. En fait, on se demandait comment des ministres, et encore moins leur personnel politique, pouvaient considérer normal de ne pas tenir compte des structures d'autorité établies pour la gestion des ressources financières et humaines déployées pour la prestation de services publics. Le juge Gomery a été tout aussi bouleversé et consterné que la vérificatrice générale l'a été lorsque celle-ci a pris connaissance des résultats de la vérification effectuée par son bureau.

Le gouvernement libéral a tenté de prendre le devant sur le juge Gomery en se concentrant sur des changements destinés à >. Implicitement, ce sont des fonctionnaires, et non des ministres, qui ont été blâmés pour la mauvaise administration, même si seuls quelques bureaucrates > ont été blâmés pour corruption. Il s'en est suivi une multitude de nouvelles règles et de nouveaux règlements > et la promesse d'un nouveau régime de vérification interne. L'adjectif > a été le plus employé pour qualifier cette initiative. Au même moment, le gouvernement refusait d'apporter des modifications à la doctrine officielle de responsabilité ministérielle ou à la responsabilisation de la fonction publique.

Lors de la parution du second volume de la commission Gomery, tout avait changé. Le Parti conservateur avait fait d'une loi sur l'imputabilité le point central de son programme électoral de 2005-2006, puis il a remporté l'élection de 2006.

Les conservateurs ont montré qu'ils appréciaient les éléments fondamentaux de la responsabilisation gouvernementale, lorsqu'ils ont rédigé leur projet de loi fédérale sur la responsabilité. Il n'est pas surprenant qu'ils aient été sensibles au besoin de freins et contrepoids améliorés au sein du système, étant donné que, à quelques rares exceptions près, l'expérience de leur direction et de leur personnel de soutien se limitait à faire partie de l'opposition. De plus, ils connaissaient les limites auxquelles le Parlement se heurte lorsqu'il veut obliger les ministres et les hauts fonctionnaires à rendre des comptes.

En outre, ces propositions ont été rédigées non seulement alors qu'ils constituaient l'opposition officielle d'un gouvernement minoritaire, mais aussi à une époque oø les sondages d'opinion laissaient entendre que leur situation ne serait pas différente après l'élection. Les propositions énoncées dans la Loi fédérale sur la responsabilité, devenue projet de loi du gouvernement, représentent essentiellement des améliorations de la responsabilisation gouvernementale inspirées par l'opposition. Comme l'a fait remarquer un fonctionnaire, telle est la valeur d'un point de vue >, e'est-à-dire extérieur à l'arène de la fonction publique.

Les propositions des conservateurs reconnaissent que la responsabilisation gouvernementale, dans un système parlementaire de gouvernement responsable, doit être assortie de la capacité du Parlement d'exiger des comptes du gouvernement. En fait, les propositions de la campagne ne font nullement mention des efforts considérables déployés par des administrations canadiennes successives afin d'améliorer la responsabilisation du gouvernement au moyen de meilleurs comptes rendus du rendement ou des résultats, c'est-à-dire par un peaufinage de la reddition de comptes par les ministres et leurs ministères.

Pour le Parti conservateur du Canada dans l'opposition, la façon proposée d'améliorer la capacité du gouvernement de tenir celui-ci responsable consistait principalement à raffermir celles des hauts fonctionnaires du Parlement, de la presse et du public.

* d'examiner minutieusement et de revoir le comportement des ministres et des fonctionnaires,

* de vérifier l'administration publique,

* d'évaluer les renseignements gouvernementaux,

* d'obtenir des renseignements du gouvernement,

* de protéger (et de récompenser) les fonctionnaires disposés à dénoncer les gestes malhonnêtes du gouvernement ou de ses administrateurs.

Ce qu'il convient de souligner ici, c'est que la capacité du gouvernement de tenir les ministres et les hauts fonctionnaires responsables est considérée presque exclusivement en fonction des hauts fonctionnaires du Parlement et non des députés proprement dits. Or, dans la tradition canadienne -- tradition qui n'est pas entièrement partagée par d'autres systèmes de type Westminster--ces hauts fonctionnaires sont réputés être >, c'est-à-dire non assujettis aux directives et au contrôle des députés. Dans le cadre de leur mandat conféré par la loi, ils peuvent accomplir leurs fonctions de surveillance, de vérification, d'enquête et d'examen comme bon leur semble. Il n'est donc pas surprenant de voir les conservateurs proposer, pour la responsabilisation du gouvernement, des réformes qui s'inspirent du modèle du vérificateur général, haut fonctionnaire du Parlement indépendant par excellence.

Le régime canadien de responsabilisation

Cet accent mis par le Parti conservateur sur la surveillance indépendante ne devrait surprendre personne. Il est largement reconnu, y compris par les députés, que le Parlement canadien n'est pas aussi efficace qu'il pourrait l'être quand il s'agit de tenir les ministres et les fonctionnaires responsables de leurs actes.

Comparativement, le système canadien de responsabilisation possède certains aspects vraiment solides. Ainsi, malgré toutes ses lacunes prétendues et évidentes en pratique, il y a la période des questions, d'une conception efficace. La vérificatrice générale dispose d'un mandat étendu, du moins à l'égard des ministères et des organismes fédéraux, et elle bénéficie d'un très bon financement. Les ressources mises à la disposition des députés et des comités parlementaires sont généreuses, par rapport aux normes internationales. Et, malgré ses faiblesses, il existe un régime d'accès à l'information gouvernementale depuis deux décennies.

Malgré cela, le Parlement canadien compte au moins trois principales caractéristiques institutionnelles qui réduisent son...

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