Carriere parlementaire d'Henri Bourassa a Quebec.

AuthorGilles Gallichan

Le passage d'Henri Bourassa a l'Assemblee legislative de Quebec fut aussi bref que spectaculaire. Elu en 1908, il ne siegea que pendant les quatre sessions de la 12e legislature et se retira de la lutte electorale en 1912. Cependant, aux yeux des contemporains, cet episode est apparu comme un grand moment de la vie politique du Canada francais. Temoin de son epoque, il a percu avec acuite certains de nos problemes contemporains, saisi des lignes de force de l'existence nationale des Quebecois, mais il a aussi traine des archaismes ideologiques. Henri Bourassa demeure un personnage incontournable de l'histoire politique et intellectuelle du Quebec. Son nom sonne comme un coup de clairon, et il represente un modele pour plusieurs generations de Quebecois. Cet article evoque la vie d'un homme qui, selon ses propres mots, aux jouissances du pouvoir preferait le triomphe de l'ideal.

En 1908, a 40 ans, Henri Bourassa est deja depuis longtemps une personnalite politique de premier plan. Ne a Montreal le 1erseptembre 1868, il est le fils de l'artiste et homme de lettres Napoleon Bourassa et d'Azelie Papineau, fille de Louis-Joseph Papineau. Il est donc le petit-fils et un peu l'heritier spirituel du celebre patriote bas-canadien. Apres ses etudes a l'Ecole polytechnique de Montreal, le jeune Henri va completer sa formation au college Holy Cross a Worcester, au Massachusetts, dans une region ou vivent de nombreux Franco-Americains.

Dans l'arene politique

Revenu au Quebec, il ne tarde pas a manifester des talents d'entrepreneur. Il se lance en affaires, fonde une ferme modele a Montebello et relance un journal franco-ontarien, L'Interprete, de Clarence Creek. En 1889, a 21 ans, il devient maire de Montebello. Il s'oriente vers la politique, qui sera la passion de sa vie. A Ottawa, le chef du Parti liberal, Wilfrid Laurier, s'approche du pouvoir et, aux elections de 1896, il recrute le jeune et brillant Bourassa, qui est elu depute de Labelle a la Chambre des communes.

Laurier a vite saisi la personnalite complexe de son poulain, a la fois radical dans ses idees de reforme politique et de progres national et conservateur sur les questions sociales et religieuses. Bourassa est un monstre, ecrit-il, c'est un >. L'expression > designait les plus ultramontains des conservateurs et les > formaient l'aile gauche et radicale des liberaux. Bourassa reussira dans sa vie politique cet amalgame apparemment paradoxal de contradictions ideologiques.

La participation de soldats canadiens a la guerre des Boers en 1899 provoque la rupture entre Bourassa et Laurier qui avait pris la decision d'envoyer des volontaires dans cette guerre de l'Empire sans soumettre la question au Parlement. Associant l'envoi de troupes a un impot du sang, Bourassa voit dans cette guerre decidee en Angleterre une violation du principe liberal: >. Le 26 octobre 1899, il demissionne et se fait reelire comme depute independant de Labelle.

Cet episode fait de lui une figure nationale de la scene politique. Au cours des annees suivantes, on le voit debattre des grandes questions comme l'immigration, les ecoles francaises de l'Ouest, la loi du dimanche ou la politique imperiale de la Grande-Bretagne. Sur ce front, il pousse le gouvernement Laurier a affirmer de plus en plus clairement l'independance du Canada au sein de l'Empire britannique.

En 1903 est fondee l'Association catholique de la jeunesse canadienne-francaise. L'ACJC, tres presente sur la scene publique, laissera sa marque sur la generation des Quebecois du tournant du siecle. Un hebdomadaire voit aussi le jour sous le titre Le Nationaliste. Avec un redacteur comme Olivar Asselin, le nouveau journal ne menage pas ses mots contre les vieux politiciens installes au pouvoir, les partis au service des trusts et la corruption des gouvernements. Pour cette jeunesse frondeuse, Henri Bourassa apparait comme un maitre a penser, et ses apparitions publiques sont toujours applaudies par un jeune public enthousiasme.

L'agitation qu'il souleve inquiete fort les milieux anglo-canadiens pour qui il represente un agent de discorde et un semeur de division. Il tient des propos qui irritent egalement les elites francophones, comme lorsqu'il constate tristement que les pires trahisons nationales >

En 1907, Bourassa trouve un disciple a ses cotes, le jeune depute de Montmagny, Armand Lavergne. Il avait ete elu depute liberal a la Chambre des communes en 1904, mais ses critiques du gouvernement avaient oblige Laurier a lui montrer la porte. Lavergne s'etait en particulier oppose a Laurier sur la question des ecoles francaises de l'Ouest. Il trouvait humiliante l'attitude du gouvernement qui, sur...

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