Le chahut a la Chambre des communes.

AuthorGrisdale, Mackenzie

Les visiteurs et les observateurs à la Chambre des communes font état depuis longtemps de la fréquence du chahut à la Chambre. Cela étant, quels sont les avantages ou les conséquences de ce comportement? L'article présente une analyse d'un ensemble originel de données quantitatives et qualitatives recueillies dans un sondage anonyme rempli par des députés vers latin de la 40e législature. Le sondage portait sur des perceptions du chahut à la Chambre des communes, ainsi que sur les répercussions que le chahut, selon les députés, a sur leur travail Un nombre important de députés ont indiqué que le chahut les amène à participer beaucoup moins fréquemment, voire pas du tout, aux travaux de la Chambre. En outre, bon nombre des mots utilisés contre d'autres députés dans les chahuts sont contraires aux valeurs défendues dans la Charte. Figurent parmi ces mots et concepts le racisme, l'âgisme, le sexisme, la discrimination religieuse, la discrimination contre les handicaps physiques et l'homophobie.

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Le chahut occupe une place de grande importance à la Chambre des communes du Canada. Traditionnellement, assister à la période des questions, c'est se heurter à un mur de son. Les personnes qui se trouvent à la tribune mettent une oreillette, non seulement pour entendre les délibérations dans leur langue officielle de prédilection, mais aussi pour arriver à discerner quelque chose dans tout le vacarme.

Le chahut est fortement décrié en dépit de la touche dramatique évidente qu'il introduit dans la Chambre. Peu importe son caractère d'entrave à la production, ou l'autodestruction inhérente à un emploi oø des centaines de personnes se déchaînent verbalement contre vous dans votre propre milieu de travail, jour après jour. C'est à la Chambre des communes que les décisions du pays se prennent, que l'on décide une hausse ou une baisse des impôts, que nous décidons d'aller à la guerre. Quel rôle le chahut joue-t-il dans la même salle? Les motifs du chahut, l'attitude des députés à l'égard de ce comportement, le contenu du chahut et les répercussions de celui-ci sur les députés : voilà autant de questions qui méritent un examen.

Contexte et littérature

Par sa nature même, le chahut est difficile à étudier. Il est souvent indéchiffrable à partir des tribunes. Il n'est pas consigné dans le hansard parce qu'il n'émane pas d'une personne dont le microphone est activé. Le chahut a toujours existé à la Chambre des communes. Mark Bosc a écrit au sujet du comportement des députés peu de temps après la Confédération. Il a trouvé des comptes rendus des médias de cette époque qui décrivaient des députés agissant >, qui envoyaient dans toutes les directions des boules de papier, des livres bleus, des projets de loi des coussins, des chapeaux et des casquettes de toutu genre, émettaient des miaulements, craquaient des pétards, ou jouaient de la guimbarde pour distraire la personne qui parlait (1).

Même aujourd'hui, toutefois, on met considérablement l'accent dans les médias sur le comportement puéril des députés à la Chambre des communes. Certains chroniqueurs défendent le chahut et les > dans l'intérêt d'un débat passionné (2), tandis que d'autres comparent directement les députés à des élèves dans une classe hypothétiquement à la dérive, oø les élèves saisissent >, ou caractérisent le discours à la Chambre comme étant >. On retrouve également dans de nombreux comptes rendus des médias l'idée que le chahut et des comportements similaires sont le fait des hommes. Outre le commentaire de > ci-dessus qui impute les attaques personnelles à la masculinité, les comptes rendus des médias évoquent fréquemment fin type de > pour décrire le chahut.

Les attitudes des médias ne sont pas nécessairement pertinentes en soi. Elles deviennent plus importantes lorsqu'elles reflètent les perceptions de la population dans son ensemble. D'ailleurs, les médias expriment régulièrement l'opinion selon laquelle la population en a assez du chahut. Le Hamilton Spectator décrit le chahut comme étant un >. Le problème lié au fait d'amener des invités à la période des questions persiste; plusieurs députés qui ont participé à cette étude nous ont raconté des anecdotes oø ils avaient invité des étudiants et des enseignants à la période des questions et avaient vu leurs invités en partir dégoûtés.

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Bien évidemment, il se peut que des mordus de la politique jugent suspect tout compte rendu des médias sur le chahut, car nombreux sont ceux parmi eux qui croient que les médias perpétuent ce type de comportement en en faisant état. Il n'empêche que nous devons signaler que de nombreux journalistes font des pressions en faveur de davantage de décorum à la Chambre. C'est le cas dans de nombreux articles, mais nous en donnerons un exemple. Après que le regretté chef des néo-démocrates a formulé une condamnation du chahut sexiste, Chris Selley a écrit dans le National Post, > Au bout du compte, il serait difficile de soutenir que les médias dans leur ensemble encouragent ou déconseillent le chahut, mais, à tout le moins, les journalistes y accordent une attention considérable.

Il est important de faire observer, également, qu'à la fois avant et pendant le mandat du président Milliken, des efforts ont été consentis pour modifier le Règlement de manière à donner au président des pouvoirs plus clairs de faire appliquer la discipline à la Chambre. Le président Fraser a convoqué un comité consultatif officieux pour qu'il étudie le problème en 1992. La Chambre n'a jamais discuté des modifications au Règlement que le comité a recommandées (8). En octobre 2006, Joe Comartin et Dawn Black, tous deux des députés néo-démocrates, ont tenté, mais en vain, de faire revivre le rapport de ce comitê consultatif et de faire appliquer ses recommandations. En 1995, Milliken, alors président du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, a contribué à l'examen de > ayant comme conséquences, par exemple, >.

Méthode et résultats

Les données figurant dans le présent article viennent d'un ensemble originel de données recueillies au moyen d'un sondage administré par l'auteure à tous les membres de la 40e législature en mars 2011 (10). En plus six députés en fonction ont accepté d'être interviewés avant la chute de la 40e législature (11). Sheila Copps, qui a été députée de 1982 à 2004, et qui a également été vice-première ministre, a également été interviewée. Elle avait une grande réputation de chahuteuse et elle a contribué à faire la lumière sur les raisons pour lesquelles, de l'avis de certains, le chahut est utile. Ces conversations sont venues compléter les données recueillies au moyen du sondage et les participants ont accepté que leurs propos soient associés à leur nom.

Les sondages reposaient sur la déclaration volontaire. Les députés pourraient avoir tendance à sous-estimer leur propre participation au chahut, même si les réponses étaient anonymes. Il existe une autre limitation, à savoir que certains députés ont indiqué que leur définition du chahut différait de celle du sondage, qui se lisait comme suit : >. Certains sondés ont affirmé que, lorsqu'il y a humour, il n'y a pas de chahut. Donc, les chahuts spirituels n'ont pas, dans certains cas, été signalés comme des chahuts.

Les députés admettent volontiers que le chahut constitue une caractéristique importante de la vie à la Chambre. La majorité des répondants ont indiqué que le chahut survient fréquemment à la Chambre des communes (63,3 %), ou continuellement (18,3 %). Les députés sont beaucoup plus susceptibles de dire que le chahut survient davantage durant la période des questions qu'à tout autre moment dans un jour de séance typique. Cela était suivi, dans l'ordre, par les déclarations des députés, les affaires émanant des députés, les ordres émanant du gouvernement, les affaires courantes et les débats d'ajournement. Les données qualitatives donnent également à penser qu'il se produit davantage de chahut lorsqu'un débat s'ouvre sur un projet de loi controversé, de même que lorsque le climat général à la Chambre est tendu. De nombreux députés ont exprimé l'opinion que le moment oø le sondage a été administré était effectivement une période de stress, car une décision sur un cas d'outrage au Parlement était sur le point de déclencher des élections.

Les réponses au sondage montrent que les chahuts englobent tout un éventail de sujets, dont une minorité va à l'encontre des valeurs codifiées dans la Charte des droits et libertés. Comme le tableau > l'indique, la plupart des chahuts à la Chambre des communes portent sur une idée, une observation ou une question formulée par le député visé par le chahut. Les chahuts portant sur l'apparence, le sexe, l'âge, la race, l'orientation sexuelle et la religion du député sont beaucoup moins fréquents, mais ils demeurent néanmoins notables.

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Les chahuts qui, de l'avis des députés, avaient le plus d'effets étaient les attaques personnelles. Souvent, les députés étaient réticents ne serait-ce qu'à divulguer des chahuts dont ils se rappelaient, tandis que d'autres faisaient des allusions vagues > ou à des propos >. Toutefois, on compte parmi des exemples précis d'attaques personnelles une observation faite par un député conservateur de sexe masculin qui se souvient de chahuts > et > Un autre député a fait observer que, parfois, les chahuts portent aussi sur un handicap physique.

Une députée conservatrice a entendu quelqu'un crier en sa direction : > Cette députée a formulé d'autres observations : >

Le langage employé à l'encontre des femmes peut prendre un tour vulgaire. Dans son interview, Sheila Copps s'est souvenue d'avoir été traitée de >. Une députée néo-démocrate a écrit à propos d'un moment oø elle a entendu une députée libérale de premier plan se lever pour prendre la parole et se faire traiter de > par un simple député ministériel.

Plusieurs commentaires ont également donné à penser que les députées tendent à faire davantage...

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