La constitutionnalite de l'interdiction de publicite directe des medicaments d'ordonnance.

AuthorRouillard-Labbe, Lindy

The prohibition on direct-to-consumer advertisement of prescription drugs (DTCA) in Canada implicates a confrontation between the individual's right to information and corporate freedom of expression, on the one hand, and the protection of public health, on the other. Reacting to an appeal brought by CanWest Media Works (now Canwest Media) in 2005 before the Superior Court of Ontario to render this prohibition unconstitutional, the authors assert that the prohibition, found in the Food and Drugs Act and the Food and Drug Regulations (FDR), violates freedom of expression protected under the Canadian Charter of Rights and Freedoms. However, they determine that article 1 of the Charter justifies the infringement.

The authors draw on doctrinal theory, empirical studies on the effects of DTCA on public health, and relevant constitutional jurisprudence in support of their interprelation of the FDR as prohibiting all DTCA, including follow-up advertisement. Finding an infringement of freedom of expression, they consider the constitutionality of this infringement under section 1 of the Charter. The authors determine that protecting Canadians from the detrimental effects of DTCA on public health is a valid objective, the reality and the urgency of which have been demonstrated by the results of numerous studies. The authors establish, inter alia, that there is a correlation between DTCA and the increased prescription of advertised medication. They assess that there is a rational link between banning DTCA and reducing the influence of advertising on the relationship between patients and doctors, the act of prescription and, ultimately, the health of the patient. The authors conclude that the near-total prohibition of advertising to consumers is a minimal infringement, given that no alternative would permit the realization of the legislator's objective.

L'interdiction de publicite directe des medicaments d'ordonnance (PDMO) au Canada implique une confrontation entre d'une part le droit des individus a l'information et la liberte d'expression des entreprises et d'autre part, la protection de la sante publique. Reagissant notamment au recours intente en 2005 par CanWest Media Works (maintenant Canwest Media) devant la Cour superieure de l'Ontario dans le but de faire declarer inconstitutionnelle cette interdiction, les auteures soutiennent que l'interdiction de PDMO de la Loi sur les aliments et drogues et du Reglement sur les aliments et drogues (RAD) viole la liberte d'expression protegee par la Charte canadienne des droits et libertes, mais que cette violation est justifiee par l'article premier de la Charte.

S'appuyant sur des positions theoriques, sur des etudes empiriques sur les effets de la PDMO et sur la jurisprudence pertinente en matiere constitutionnelle, les auteures expliquent d'abord pourquoi elles interpretent le RAD comme interdisant toute PDMO, y copris publicites de rappel. Concluant a une atteinte a la liberte d'expression, elles examinent ensuite cette atteinte et sa justification au regard de l'article premier de la Charte. Les auteures jugent que proteger les Canadiens contre les effets prejudiciables de la PDMO sur la sante publique est un objectif dont la realite et l'urgence sont attestees par les resultats de plusieurs etudes. Ces dernieres concluant, entre autres, a l'existence d'une correlation entre la PDMO et l'augmentation des prescriptions des medicaments publicises, les auteures estiment qu'il existe un lien rationnel entre l'interdiction de PDMO et l'objectif visant a prevenir l'influence de telles publicites sur la relation entre le patient et le medeein, l'acte de prescription et la sante du patient. Les auteures soutiennent finalement que la prohibition quasi absolue de publicite aux consommateurs reste une atteinte minimale, car aucune alternative ne permettrait d' atteindre l'objectif du legislateur.

Introduction I. L'atteinte a la liberte d'expression protegee par la Charte canadienne A. L'interpretation large a accorder a l'interdiction reglementaire de PDMO B. La violation de la liberte d'expression par l'interdiction reglementaire de la PDMO : une conclusion inevitable II. La justification de l'atteinte au sens de l'article premier de la Charte canadienne : une application du test de l'arret Oakes A. L'analyse contextuelle 1. La nature commerciale de rexpression 2. La vulnerabilite du public cible de la PDMO B. L'urgence et la realite des objectifs du legislateur federal 1. Le laxisme de la jurisprudence dans la verification de l'urgence et de la realite de l'objectif 2. La protection contre rutilisation inconsideree des medicaments d'ordonnance C. La proportionnalite des moyens employes par le legislateur federal 1. La rationalite du lien entre les objectifs et les moyens 2. L'interdiction de PDMO : une atteinte minimale a la liberte d'expression 3. La proportionnalite entre les effets benefiques et nefastes Conclusion Introduction

L'avenement de la Charte canadienne des droits et libertes (1) a eu un effet considerable sur le processus legislatif et est venu amplifier le role des tribunaux canadiens en tant que gardiens de la constitution (2). En temoigne par exemple le recours intente en 2005 a l'initiative de CanWest Media Works, une des plus grandes societes mediatiques canadiennes (3), devant la Cour superieure de l'Ontario dans le but de faire declarer inconstitutionnelle l'interdiction de publicite directe des medicaments d'ordonnance (PDMO) (4). Ce recours fait frissonner plusieurs intervenants en droit de la consommation, de la sante et des femmes, qui soupconnent la PDMO d'avoir des effets pervers a maints egards (5). Selon eux, une telle pratique commerciale denature la relation entre le patient et son medecin et constitue un facteur de surconsommation de medicaments et d'accroissement des couts des soins de sante (6). A l'inverse, les compagnies pharmaceutiques, publicitaires et mediatiques clament que la PDMO permet un meilleur acces a l'information, ce qui irait de pair avec une responsabilisation et une implication plus active du patient quant a son etat de sante (7). En particulier selon eux, la PDMO ouvrirait la voie a un consentement plus eclaire du patient relativement a la prise de medicaments, a un meilleur suivi de la posologie et a la detection plus rapide des problemes de sante (8). Ces arguments sont toutefois accessoires au veritable motif de la requete, qui est de l'aveu meme du president de CanWest Media Interactive and Business Integration, Arturo Duran, de permettre aux compagnies mediatiques canadiennes de profiter de la manne commerciale de la PDMO, dont seuls leurs competiteurs americains jouissent a l'heure actuelle (9). C'est d'ailleurs fort d'un appui populaire que CanWest Media Works defend ses positions devant la Cour superieure de l'Ontario : selon un sondage mene en 2002, pres de sept Canadiens sur dix sont d'avis que la publicite des medicaments d'ordonnance devrait etre permise au pays (10).

La constitutionnalite de l'interdiction de PDMO implique donc une confrontation entre d'une part, le droit des individus a l'information et la liberte d'expression des entreprises et d'autre part, la protection de la sante publique. La pierre d'achoppement de cette reflexion constitutionnelle est certainement la preuve des effets, benefiques ou nocifs, de la PDMO sur la sante. A ce jour, peu de recherches ont mis en relief, d'un point de vue juridique, cette dualite d'interets (11). Nous avons donc decide d'approfondir ce debat, en prenant appui sur la question posee par CanWest Media Works a la Cour superieure de l'Ontario : l'interdiction de publicite directe des medicaments d'ordonnance, contenue aux articles 3 de la Loi sur les aliments et drogues et C.01.044 du Reglement sur les aliments et drogues (12), viole-t-elle la liberte d'expression enchassee au paragraphe 2b) de la Charte canadienne? Notre hypothese est la suivante : les dispositions de la LAD et du RAD interdisant la PDMO restreignent la liberte d'expression commerciale, mais cette restriction est justifiee par l'article premier de la Charte canadienne. Notons que notre demonstration portera principalement sur l'article C.01.044 RAD, qui etablit l'interdiction generale de PDMO et que notre interpretation de cet article differe de celle defendue par Sante Canada. A notre avis, cette disposition interdit toute publicite sur les medicaments d'ordonnance, y compris les publicites dites <>.

Notre propos s'inspirera a la fois des positions theoriques prises relativement a la constitutionnalite de ces dispositions, des etudes empiriques sur les effets de la PDMO et de la jurisprudence en matiere constitutionnelle. Nous avons fait le choix de ne pas aborder les questions, non moins interessantes, de la publicite dirigee vers les medecins et de la publicite des medicaments vendus sans ordonnance. Nous sommes malgre tout conscientes qu'une reflexion plus large sur la PDMO necessiterait la prise en consideration de ces deux aspects paralleles.

Finalement, notre plan d'analyse sera calque sur la logique suivie par les tribunaux en matiere de violation de la Charte canadienne (13) : nous examinerons dans un premier temps l'atteinte a la liberte d'expression et apprecierons, dans un deuxieme temps, la justification de cette atteinte au regard de l'article premier de la Charte canadienne. La premiere question etant peu controversee vu la largesse de la definition de la liberte d'expression, nous porterons principalement notre attention sur la seconde.

  1. L'atteinte a la liberte d'expression protegee par la Charte canadienne

    Apres avoir determine l'etendue de l'interdiction reglementaire de PDMO dans la premiere section, nous analyserons la conformite du regime juridique relatif a la PDMO avec le paragraphe 2b) de la Charte canadienne dans la section suivante.

    1. L'interpretation large a accorder i l'interdiction reglementaire de PDMO

      La publicite des medicaments d'ordonnance est regie...

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