Contestation des decisions du president.

AuthorMercer, Tim

L'impartialité est de rigueur pour les occupants du fauteuil dans les parlements de style britannique, mais il est quand même survenu au Canada et dans d'autres pays du Commonwealth certains cas célèbres oø l'on a contesté l'autorité du président. Le plus connu s'est produit à la Chambre des communes, en 1956, pendant ce qu'on a appelé le >. Centré sur la proposition d'aide du gouvernement fédéral pour la construction d'un gazoduc entre l'Alberta et le Québec, ce débat acrimonieux et désordonné a duré 18 jours et donné lieu à 25 appels des décisions du président de la Chambre et du comité plénier. Au cours de ce débat, le président a également fait l'objet d'une motion de censure. Bien qu'elle fût rejetée, ce fut la première et la seule motion de ce genre à être présentée dans l'histoire du Parlement canadien. Même si la plupart des assemblées législatives ont aboli les appels, le présent article examine les autres possibilités qui s'offrent aux députés lorsqu'ils sont d'avis que le président a commis une erreur en interprétant le Règlement ou, ce qui est plus grave, en rendant une décision fondée sur des intérêts partisans ou personnels.

**********

Ouelles sont les options des députés qui souhaitent contester l'autorité de la présidence concernant une décision particulière ou encore de manière plus générale? Les règles et usages diffèrent quelque peu d'une assemblée à l'autre. On pourrait dire qu'en général, il existe cinq possibilités, qu'il s'agisse de mesures purement procédurales, de mesures officieuses ou de tactiques qui pourraient constituer une grave atteinte au privilège parlementaire. C'est pourquoi j'ai choisi de les appeler des > plutôt que des >! Les voici:

* Les appels en bonne et due forme;

* Les motions de fond;

* Les critiques formulées à l'extérieur de la Chambre;

* La désobéissance;

* Les menaces et l'intimidation.

L'intention ici n'est pas de laisser entendre que les députés devraient ou pourraient avoir recours à l'une ou l'autre de ces possibilités, mais plutôt de déclencher une discussion sur le genre de contestation à laquelle un président d'assemblée pourrait faire face et sur la façon dont celui-ci ou la Chambre pourrait y répondre.

Les appels en bonne et due forme

La Chambre des communes a mis fin à la possibilité de porter les décisions du président en appel en 1965. Des interdictions semblables existent aujourd'hui dans la plupart des assemblées législatives au Canada. Prenons, par exemple, le règlement de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest oø il est écrit :

Lorsqu'il rend une décision sur une question de privilège ou d'usage, ou encore sur un recours au règlement, le président doit citer l'article du Règlement ou le texte de référence applicable. Sa décision ne doit pas faire l'objet d'un débat ou d'un appel (1). Quand j'ai discuté de cette règle avec des députés, certains m'ont demandé : > Cette question est évidemment difficile à répondre pour un greffier, mais, lorsque j'ai essayé de leur donner des explications, j'ai parfois été tenté de faire une analogie, bien que limitée voire absurde, avec la doctrine de l'Église catholique concernant l'infaillibilité du pape.

Selon cette doctrine, qui a été clairement définie lors du premier concile du Vatican en 1870, le pape ne se trompe jamais lorsqu'il promulgue un dogme ou prononce solennellement une décision devant l'Église catholique touchant la foi ou la moralité. Il s'ensuit que, si quelqu'un s'oppose délibérément à une déclaration infaillible, il s'exclut de l'Église. La doctrine ne va pas jusqu'à inférer que le pape est divinement inspiré ou à l'abri du péché. Elle dispose plutôt que, lorsque le pape agit à titre officiel comme chef spirituel de l'Église, ses conclusions et enseignements sont définitifs et que l'ensemble des fidèles de l'Église sont tenus de s'y conformer. De plus, en faisant une déclaration infaillible, le pape ne peut contredire aucun enseignement officiel antérieur de l'Église.

Ainsi, dans une certaine mesure, il en est de même pour les décisions du président. À part quelques rares exceptions, le droit parlementaire qui prévaut au Canada et ailleurs dans le Commonwealth peut être résumé par la déclaration que le président Jean-Pierre Charbonneau a prononcée à l'Assemblée nationale du Québec en juin 2001:

En vertu du droit parlementaire, on ne peut mettre en cause la conduite d'un député sans recourir à une procédure formelle, soit une motion de fond. [...] Le droit parlementaire va encore plus loin en ce qui a trait à la mise en cause de la conduite d'un membre de la présidence : non seulement il est interdit de le faire autrement que par une motion de fond, mais même en procédant ainsi, on risque de se rendre coupable d'outrage à l'Assemblée (2). Cette décision avait été rendue à la suite d'une série de rappels au règlement oø l'impartialité de chacun des vice-présidents de la Chambre avait été mise en cause pendant un débat animé sur la question des fusions municipales au...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT