Entrevue (avec Sean Conway, Jacques Baril, John Reynolds et Lorne Nystrom, anciens deputes federaux et provinciaux).

AuthorSean Conway, et autres

Compte tenu du taux de roulement eleve cause par les elections, tres peu de legislateurs qui etaient en fonction lorsque la Revue parlementaire canadienne est nee en 1978 le sont encore. Pour marquer le 20eanniversaire de la Revue, nous avons interviewe quatre anciens. Elu pour la premiere fois en 1975, Sean Conway est le depute liberal de Renfrew North a l'Assemblee legislative de l'Ontario. Devenu depute en 1968, le neo-democrate Lorne Nystrom represente la circonscription de Qu'Appelle aux Communes. Depute pequiste d'Arthabaska a l'Assemblee nationale du Quebec, Jacques Baril a ete elu pour la premiere fois en 1976. John Reynolds, du Parti reformiste, est le depute federal de West Vancouver--Sunshine Coast. D'abord elu a la Chambre des communes en 1972 comme depute progressiste-conservateur, il a ensuite represente la circonscription de West Vancouver--Howe Sound a l'Assemblee legislative de la Colombie-Britannique. Les entrevues ont ete realisees en fevrier et mars 1998 par Gary Levy, en collaboration avec Christian Comeau dans le cas de Jacques Baril.

Pourquoi avez-vous decide de faire de la politique et quelles ont ete vos premieres impressions du Parlement?

Sean Conway: J'ai grandi dans un milieu ou la politique active faisait partie de la tradition familiale. Mon grand-pere, Thomas Patrick Murray, a ete depute de South Renfrew a l'Assemblee legislative de l'Ontario de 1929 a 1945. Je me suis beaucoup amuse a parcourir la circonscription avec lui. J'ai egalement travaille a la campagne de notre depute federal, Len Hopkins. En 1975, alors que je terminais mes etudes a l'Universite Queen's, un ami de la famille m'a suggere de briguer l'investiture liberale. Le depute sortant, un conservateur, avait pris sa retraite et le gouvernement de William Davis etait en difficulte. La reunion d'investiture s'est tenue en mai; jamais je n'aurais ete candidat si elle avait eu lieu deux mois plus tot, en plein milieu des examens de fin d'annee. Mais le moment etait propice, et quelques mois plus tard, je me suis retrouve depute provincial a Toronto. A 24 ans, on se pose moins de questions qu'on ne le ferait dix ans plus tard.

J'etais sans doute mieux prepare que la plupart des gens de mon age pour avoir entendu bien des histoires de mon grand-pere. A 95 ans, au moment de mon election, il se plaisait encore a raconter des histoires au sujet de Mitchell Hepburn, George Drew, Howard Fergusson et d'autres personnalites bien connues de l'Assemblee legislative. Mes premieres impressions m'ont remis tout a fait les pieds sur terre. Il y avait, au sein de chaque parti, quelques deputes talentueux et de grande experience. Bob Nixon etait notre chef, et Robert Welch et Darcy McKeough etaient des ministres tres impressionnants. Le NPD comptait dans ses rangs Donald C. MacDonald et James Renwick. L'un de mes premiers souvenirs est d'avoir entendu un discours de Stephen Lewis, du NPD. C'etait un excellent orateur, et je me suis rendu compte en l'ecoutant que j'avais encore bien du chemin a faire avant de pouvoir me comparer a l'un ou l'autre de ces poids lourds.

Jacques Baril: Je suis entre en politique pour deux raisons. D'abord pour defendre la classe agricole parce que, en tant que producteur laitier, je militais au sein de l'Union des producteurs agricoles. Au debut des annees 1970, il y avait des problemes enormes en agriculture. Les gens creusaient des trous pour enterrer leurs veaux, y jeter des oeufs et du lait, et ainsi de suite. La deuxieme raison est tres simple. Je suis un independantiste convaincu et je voulais realiser la souverainete du Quebec. Je n'avais aucune idee de la facon dont l'Assemblee fonctionnait ou pourrait fonctionner. J'ai appris sur le tas.

Lorne Nystrom: A la fin des annees 1960, j'etais president des jeunes neo-democrates. La politique m'avait toujours attire, et je projetais de me presenter aux elections un jour. Lors de l'election federale de 1968, j'avais 21 ans et le siege de Yorkton-Melville etait considere comme un fief conservateur. Trois autres personnes m'ont conteste l'investiture neo-democrate lors d'une reunion qui a attire une foule de gens, surtout parce que le conferencier invite etait Laurier Lapierre. Candidat neo-democrate dans une circonscription de Montreal, celui-ci venait d'etre limoge par la CBC comme animateur de l'emission This Hour has Seven Days. Je l'ai remporte au troisieme tour de scrutin. L'election, dominee par la <>, a porte au pouvoir un gouvernement liberal majoritaire. Le partage du vote en trois dans ma circonscription m'a cependant permis de l'emporter avec 38 p. 100 des voix.

Je n'avais pas beaucoup d'idees preconcues. Je n'avais ete a Ottawa qu'une fois, en 1967; en traversant le Canada en auto-stop pour me rendre a Expo 67, je m'y suis arrete le temps de prendre une photo devant la tour de la Paix. Le Parlement m'a d'abord fait l'impression d'une enorme masse aussi lourde que lente. Les idees a la mode chez les gens de ma generation ne suscitaient guere d'interet ou de debats. C'etait, a mes yeux, un milieu tres conservateur. Nombre de mes collegues neo-democrates me paraissaient meme plus conservateurs et traditionalistes que je ne l'aurais imagine.

John Reynolds: Sous Pierre Trudeau, les Liberaux ont ete elus avec une assez forte majorite en 1968. Leur popularite aupres des petits entrepreneurs n'a cependant guere dure, surtout dans l'Ouest. Lors d'une fete de Noel, en 1971, je discutais politique avec le depute liberal de Burnaby--Richmond, Tom Goode. Nous etions plusieurs a nous inquieter de l'orientation que prenait le gouvernement. De la a nous demander ce que nous pouvions y faire, il n'y avait qu'un pas. Deja membre du Parti progessiste-conservateur, j'ai decide de voir ce que je pourrais faire pour gonfler nos rangs en vue de la prochaine election.

A mesure que la mise en candidature approchait, mon nom surgissait de plus en plus souvent comme candidat eventuel. J'avais 29 ans, et je ne m'attendais guere a obtenir l'investiture du parti et encore moins a remporter l'election. J'ai cependant decide de me mettre sur les rangs croyant que ce serait, a tout le moins, une bonne experience et une facon de me familiariser avec le fonctionnement reel du processus democratique. Une fois les bulletins de vote depouilles a l'election de 1972, la victoire m'etait acquise par la faible marge de 1 500 voix. Comme il arrive souvent en Colombie-Britannique, les voix se sont partagees en trois et j'ai reussi a me faufiler entre le liberal et le neodemocrate. Deux ans plus tard, j'etais reelu avec la plus forte marge de toute la Colombie-Britannique.

Constatez-vous de grands changements en Chambre par rapport a vos debuts? Lors de la periode des questions, par exemple?

John Reynolds: Le president semblait avoir plus d'autorite a l'epoque, au moins pour ce qui est du choix des intervenants durant la periode des questions. Chaque parti lui communiquait la liste des trois premiers deputes qu'il privilegiait, mais le president pouvait ensuite donner la parole a qui il voulait.

De nos jours, le scenario est davantage dicte par les partis. L'idee de limiter les questions et reponses a 35 secondes, ce qui permet a plus de deputes d'intervenir, me plait cependant. Le president me semblait entoure de plus de respect au debut des annees 1970, peut-etre parce que les seances n'etaient pas televisees a l'epoque. Quelle qu'en soit la raison, lorsque le president se levait pour rappeler la Chambre a l'ordre, le silence se faisait en quelques secondes.

Les medias ont beaucoup plus d'importance qu'autrefois. Il y avait moins de points de presse il y a 30 ans. De nos jours, tous les partis ont engage des specialistes des medias qui exercent une tres grande influence sur tout ce qui se passe a Ottawa. Une des seules choses qui n'a pas change, c'est la difficulte de porter les problemes de l'Ouest canadien a l'ordre du jour. Dans les annees 1970, nous avions une reunion quotidienne sur la periode des questions. Je me souviens de ne pas avoir reussi a convaincre mes collegues de la necessite de poser des questions sur la greve des manutentionnaires de grain dans l'Ouest canadien. Nous n'avons reussi a soulever le sujet que lorsque le Globe and Mail en a parle en manchette. La presence du Parti reformiste, dont les racines se trouvent a l'Ouest, a quelque peu modifie la situation. Mais il faut continuer de se battre avec certains de nos conseillers politiques, qui se soucient davantage des problemes du Canada central.

Lorne Nystrom: La periode des questions est certainement plus rapide et plus vive aujourd'hui. Autrefois, il n'y avait pas de limite de temps et les rappels au Reglement ou les questions de privilege etaient permis pendant la periode des questions. Ce n'est plus le cas.

La presence de la television a la Chambre est sans doute ce qui a cause le changement le plus profond. La telediffusion, commencee en 1977, a eu un effet immediat sur l'habillement et les comportements. Je me souviens d'un depute, Bob Brisco, qui affectionnait un complet en ultrasuede. Assis a l'arriere, son complet etait exactement de la meme couleur que les rideaux de la Chambre. Lorsqu'il se levait pour prendre la parole, on ne voyait a la television qu'un visage rond qui se degageait des rideaux. Il n'a plus jamais porte ce complet en Chambre. Le comportement des deputes a aussi change. Il y avait des seances du soir a l'epoque, et il arrivait que certains prennent un verre de trop. La television a decourage ce genre de choses et les seances du soir ont fini par disparaitre entierement.

La television a aussi transforme davantage la Chambre en salle de spectacle, ou les talents dramatiques sont precieux. Elle l'a aussi ouverte davantage au grand public en la rendant plus facile d'acces. Dans l'ensemble, je crois que l'influence de la television a ete positive. Il n'y a plus qu'une poignee de deputes qui se souviennent de ce a quoi les seances ressemblaient avant.

Sean Conway: A mon arrivee...

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