A la defense de l'environnement.

AuthorKennedy, Robert F., Jr.

En mai 2000, Karen Kraft Sloan, deputee federale de York-Nord, a organise un EcoSommet de deux jours qui a rassemble des scientifiques, des universitaires et des parlementaires et qui traitait des repercussions des polluants d'origine hydrique. Le present article est une version revisee du discours-programme de l'EcoSommet.

Je parlerai tout d'abord des progres accomplis par le mouvement ecologique depuis le Jour de la Terre 1970. Je me rappelle la semaine ou la riviere Cuyahoga a brule, les flammes montant si haut que personne ne savait comment les eteindre. Je me souviens quand le lac Erie a ete declare mort. Je me souviens, lorsque j'etais enfant, qu'on m'interdisait de nager dans l'Hudson, le Potomac et la Charles. Je me rappelle la puanteur de Washington. Les cheminees crachaient de la fumee noire et, certains jours, il etait difficile de voir jusqu'au bout du pate de maisons.

Je suis fauconnier et je m'interesse aux oiseaux depuis l'age de 3 ans. Lorsque j'avais 9 ou 10 ans, nous habitions le nord de la Virginie et je pouvais aller dejeuner a l'edifice de la Justice une ou deux fois par semaine avec mon pere et, a l'occasion, visiter mon oncle a la Maison-Blanche. A Washington, je ne manquais jamais de jeter un coup d'oeil au vieux bureau de poste, sur l'avenue Pennsylvanie, parce qu'un couple de faucons pelerins anatum y vivait sur le toit. Il y etait installe depuis des generations, et tous les ornithologues connaissaient sa presence. C'est l'oiseau de proie le plus spectaculaire que nous ayons eu en Amerique du Nord. Sous-espece du faucon pelerin, il etait rose saumon et pouvait voler 200 milles a l'heure.

Je voyais decoller les faucons du toit du bureau de poste et voler le long de l'avenue Pennsylvanie, attrapant des pigeons a quelque 40 pieds au-dessus des pietons et les ramenant a la coupole de l'edifice. Pour moi, le spectacle etait beaucoup plus excitant qu'une visite a la Maison-Blanche. Malheureusement, mes enfants n'en seront jamais temoins parce que l'oiseau a disparu en 1963, victime du DDT. Cette creature qui avait mis des millions d'annees a evoluer s'est eteinte en un tour de main, victime de l'ignorance et de la cupidite des hommes.

En 1970, cette accumulation d'erreurs tragiques a fait descendre 20 millions d'Americans dans les rues, soit 10 % de notre population. Ces participants a la plus vaste manifestation de l'histoire americaine exigeaient que les dirigeants redonnent au peuple les droits environnementaux dont il avait ete prive au cours des 80 annees precedentes. Le systeme politique a reagi.

Travaillant de concert, republicains et democrates ont adopte une multitude de mesures environnementales -- 28 grandes lois en 10 ans -- pour proteger l'air, l'eau, les especes en danger de disparition, les terres humides et la salubrite alimentaire. Ces lois ont, par la suite, servi de modele a plus de 150 pays qui, vers la meme epoque, ont celebre a leur facon le Jour de la Terre et qui ont, eux aussi, commence a investir dans la legislation environnementale.

L'aspect democratique

Certains pays n'ont cependant pas fait autant d'efforts que nous pour proteger l'environnement. Ce sont des pays ou la democratie est plutot faible. A mon avis, il y a un lien direct entre democratie et environnement. L'environnement ne peut etre protege dans un systeme non democratique puisque les poissons, les oiseaux et les arbres ne peuvent voter; ils ne participent pas au processus politique, non plus que nos enfants. La seule facon de leur donner voix au chapitre est de creer des mecanismes democratiques permettant aux membres de la communaute de parler en leur nom. La ou ces mecanismes sont inexistants, on assiste a une profonde degradation environnementale.

L'Union sovietique, par exemple, n'avait pas de lois environnementales parce que la democratie y etait inexistante. Nous avons la National Environmental Policy Act, notre principale mesure environnementale et la premiere a avoir ete adoptee apres le Jour de la Terre. Elle oblige tous les organismes gouvernementaux a proceder a des etudes d'impact avant d'eliminer ou d'aliener d'importantes ressources environnementales.

Une telle loi n'existait pas dans l'URSS, et c'est pourquoi la mer d'Aral, la plus grande etendue d'eau douce apres les Grands Lacs, est maintenant un desert. L'URSS n'avait pas non plus de loi contre la pollution atmospherique, et c'est pourquoi la mer d'Azov, la plus riche pecherie apres la baie de Chesapeake, est devenue une region inutilisable. L'URSS n'etait pas soumise a des exigences d'examen reglementaire de l'energie atomique du genre de celles que nous avons adoptees aux Etats-Unis par suite de la Journee de la Terre 1970, et c'est pourquoi le cinquieme du Belarus est aujourd'hui inhabitable pour cause de contamination radioactive.

En Turquie, il n'y a pas de loi sur l'assainissement de l'eau. Resultat : 300 especes ont disparu de la mer de Marmara au cours des 15 dernieres annees et il n'y aura plus de vie dans la mer Noire d'ici 10 ans. La Thailande n'a pas elle non plus de loi sur l'assainissement de l'air : les gens se promenent sur les rues de Bangkok affubles de masques a gaz et de masques chirurgicaux. D'apres un article recent du New York Times, l'enfant moyen eleve a Bangkok aura perdu sept points de quotient intellectuel a l'age de 6 ans en raison de la densite de la contamination plombique au niveau du sol : aucune loi n'exige d'eliminer le plomb de l'essence. En Chine, des centaines de milliers de personnes meurent chaque annee a cause du smog. Les bars a oxygene, ou le gens vont prendre une bouffee d'air frais, sont tres populaires a Beijing. A Mexico, vous ne pouvez conduire votre voiture legalement que trois jours et demi par semaine, et les inversions de smog tuent 10 000 personnes par annee et obligent la fermeture, parfois pendant des semaines, des principales industries d'Etat.

Ces pays et de nombreux autres subissent une deterioration environnementale ayant des allures de catastrophe economique. C'est ce qui serait arrive ici et aux Etats-Unis si nous n'avions pas investi dans l'environnement, au cours des annees 70 et au debut des annees 80, et c'est ce qui se produira si les assemblees legislatives et les technocrates imprudents aneantissent les investissements que nous avons consentis a l'epoque. Ou encore si nous laissons les dirigeants des provinces et des Etats cesser d'appliquer les lois federales, nouvelle tendance generalisee.

Au Capitole et, j'en suis sur, a Ottawa, certains voudraient se debarrasser du gouvernement federal omnipresent et remettre le pouvoir aux provinces et aux Etats, alleguant qu'il revient a la collectivite, que c'est l'essence meme de la democratie, que les provinces et les Etats sont les mieux places pour defendre, proteger et comprendre leur propre environnement. Or, ce qui est reellement en cause, ce n'est pas le pouvoir des collectivites, mais celui des entreprises.

Au sujet du controle communautaire, permettez-moi de vous raconter ce qui s'est passe dans la vallee de l'Hudson, durant les annees 60, une realite qu'ont connue des milliers d'autres collectivites au Canada et aux Etats-Unis. La General Electric a debarque a Glens Falls, dans l'Etat de New York, et a dit aux dirigeants municipaux : Nous allons vous batir une belle usine toute neuve, vous procurer 1 500 emplois, elargir votre assiette fiscale; vous n'avez qu'a renoncer a vos lois environnementales, a nous laisser deverser des BPC dans l'Hudson et a persuader l'Etat de New York de nous delivrer un permis a cet effet. Sinon, nous nous etablirons au New Jersey, de l'autre cote du fleuve, et nous paierons des impots a cet endroit.

Glens Falls a accepte. Deux decennies plus tard, GE fermait ses portes, laissant les travailleurs sans emploi et une facture d'assainissement de deux milliards de dollars que personne dans la vallee de l'Hudson ne peut payer.

Les lois environnementales federales ont ete concues...

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