Difference des sexes et adoption: la (psychanalyse administrative) contre les droits subjectifs de l'individu.

AuthorBorrillo, Daniel

Although they usually correspond, juridical logic does not always coincide with factual reality. In some cases, the law even contradicts reality. Filiation offers a clear example of this divergence: the legal notion of filiation, far from corresponding to the notion of biological reproduction, instead reflects a manifestation of human will Given the flexibility of the law, it is reasonable to consider the conditions that are placed on adoption and especially on the identity of the person trying to adopt. The justice system considers the homosexuality of the adopting parent as an obstacle to parenthood.

After an historical overview of the place of adoption in the law of filiation and in the current law of France, it becomes clear that no justification explains the reticence of the law toward homosexual couples. Furthermore, recent cases of the European Court of Human Rights have only created confusion by continuing to tie "parental function" to the sexual identity of the applicant. The authors argue that the example put forward by many members of the European Union and parts of North America should be followed. These jurisdictions have been attentive to treating the child and the couple equally and to taking a pragmatic approach to the question of parenting. In this, they tend to move toward a non-discriminatory approach to homosexual couples who want to adopt. The trends in these countries will, the authors hope, lead to a reversal in the direction of the jurisprudence of the European Court of Human Rights.

D'ordinaire correspondantes, logique juridique et verite factuelle ne s'accordent pas toujours. Dans certains cas, le droit va meme jusqu'a contredire les faits. L'exemple de la filiation illustre bien cette divergence: l'idee juridique de la filiation, loin de correspondre a la notion biologique de la reproduction, reflete une manifestation de la volonte et non simplement l'engendrement. Etant donne la flexibilite du droit, il est donc legitime de s'interroger sur les conditions s'appliquant a l'adoption et plus particulierement encore, sur l'identite de l'adoptant. L'administration et la justice considerent que l'homosexualite de ce dernier constitue un obstacle a son projet parental.

Apres un apercu historique sur la place de l'adoption dans le droit commun de la filiation et du droit actuel en France, force est de constater qu'aucune justification ne semble venir expliquer cette reticence du droit envers les couples homosexuels. De plus, les arrets recents de la Cour europeenne des droits de l'Homme, ne sement que plus de confusion dans leur obstination a rattacher la <> a l'identite du sexe du requerant. Pourtant, les auteurs arguent qu'il est souhaitable de suivre l'exemple de plusieurs pays membres de l'Union europeenne et de juridictions nord-americaines qui, soucieux a la fois de l'egalite envers le couple et les enfants et d'une approche pragmatique de la question parentale, tendent vers une evolution a l'approche non-discriminatoire envers les couples homosexuel s jusque dans l'adoption. Cette direction laisse augurer un revirement de jurisprudence de la Cour europeenne des droits de l'Homme attendu et souhaite.

Introduction I. Definition juridique vs. realite factuelle A. Le droit, un outil flexible B. Quelle importance de l'identite du candidat? II. Pratiques et roles de l'adoption dans le droit commun de la filiation A. Apercu historique B. L'etat actuel du droit en France C. Emergence sociale d'une <> III. Le refus du Conseil d'Etat A. Controle administratif B. Effet des lois bioethiques C. Critique de la decision de la CEDH IV. L'incidence de la decision europeenne sur la jurisprudence du Conseil d'Etat V. La situation internationale Conclusion Introduction

La figure de l' adoption constitue un exemple paradigmatique du rapport entre la logique juridique et la verite factuelle. Il s'agit cependant d'un cas parmi d'autres. La notion de personne morale, la presomption de paternite, les biens immeubles par destination, la declaration d'absence etc. constituent chacune des realites juridiques fondees sur des postulats qui trouvent leur legitimite dans une <>, fruit d'une deliberation democratique. En effet, la loi en decide ainsi parce qu'elle s'accorde a considerer que l'ecart des faits reels sert a quelque chose de plus important (la paix des familles, la transmission des biens, l'equite, l'assignation d'une responsabilite) que la pure verite factuelle. Le droit peut meme s'opposer a la verite biologique et institutionnaliser un <>. Il en va ainsi de l'empechement d'etablir une double filiation lorsque l'enfant est issu d'une relation incestueuse (1) ou encore de l'impossibilite de creer un lien de filiation a l'egard d'un tiers donneur de sperme lorsque le couple recourt a l'assistance medicale a la procreation (2). Autrement dit, le droit en tant que science normative qui traite des objets de l'univers du devoir etre ne se trouve pas determine par les contingences de l'univers de l'etre (par exemple les lois de la biologie ou de la physique) (3).

  1. Definition juridique vs. realite factuelle

    1. Le droit, un outil flexible

      L'idee juridique de filiation ne se confond pas avec la notion biologique de reproduction. En effet, la dissociation entre engendrement et filiation permet de tracer une ligne de partage entre deux situations qui ne se superposent pas necessairement. Dans le cas d'un conflit entre ces deux dimensions, le droit en fait toujours prevaloir une : l'institution juridique de la filiation. La dimension culturelle cristallisee dans la norme juridique ne peut rejoindre la materialite determinee par le biologique car le droit n'a pas comme fonction de transcrire une realite supposee s'imposer a lui. L'accouchement sous X (4) et l'adoption representent, en ce sens, deux exemples fort significatifs. Dans le premier cas, une femme, malgre sa qualite de genitrice et nonobstant l'accouchement, n'a pas le statut de mere. Dans le second, l'adoptant devient parent tout en etant completement etranger a la <> genetique et a la gestation de l'enfant. Ce n'est pas une contrainte naturelle qui noue le lien entre l'adulte et l'enfant mais une manifestation de la volonte.

      Cette independance du droit par rapport au fait permet au premier d'organiser un regime familial en fonction d'une logique relativement autonome. Certes, les faits peuvent etre a l'origine d'un lien juridique, mais encore faut-il que cette situation soit prevue par la loi. Ainsi, la possession d'etat (5) et l'action en recherche de paternite (6) permettent de construire un lien familial et surtout, en cas de conflit de filiation, prevalent sur le lien de parente anterieurement etabli par declaration. Il est necessaire de preciser que dans le cas de l'action en recherche de paternite et de maternite, si la possession d'etat vient confirmer la volonte preexistante de considerer l'enfant comme etant le sien (7), la realite biologique peut s'imposer et ce, meme contre la volonte du geniteur (a supposer qu'elle soit introduite dans les delais prescrits par la loi) (8).

      Cependant, la realite factuelle est plutot mobilisee par le droit pour assigner une filiation paternelle que maternelle. En effet, l'exception de l'accouchement sous X ou encore de l'art. L2212-1 du Code de la sante publique qui fait de l'interruption volontaire de la grossesse un droit subjectif de la femme, meme contre la volonte du mari, montrent bien l'existence d'une dissymetrie entre la volonte feminine et la contrainte <> masculine (9). Celle-ci est particulierement frappante dans le cas d'une contestation de paternite par laquelle la mere peut, apres dissolution du mariage et a condition de se marier avec le geniteur, remettre en cause la filiation acceptee par son ancien mari, meme si ce dernier savait qu'il n'etait pas le geniteur (10). Ces exemples montrent que des situations biologiques identiques ont des effets differents sur le plan juridique : l'engendrement ne fait pas necessairement une mere, mais il suffit pour designer le pere (11) ; et ceci non pas comme la consequence d'un fait quelconque de la nature, mais bien par la simple volonte de la loi.

      Le droit peut construire ces verites sans se soucier des formes donnees par la nature ; il peut meme ignorer les donnees biologiques et genetiques. Ainsi, l'adoption pleniere permet de creer un lien de filiation ex nihilo entre une personne seule et un enfant. Juridiquement, l'enfant est donc issu d'un parent (homme ou femme) et non pas de deux gametes (spermatozoide et ovule). S'il ne nie pas cette realite, le droit l'efface au profit d'une declaration de volonte validee par le juge. De meme, dans le cas de l'assistance medicale a la procreation avec don de gamete, la loi interdit d'etablir un lien de filiation entre l'auteur de ce don et l'enfant a naitre. Dans le premier exemple, le droit denie la biologie. Dans le second, il tente de l'imiter en cachant soigneusement la verite de l'engendrement.

      Le droit jouit donc d'une enorme flexibilite au moment d'assigner un enfant a un couple ou a un individu. Ainsi, avec l'adoption monoparentale, la loi permet de construire un lien de filiation sans reference a la double assignation maternelle et paternelle, tel que le voudrait l'ordre biologique. De meme, la norme juridique ignore certains caracteres de l'adoptant. Peu importe que celui-ci soit francais ou etranger, qu'il soit athee ou croyant, qu'il soit homme ou femme, la loi reclamera seulement que l'adoptant offre des garanties objectives sur le plan educatif, familial et psychologique assurant sa capacite a elever un enfant (12).

    2. Quelle importance de l'identite du candidat?

      Malgre le refus de la loi a definir a priori l'identite du candidat adoptant, l'administration et la justice considerent que son homosexualite constitue un obstacle a son projet parental. Si certains Conseils generaux et certains tribunaux administratifs permettent l'adoption d'un enfant independamment de l'orientation...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT