Les discours du Trone de l'Ontario vus par le prisme des mass media.

AuthorCairns, James

L'article présente les points saillants d'une étude plus globale sur l'évolution de la couverture médiatique consacrée à la cérémonie d'ouverture de la législature ontarienne, au XXe siècle. La première section résume les limites des méthodes traditionnellement employées pour couvrir l'inauguration des sessions parlementaires. La deuxième section décrit l'évolution observée dans l'approche et la description journalistiques des séances inaugurales, au fil du siècle dernier. Enfin, la dernière section tire des conclusions générales sur les institutions parlementaires et la culture politique.

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Les chercheurs en communication du Canada ont observé depuis longtemps que << les médias façonnent notre environnement psychique, spécialement quant aux sujets qui débordent notre expérience personnelle directe, un champ qui recouvre la plupart des aspects de la chose politique >> (1). Le sociologue britannique John B. Thompson emploie l'expression << publicitude médiatique >> pour mettre en lumière les façons dont les moyens de communication tels que les journaux, la télévision et Internet instillent un sentiment d'expérience commune parmi des observateurs politiques distants et diversifiés (2). De toute évidence, les mass media jouent un rôle clé dans la manière dont les gens se perçoivent comme faisant partie de communautés politiques élargies. Mais, comme l'implique l'expression utilisée par Thompson, il importe de se rappeler que les médias non seulement véhiculent une information politique, mais aussi contribuent à forger les schèmes mêmes de compréhension de la réalité politique. Cette idée est centrale au champ d'étude parlementaire, parce qu'elle laisse entendre que les fonctions de création de la réalité exercées par les médias de masse sont à la fois dépendantes et révélatrices d'une compréhension commune de la signification des institutions politiques.

Approches standard des séances inaugurales

Au Canada, les interprétations données à l'inauguration des sessions législatives sont conceptuellement limitées par une prédisposition à appréhender l'événement comme une activité exclusivement parlementaire. Dans les rares études consacrées à ce thème, l'ouverture est habituellement décrite comme s'insérant dans l'administration du Parlement, dans les fonctions cérémonielles de la Couronne ou dans le programme d'action (explicite ou caché) du gouvernement. Les ouvrages de science politique adoptent le même angle en interprétant l'ouverture comme le début d'une nouvelle session législative, comme une commémoration de l'héritage britannique du Canada ou comme une énumération des orientations proposées par le gouvernement.

Il n'y a donc pas lieu de se surprendre de l'abondante représentation des questions parlementaires dans les ouvrages savants. Les ouvertures de session sont une affaire parlementaire, mais est-ce tout ce qu'elles sont? Considérant les trois perspectives selon lesquelles les politologues envisagent habituellement le rituel de la vie citoyenne, il devient apparent qu'un élément a été constamment évacué du débat : le peuple. L'événement représente une promesse d'activité politique parlementaire, tant littéralement que figurativement. Mais comment l'affaire prend-elle vie hors des murs du Parlement? La question n'est jamais posée. Même si les citoyens ne constituent pas l'unique auditoire de l'ouverture, ils n'en représentent pas moins un auditoire important, peut-être pas par règle mais certainement par convention. Oø se situe la population par rapport à l'ouverture des sessions législatives?

Les ouvertures vues par le prisme des mass media

<< Pour la majorité des citoyens vivant dans une société de masse comme le Canada, le principal lien constant qu'ils entretiennent avec leurs leaders et leurs institutions passe par les mots, les sons et les images que véhiculent les mass media (3). >> Ainsi, en pratique, la signification des ouvertures parlementaires pour les citoyens correspond à la couverture médiatique de ces inaugurations. Comment la signification des ouvertures des législatures ontariennes a-t-elle été présentée dans les grands journaux entre 1900 et 2007 (4)?

Dans les quatre premières décennies du XXe siècle, les journaux dépeignaient la cérémonie comme telle--la scène et son contexte à Queen's Park--comme la caractéristique saillante du processus d'ouverture.

En plus de respecter des obligations constitutionnelles, l'ouverture était perçue comme << un événement mondain, oø de simples hommes d'État siégeaient dans l'obscurité des banquettes arrières [...] pendant que la société s'ébaudissait. Et la société s'en donnait à coeur joie (5)! >> L'entassement de la foule, les toilettes flamboyantes des invités et la solennité de la procession royale étaient présentés comme des exemples de la richesse et de la prospérité de l'Ontario. Ainsi, en 1905, le Toronto Star interprétait la << scène à l'intérieur de la chambre >> non seulement comme la confirmation de la capacité de l'élite sociale à organiser une fête, mais comme << une preuve indiscutable [...] du caractère prospère et progressiste de l'Ontario >> (6).

Habituellement, les articles de presse étaient structurés chronologiquement. Ils commençaient par décrire l'arrivée des spectateurs à l'Assemblée législative (beaucoup venant s'installer dans les tribunes publiques de trois à cinq heures avant le prononcé du discours du Trône), puis le spectacle de la procession officielle, ensuite le déroulement des procédures administratives et le discours du Trône comme tel, enfin le thé d'après-discours qui était habituellement organisé dans les appartements du lieutenant-gouverneur. La cérémonie était présentée comme revêtant une importance particulière pour les femmes, puisque, avant 1944, elle constituait, pour ces dernières, l'unique occasion légitime de prendre place sur le parquet de l'Assemblée législative ontarienne. Même après l'élargissement du droit de vote en 1917, la présence féminine à l'ouverture de la session méritait une mention dans les journaux : en 1925, par exemple, on pouvait lire qu'une << vue de la tribune révélait un millénium féministe, la transformation d'un parlement d'hommes en un parlement de femmes >> (7). Les pages féminines des journaux...

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