Droit federal du mariage.

AuthorStevenson, Ronald C.

Ronald C. Stevenson est juge a la retraite de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick et ancien greffier (1960-1966) de l'Assemblee legislative du Nouveau-Brunswick. Depuis sa retraite, il est agrege de recherche honoraire de l'Ecole de droit de l'Universite du Nouveau-Brunswick.

Toutes les societes et les religions se sont donne des regles qui interdisent le mariage entre personnes ayant certains liens familiaux. En general, les prohibitions frappent les personnes etroitement liees par consanguinite (parents par le sang) ou par affinite (parents par alliance). Depuis 1867, le Parlement a adopte cinq lois d'interet public et onze lois d'interet prive pour autoriser le mariage de couples qui demandaient une exception au droit public. Les projets de loi prives, adoptes entre 1975 et 1984, ont conduit a un examen du droit, qui a abouti a l'adoption en 1990 d'une loi ou la prohibition est redefinie. Le present article retrace l'evolution du droit du mariage et le declin de l'influence de la religion sur les attitudes face au mariage.

Avant la Confederation, le droit des provinces de common law emanait du droit anglais. Les categories de couples interdites de mariage - ou pretendument interdites - etaient celles qui figuraient dans une table publiee par l'archeveque Parker dans une admonition de 1563, adoptee par l'Eglise d'Angleterre comme le Canon 99 en 1603 et annexee au Livre des prieres en 1662.

Au Quebec, les mariages interdits etaient definis dans le Code civil de 1866. L'interdiction pour un homme d'epouser la soeur de sa femme defunte a fait l'objet d'un debat depuis au moins le XVIIe siecle. (1)

Apres la Confederation, la premiere tentative pour reviser la legislation canadienne date du 25 fevrier 1880, lorsque le depute de Jacques-Cartier, M. Girouard, a presente un projet de loi proposant de rendre legal et valide le mariage entre un homme et la soeur de sa femme defunte, ou entre une femme et le frere de son mari decede. Ce qui a pousse M. Girouard a prendre cette initiative, c'est la demande qui lui avait ete faite par une femme qui avait epouse le frere de son mari decede. Des enfants etaient nes des deux mariages. Le pere avait substitue ses nombreux biens au profit de ses enfants legitimes. La femme voulait savoir si les enfants nes de son second mariage etaient exclus. Aux termes du Code civil, ce mariage etait tout a fait nul et non avenu. Le projet de loi a ete assez longuement debattu en deuxieme et troisieme lectures et en comite plenier. En deuxieme lecture, une motion de renvoi a ete defaite par 140 voix contre 19.

Le 21 avril, le senateur Ferrier a depose un projet de loi a la Chambre haute. En proposant la deuxieme lecture, il a dit que:

<> et que le projet de loi la liberera des incapacites que lui impose le droit ecclesiastique non biblique qui a force de loi, specialement dans le code de jurisprudence de la province de Quebec [...] L'Eglise catholique romaine accorde une dispense a ceux de ses fideles qui souhaitent epouser une belle-soeur, mais leurs enfants demeurent frappes par les incapacites du droit civil [...] Les protestants ont la loi d'airain des alliances, renforcee par les eveques, qui n'a aucun fondement dans la Bible.

Le senateur Dickey proposa une nouvelle motion de renvoi du projet de loi <>. Le 28 avril, le projet de loi a rendu l'ame lorsque la motion de renvoi aux calendes grecques a ete adoptee par 33 voix contre 31.

Deux ans plus tard, M. Girouard deposait un nouveau projet de loi a la Chambre, qui devait permettre a un homme d'epouser la soeur de sa femme defunte, mais pas l'inverse. M. Girouard a explique que le projet de loi visait plutot a abroger des lois qu'a rendre ces mariages legaux. Le texte avait ete modifie dans le but d'obtenir des appuis. Le projet de loi a ete adopte en deuxieme lecture, sans debat, par un vote de 137 a 34.

La meme annee, le depute de North York, M. Strange, a presente deux motions visant a elargir le projet de loi pour permettre les mariages avec le frere du mari decede. La premiere a ete battue a la majorite, et la seconde, par un vote de 87 a 49. Apres avoir approuve des amendements mineurs proposes par le comite plenier, la Chambre a ensuite adopte le projet de loi en troisieme lecture.

Le lendemain, le senateur Ferrier a depose le projet de loi au Senat. Apres trois jours de debat, une motion de renvoi a six mois, proposee par le senateur Bellerose, a ete defaite par 40 voix contre 19. Le 13 avril, le comite plenier a ete saisi du projet de loi et en a fait rapport sans amendement. Le texte a recu la sanction royale le 17 mai. (2)

Bien que son nom soit absent des debats, le cas de sir Alexander Tilloch Galt a pu influencer le cours des choses.

Pere de la Confederation et premier ministre federal des Finances, Alexander Galt est devenu le premier haut-commissaire du Canada a Londres en 1880. En 1848, il avait epouse Elliott Torrance, qui devait mourir a la suite de la naissance de leur enfant unique le 24 mai 1850. En 1851, Galt epousait la soeur cadette d'Elliott, Amy Gordon Torrance. Le mariage a eu lieu a New York, etant donne l'interdiction au Canada d'epouser la soeur de sa femme defunte. Lorsque sir Alexander est devenu haut-commissaire, il semblait bien que lady Galt ne pourrait etre recue a la cour en raison de cette interdiction. Le prince de Galles, qui appuyait a la Chambre des lords les tentatives pour faire modifier la loi, est intervenu aupres de la reine Victoria et il a ete convenu que lady Galt serait presentee a la cour. Il semble toutefois qu'elle n'ait pu etre presentee en raison du deuil qu'elle observait suite au deces d'une autre de ses soeurs. (3)

En 1890, le Parlement a revise la loi de 1882, (4) en y ajoutant entre autres un article abrogeant toutes les <>. En deposant le projet de loi au Senat, le senateur Almon a affirme qu'il etait du devoir du Parlement de supprimer <>. Le senateur Power, pour sa part, s'est demande pourquoi le projet de loi ne s'appliquait pas aussi bien a la fille du frere de la femme defunte qu'a la fille de sa soeur. Il n'a pas obtenu de reponse satisfaisante a...

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