Les enfants, les incapables et la genetique.

• Author: Leroux, Therese

Les auteurs examinent la protection juridique que le droit canadien accorde actuellement aux enfants et aux incapables, dans la mesure ou l'integrite physique de ces personnes peut etre mise en cause par l'experimentation ou le trap tement medical. Plus precisement, ils tentent de determiner si certaines therapies geniques peuvent etre assimilees a l'une ou l'autre de ces formes d'intervention. Au plan du droit international, les auteurs constatent que le principe de l'inviolabilite de la personne est mis en oeuvre par de nombreux documents, dont la Declaration d'Helsinki et la Declaration Universelle des droits de l'homme. Par ailleurs, la Charte canadienne des droits et libertes consacre diverses formes de protection que pourrait invoquer un enfant ou un incapable qui serait soumisa a une intervention medicale sans son consentement. Les auteurs se livrent egalement a une Etude des dispositions contenues an Code eriminel pour terminer par un examen minutieux des textes legislatifs provinciaux qui reglementent l'experimentation, la transplantation et le traitement medical. Les auteurs en arrivent a la conclusion que le droit doit continuer de refleter l'equilibre que notre societe cherche a atteindre entre l'avancement des connaissances scientifiques et une protection efficace de ses membres les plus vulnerables.

The authors analyze the legal protection available in Canada to children and incapables where their physical integrity is affected by medical experiments or treatment. The authors are particularly interested in exploring the extent to which genetic techniques may be incorporated into the established categories of medical treatment and experimentation. On an international level, the authors note that the notion of the inviolability of the person is central to the protection of the person in the medical context, and explore this notion in the Helsinki Declaration, the Universal Declaration of Human Rights, as well as other documents. At the domestic level, the Canadian Charter of Rights and Freedoms provides various forms of protection which could be invoked by a child or an incapable who is subjected to a medical treatment without his or her consent. The authors also examine the relevant Criminal Code provisions, and undertake a detailed study of provincial legislation dealing with medical experiments, transplants, and treatment. In their conclusion, the authors discuss the need for Canadian society to face the challenge of balancing the promotion of scientific progress with the need to protect the rights of some of its most vulnerable members.

Sommaire Introduction A. Concepts seientifiques 1. Notions generales de genetique humaine 2. Maladies et anomalies genetiques a. Le concept de pathologie genetique b. Les expressions de la pathologic genetique 3. Moyens de lutte contre les anomalies et les maladies genetiques B. Concepts juridiques 1. Principe de l'inviolabilite de la personne 2. Notion de consentement La protection juridique accordee aux enfants et aux incapables A. Le droit international 1. L'experimentation et la transplantation chez l'enfant et chez l'incapable 2. Le traitement medical de l'enfant et de l'incapable B. Le droit constitutionnel 1. La liberte de conscience et de religion 2. La liberte d'association 3. Le droit a la vie, a la liberte et a la securite 4. Les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives 5. Les traitements ou peines cruels et inusites 6. Le droit a l'egalite 7. L'article 1 de la Charte C. Le droit criminel 1. La protection de l'integrite physique de la personne et l'experimentation 2. La protection de l'integrite physique de la personne et le traitement medical D. Le droit provincial 1. L'experimentation 2. Le don de tissus entre vivants et la transplantation 3. Le traitement medical E. Les lignes directrices canadiennes Conclusion Introduction

Le developpement considerable que connait la genetique depuis la revelation par Watson et Crick de la structure fine de I'ADN (1) (acide desoxyribonucleique) a ouvert a la medecine d'immenses horizons. Les techniques de l'ingenierie genetique, qui desormais autorisent l'homme a intervenir au niveau des structures geniques de l'individu, permettent tout a la fois d'elaborer de nouvelles molecules therapeutiques (2) et de mieux comprendre, d'identifier et de depister les alterations genetiques dont les patients peuvent ou pourront souffrir. Dans un avenir proche, les medecins prevoient la possibilite de remplacer les genes deleteres par des genes sains dans le genome meme du patient : la therapie genetique en est a ses premiers essais (3). Les praticiens evoquent enfin la possibilite de determiner les susceptibilites d'un individu en raison de ses caracteristiques genetiques : la genetique devient predictive.

Les anomalies et les maladies genetiques apparaissent des lors comme l'un des objets majeurs de la recherche medicale contemporaine. Les possibilites techniques dont nous avons fait mention viennent apporter leur concours, au surplus, a une politique de sante qui tend vers une plus grande sujetion economique, et assurent aux procreateurs la securite qu'ils recherchent de plus en plus dans la procreation. En effet, les maladies et anomalies genetiques, a cause des handicaps souvent graves par lesquels elles s'expriment, representent un poids considerable dans les depenses de sante. Que l'on songe que cinq a sept pour cent des nouveaux-nes en sont atteints, et que ces anomalies ou maladies genetiques sont responsables d'une grande pattie des avortements spontanes. La reduction du nombre de tels handicaps devient donc un objectif de politique sanitaire. En outre, les parents, du moins dans les pays les plus industrialises ou le taux de natalite est bas, acceptent plus difficilement que jadis la naissance d'enfants souffrant de maladies genetiques incurables. De ce fait, ils sont en general prets a utiliser une politique de choix de reproduction qui se traduit par le recours aux depistages prenatals et aux avortements therapeutiques.

Les enfants et les incapables sont au coeur de cette problematique. La plupart des maladies ou des anomalies genetiques vont etre depistees et se developper dans les premieres semaines ou les premieres annees de l'existence. Si l'enfant survit, les deficiences dont il pourra rester atteint feront de lui un incapable de fait ou de droit. Les interventions therapeutiques seront tentees sur eux, pour les memes raisons, par priorite (4). Par ailleurs, l'etude des maladies et des anomalies genetiques, tant a l'echelon individuel que dans le cadre d'une politique epidemiologique, exige le recours a des enquetes familiales et le recueil de donnees medicales ou d'echantillons biologiques aupres de tousles individus concernes. La conduite de ces enquetes aupres d'enfants ou d'incapables suscite des problemes specifiques en raison de l'etat de vulnerabilite dans lequel ils se trouvent. Plutot que d'examiner le seul cas des incapables au sens juridique du terme, c'est-a-dire les personnes ne jouissant pas de la pleine capacite juridique, tels les mineurs et les majeurs proteges, nous nous sommes attaches au sort plus general des individus presentant des faiblesses qui sont constitutionnelles ou psychologiques, passageres ou permanentes, dues a l'age ou d'origine pathologique et qui les placent dans un etat de dependance, d'inferiorite et de vulnerabilite tel qu'on puisse craindre que leurs droits soient trop aisement violes (5) ou qu'ils ne donnent un consentement parfaitement eclaire et libre aux actes dont ils peuvent etre l'objet. Nous examinerons la situation de tousles enfants, quels que soient leur niveau de discernement ou leur aptitude a consentir a un traitement medical et ce, de la naissance a l'age de la majorite Les incapables dont nous parlerons, sont ceux que des regimes juridiques protegent specialement (incapables de droit) comme ceux qui n'en beneficient pas, mais qui se trouvent, au moment des faits, dans un etat d'incapacite tel qu'ils doivent beneficier d'une protection adaptee (incapables de fait).

La presente etude va s'attacher a examiner le droit applicable a ces personnes plus particulierement dignes de protection dans le cadre de programmes de prevention et de traitement des maladies et des anomalies genetiques. Les regles juridiques contemporaines sont-elles appropriees et suffisantes pour leur conferer une protection idoine dans toutes les hypotheses ?

Les textes legislatifs ne font pas expressement reference a la genetique humaine et a ses retombees au sein de la population. Ainsi, nous devons, tout au long de cette etude, proceder par analogie et extrapolation a partir de ce qui est prevu pour l'experimentation, la transplantation et les soins. En effet, la therapie genique peut etre assimilee tour a tour a ces acres medicaux. Compte tenu des connaissances scientifiques actuelles, certaines de ces therapies sont qualifiees d'experimentales et visent a mettre en oeuvre des manipulations comparables a des transplantations. Ces nouvelles techniques pourront eventuellement faire pattie de l'arsenal offert a la pratique medicale et alors, elles seront sans doute assimilees a des soins (6). Par consequent, il est essentiel d'examiner la protection juridique dont jouissent les enfants et les incapables en regard de ces divers acres medicaux, et de determiner dans chaque cas si le traitement genetique envisage est assimilable a l'une ou l'autre de ces formes d'intervention.

Ainsi, notre etude se concentre essentiellement sur les acres medicaux qui englobent a la fois l'experimentation, la transplantation de meme que les traitements et soins usuels. Malgre l'interet et l'importance indeniables que revet la problematique de l'acces aux dossiers et a l'information genetique, nous n'abordons pas ce sujet qui merite une Etude particuliere. De plus, l'analyse du statut juridique du materiel genetique est exclue a cause de l'ampleur de cette question et parce qu'elle...