Introduction aux enjeux de gouvernance qui se posent a la Chine et a Hong Kong.

AuthorDeGolyer, Michael

En octobre 2010, on soulignera le 40

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Les autorités centrales de la République populaire de Chine (RPC) sont frileuses face à l'idée de fédéralisme, ne serait-ce que dans des discussions. Les personnes qui, en Chine, préconisent le fédéralisme comme solution de la complexité des relations ethniques et régionales du pays se sont, plus d'une fois, exposées au soupçon officiel, qui veut que le fédéralisme soit synonyme d'affaiblissement et de division du pays. Les responsables ont constitué un extraordinaire arsenal de lois afin de combattre ce qui leur paraît être l'intention de miner la domination du gouvernement central et du Parti communiste. Les lois contre la trahison, la sécession, la sédition, la subversion, le vol de secrets d'État et le fait de frayer avec des organes politiques étrangers, et surtout de se laisser contrôler par eux, sont l'objet d'une large interprétation et appliquées avec célérité pour écraser tout signe de ce que les cadres du Parti communiste considèrent comme des tentatives de division de l'État unitaire et unifié de Chine. La subversion de l'État unitaire et la sécession de l'État unifié sont des accusations graves en RPC. Ce sont des délits auxquels on donne une large acception, qui sont réprimés sans retard et, souvent, entraînent un long emprisonnement, voire la peine capitale. Les chercheurs et toute autre personne qui étudient ou, pire encore, préconisent le fédéralisme ont tout intérêt à faire preuve de circonspection, surtout s'ils sont en territoire chinois.

En dépit des dénégations publiques tendant à souligner que la Chine ne pratique pas le fédéralisme sous quelque forme que ce soit, des chercheurs ne vivant pas en Chine, comme Zheng Yongniant, de l'Université nationale de Singapour, peuvent plaider en faveur du fédéralisme en Chine, et ils le font effectivement. Il fait valoir qu'en vérité, la Chine se gouverne elle-même, d'un point de vue comportemental, comme un État fédéraliste de facto. Les réformes de Deng Xiaoping, par suite de sa réécriture de la constitution chinoise, en 1982, ont décentralisé de nombreuses responsabilités, encore que,. fait crucial, elles n'aient pas guère délégué de pouvoirs en bonne et due forme ou découlant de dispositions de la constitution. Les responsables provinciaux ont conçu des moyens d'obtenir un degré considérable de domination locale face aux préférences du pouvoir central, voire à ses diktats. L'ampleur de la marge de manoeuvre des provinces a incité certains chercheurs, dont Gregory Fuller, à utiliser un concept de fédéralisme portant des atours plus colorés, à savoir > pour décrire l'apparente incapacité du gouvernement central à forcer les provinces à se conformer aux règles commerciales de l'OMC. Ces chercheurs, et d'autres de leurs collègues et militants qui ne vivent pas en Chine continentale, n'hésitent pas à adopter des concepts voisins du fédéralisme pour décrire à la fois les pratiques réelles et théoriques dans la gouvernance de la Chine.

Yang Dali, chercheur vivant aux États-Unis, rejette de manière beaucoup plus convaincante, toutefois, les notions de toute forme de fédéralisme nominal (2). Selon lui, la meilleure description que l'on puisse donner de la pratique actuelle est celle d'élites cherchant à imposer des limitations juridiques au pouvoir des responsables à la fois provinciaux et centraux. À ces élites, comme l'a montré Jerome Cohen (3), s'adjoignent des gens ordinaires qui, dans une tentative considérable et croissante, visent à rappeler à l'ordre les cadres locaux en invoquant les lois du gouvernement central contre les entorses locales à ces règles. La population locale n'est pas seule à recourir aux tribunaux pour contraindre les cadres locaux à respecter la loi. Le fait que les tribunaux du gouvernement central affirment leur suprématie sur les tribunaux des provinces (ce qui a été tenté pour la première fois en 2003) constitue moins une forme de pratique fédérale de facto (quoique certainement de jure dans sa nature) qu'un moyen par lequel des cadres communistes du gouvernement central régularisent, institutionnalisent et légalisent leur suprématie sur les actions des cadres provinciaux du Parti. Il s'agit, pour l'essentiel, d'une affirmation de contrôle sur la corruption de cadres par l'intermédiaire d'institutions gouvernementales plutôt que, comme cela s'est fait par le passé, exclusivement par l'entremise de procureurs du Parti communiste. Cela correspond davantage à la politique chinoise qui consiste à développer le gouvernement par la loi, bien qu'il ne s'agisse pas encore, à n'en pas douter, de la primauté du droit. Le pouvoir officiel des tribunaux du gouvernement central sur les responsables des gouvernements provinciaux n'a pas encore été établi et se heurte fréquemment à des manoeuvres politiques à l'intérieur du Parti et à des rivalités entre factions.

Cette forme de gouvernement intermittent par la loi peut être considérée comme étant davantage une forme de renforcement des capacités institutionnelles qu'une forme de fédéralisme. Néanmoins, les exemples ne manquent pas, dans la pratique et dans l'histoire de la Chine, qui incitent à se poser des questions sur le fédéralisme soit comme une solution aux problèmes du pays en matière de gouvernance et à l'agitation de provinces comme le Tibet ou le Xinjiang, soit comme une méthode d'interprétation afin de mieux comprendre en particulier ses relations complexes avec les régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao et avec la région administrative encore plus spéciale (et encore plus autonome) de Taïwan, qui a été proposée.

Certes, d'aucuns pourraient recommander le fédéralisme comme solution à certaines des difficultés intérieures du pays au chapitre des provinces, mais cela n'a certainement pas facilité la discussion de ces questions que des chercheurs liés au gouvernement tibétain en exil aient prôné un modèle fédéral se rapprochant davantage d'une confédération assez souple que d'un fédéralisme fort de type américain. Les responsables chinois ont estimé que cette idée et, avec elle, toute autre forme de fédéralisme, ne faisait que voiler à peine l'option de l'indépendance du Tibet. Ils semblent très résolus à empêcher tout concept ou toute pratique de ce type de s'enraciner dans, et ils insistent là-dessus, ce qui est un État unitaire gouverné par un droit civil promulgué par les autorités du gouvernement central et par des institutions comme le Congrès national du peuple (CNP). Mais, comme le savent les experts du fédéralisme, le Royaume-Uni est aussi, techniquement, un État unitaire qui n'a délégué que récemment des pouvoirs limités aux assemblées locales. Estil possible que les deux régions administratives spéciales de Macao et de Hong Kong pratiquent quelque chose ressemblant à la version du Royaume-Uni de relations quasi fédérales avec les autorités centrales? En d'autres termes, alors que le Parlement continue d'affirmer sa suprématie sur tous les organes subsidiaires et conserve donc le droit de supprimer ou de réformer ceux-ci à tout moment, dans la pratique et en vertu d'un accord écrit, certains droits et privilèges sont exercés par des organes régionaux élus disposant d'un degré élevé d'autonomie.

Dans le cas précis de fédéralisme de facto mis en oeuvre en Chine, celui de Hong Kong, Peter T. Y. Cheung (4) arrive à la conclusion que >. Cheung laisse entendre, sans l'affirmer, que le > de Hong Kong (appellation qui décrit également le cas britannique) peut être tout à fait transitoire : la Déclaration sino-britannique de 1984 qui a jeté les bases du retour de la Chine se termine, concrètement, en 2047, avec la fin des > que le traité garantit. Rien ne garantit que la forme de relation limitée, ou encore embryonnaire, et très certainement asymétrique que Hong Kong entretient avec le gouvernement central se poursuivra au-delà de 2047. Il s'ensuit que le > de Hong Kong, si c'est de cela qu'il s'agit, est limité non seulement dans sa portée, mais également dans le temps.

Si une certaine controverse continue de faire rage à propos de la description des pratiques actuelles comme étant une forme de fédéralisme, des appels à la réforme, y compris une réforme comportant un fédéralisme réel et inscrit dans la constitution, se font entendre périodiquement. Toutefois, bon nombre des chercheurs et intellectuels chinois qui ont signé le manifeste intitulé >, qui réclamait, parmi bien d'autres choses, un système fédéral, sont maintenant en prison ou ont subi d'autres formes de châtiment. De ce fait, les chercheurs vivant sur le continent sont beaucoup plus circonspects lorsqu'ils discutent de ce concept. Ils nient explicitement qu'il s'applique soit à Hong Kong, soit à Macao. Et, tant et aussi longtemps que Taïwan pratiquera l'indépendance et que le Tibet la demandera dans ses prières, les chances que les responsables du gouvernement s'opposent moins vigoureusement au fédéralisme, et même à des discussions à ce sujet, demeureront minces.

Pourquoi le fédéralisme piétine : l'éclairage de l'Histoire

Une telle sensibilité à l'égard d'un concept d'autonomie régionale et de limites locales au pouvoir central est compréhensible. La Chine possède une longue tradition de guerres civiles récurrentes et d'invasions étrangères qui ont imposé des limites frustrantes aux autorités centrales. Il est certain que la revendication faite par la Grande-Bretagne, qui estimait détenir un bail sur les Nouveaux Territoires de Hong Kong, a considérablement entravé les autorités chinoises impériales, puis nationalistes et, plus tard encore, communistes à l'égard de ce qu'elles ont toujours estimé être un territoire faisant partie de la Chine. Voilà précisément pourquoi la Déclaration sino-britannique de 1984 comprend la mention que la Chine > à compter de minuit le 30 juin 1997. À son avis, il n'y a pas eu de > britannique, ni d'expiration d'un bail foncier légal, mais une décision souveraine des autorités chinoises de reprendre...

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