Les elections federales de 2006 et les candidats issus de minorites visibles : toujours pareil?

AuthorBlack, Jerome H.

Le présent article porte sur les candidats issus de minorités visibles qui se sont présentés à l'élection fédérale de 2006. Il vise, dans un premier temps, à fàire état de leur nombre en valeur absolue et de leur pourcentage de la population grandissante de minorités visibles. Un objectif plus global est de mettre les chiffres en contexte en les comparant à ceux d'élections précédentes et, en particulier, de l'élection de 2004, oø les candidats de minorités visibles ont été nettement plus nombreux. Un autre grand objectif consiste à jeter de la lumière sur le lien entre la sous-représentation de ces candidats et celle des députés de minorités visibles. A cette fin, l'auteur s 'intéresse aux différences entre les partis ainsi qu 'à la diversité et à l'avantage concurrentiel des circonscriptions oø ont été désignés les candidats de minorités visibles. Une des conclusions est qu 'il faut présenter plus de candidats de minorités visibles dans les circonscriptions relativement homogènes sur le plan ethnoracial.

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En avril 2008, Statistique Canada a publié les données du recensement de 2006 qui mesuraient la population issue de minorités ethniques et visibles au pays. Ces statistiques revêtent de l'importance, car on peut s'en servir pour faire le point sur la diversité des minorités au sein de l'élite politique par comparaison avec leur pourcentage de la population canadienne. Elles sont particulièrement utiles pour évaluer la représentation des minorités visibles, catégorie de minorités la plus distincte. On ne s'étonnera pas, à la lumière des récentes tendances de l'immigration au Canada, de voir que les membres de minorités visibles sont devenus beaucoup plus nombreux dans les cinq années écoulées après le recensement de 2001. En 2001, ils étaient un peu moins de quatre millions et formaient 13,4 % de la population; cinq ans plus tard, ils étaient plus de cinq millions, soit une proportion appréciable de 16,2 %. Qui plus est, la trajectoire démographique des minorités visibles se définit clairement par une croissance continue, ce qui signifie une proportion toujours grandissante de la population. Compte tenu de ces réalités démographiques actuelles et futures, il importe tout spécialement de déterminer si l'évolution des origines ethnoraciales de l'élite politique reflète bien les changements démographiques.

Le présent article se base sur les données du recensement de 2006 comme point de référence pour déterminer combien de membres de minorités visibles se sont portés candidats à l'élection fédérale de 2006 au nom des cinq principaux partis. Les candidats constituent un groupe d'étude tout trouvé parce qu'ils forment la pépinière de députés. Cette condition > revêt de l'importance pour les > traditionnels puisque, pour comprendre le pourquoi de leur présence limitée dans les rangs des députes, il faut d'abord remarquer (et par la suite expliquer) leur sous-représentation parmi les candidats. En outre, comme nous le montrerons, l'élection de 2006 offre un intérêt particulier, étant donné les changements qui s'étaient produits lors du scrutin de 2004.

La première section ci-dessous fait état de données fondamentales, c'est-à-dire du nombre et du pourcentage de candidats issus de minorités visibles qui ont brigué les suffrages en 2006. Elle commence toutefois par offrir un tableau plus complet des candidats en donnant les chiffres pour les élections qui ont eu lieu pendant la période de 1993 à 2004 et en présentant de l'information sur les membres de minorités visibles élus au Parlement. La section suivante met en relief le nombre de personnes qui, au sein des minorités visibles, ont formé l'équipe de candidats dans chacun des cinq partis. La différenciation des partis est utile pour l'examen des types de circonscriptions en cause. L'avant-dernière section porte, par conséquent, sur la diversité et l'avantage concurrentiel des circonscriptions. La conclusion, enfin, offre un résumé de la situation et une réflexion sur la corrélation entre les candidatures des membres de minorités visibles et leur sous-représentation au Parlement.

Députés et candidats issus de minorités visibles, de 1993 à 2006

En valeur absolue, les minorités visibles ont renforcé leur présence à la Chambre des communes au cours des récentes élections, mais elles n'ont pas réalisé de gains qui correspondent à leur poids démographique grandissant au pays. La section a) du tableau 1, qui présente des données tirées d'études antérieures sur les quatre élections générales tenues de 1993 à 2004, montre que les minorités visibles continuent d'être sous-représentés dans la députation (1). Ces chiffres nous rappellent que la tendance générale est à une faible hausse du nombre et du pourcentage de députés de minorités visibles. À l'élection de 2004, 22 candidats de minorités visibles, chiffre record, ont obtenu 7,1% des sièges de la 38e législature. Or, le calcul de leur représentation basé sur des repères démographiques -- le > obtenu en divisant le pourcentage de députés de minorités visibles par le pourcentage de membres de ces minorités au pays -- révèle peu de changements au cours de la période de I 1 ans. Le coefficient se chiffrait à 0,48 en 2004, comme en 1993, à toutes fins utiles. L'élection de 22 hommes et femmes en 2004 n'a pas permis aux minorités visibles de parvenir même à mi-chemin d'une entière représentation.

Ce progrès mitigé vaut aussi pour l'élection de 2006. D'une part, un autre record a été établi par l'élection de deux candidats de plus pour la 39e législature, les 24 députés formant 7,8 % des élus de la Chambre (2). D'autre part, ce résultat était encore trop mince pour faire plus que suivre la progression des membres de minorités visibles dans la population. D'après le pourcentage tiré du recensement de 2006 (16,2 %), il aurait fallu élire une cinquantaine de députés issus de minorités visibles pour que leur nombre soit démographiquement représentatif. Dans les faits, le coefficient de proportionnalité est resté le même qu'au début de la législature précédente.

La section b) du tableau 1 montre que la sous-représentation au Parlement > en réalité au niveau des candidats, bien que le déficit de candidats par rapport à la population soit différent. Ici aussi, les données sur les élections de 1993 à 2004 proviennent de documents déjà publiés (3). Il ressort clairement du tableau que les candidats de minorités visibles étaient faiblement représentés parmi les candidats des principaux partis aux trois premières élections de cette période, soit...

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