La fiscalite locale au Quebec: de la cohabitation au refuge fiscal.

AuthorPremont, Marie-Claude

L'article propose une evaluation de l'equite de la fiscalite locale quebecoise dens une optique thematique et chronologique. L'auteur presente d'abord un historique du financement des instances locales au Quebec, qui revele qu'alors que les municipalites ont maintenu une importante autonomie, les sources de financement autonomes des commissions scolaires ont fortement diminue en importance. L'etude de la restructuration graduelle du partage du fardeau fiscal entre les particuliers et les entreprises au [XX.sup.e] siecle reve1e d'autre part que celle-ci a joue en faveur de l'entreprise. Cette restructuration s'est en grande partie effectuee a travers les reformes de la fiscalite locale de 1971 et 1979, qui oat pennis l'exemption par les municipalites de plusiears categories de biens industriels pourtant consideres comme immeubles par le droit civil.

Selon l'auteur, la restructuration en faveur de l'entreprise a ete de pair avec une augmentation de la part de l'assiette fiscale des municipalites aux depens des commissions scolaires, ainsi que l'apparition de <> sons forme de municipalites economiquement favorisees imposant des taux fonciers relativement has, d'exemptions particulieres pour des entreprises et de plafonnements d'evaluation pour certaines categories d'immeubles tels les terrains de golf. Les repercussions de cette restructuration se font sentir plus lourdement dans les municipalites et parmi les populations les plus demunies. L'auteur suggere que le nombre croissant d'exemptions et d'exonerations accordees certaines entreprises merite une etude plus approfondie, particulierement a l'heure ou cette technique de developpement economique prend des proportions inquietantes sans qu'on en connaisse les impacts a long terme sur les populations locales.

From a thematic and chronological perspective, the author attempts an evaluation of the fairness of local taxation in Quebec. She begins with an historical overview of the financing of local institutions, which reveals that while municipalities have retained significant autonomy, the sources for autonomous financing of school boards have diminished substantially. The study reveals that a gradual restructuring during the twentieth century reallocated part of the fiscal burden from businesses to individual taxpayers. Much of this restructuring was achieved through the two major reforms of local taxation in 1971 and 1979, which permired municipalities to exempt from taxation a number of categories of industrial property that were otherwise considered immovable by the civil law.

According to the author, the restructuring in favour of businesses was accompanied by an increase of the tax base of municipalities at the expense of school boards, as well as the appearance of "tax havens". These tax havens are discernible in the relatively low property tax rates of wealthy municipalities, tax exemptions for businesses, and valuation ceilings for certain types of land, such as golf courses. The effects of this restructuring are felt most heavily within the most economically disadvantaged populations and municipalities. The author suggests that the growing number of tax exemptions given to certain businesses deserve a more thorough study, particularly given that this technique of economic development is assuming worrying proportions while too little is known about its long-term impact on local populations.

Introduction

  1. L'autonomie financiere des instances locales quebecoises au cours du [XX.sup.e] siecle II. La repartition du fardeau fiscal entre particuliers et entreprises A. Chiffrer la restructuration du partage 1. La premiere serie de chiffres, de 1991 a 2000 2. La deuxieme serie de chiffres, de 1968 a 1975 3. La jonction des deux series de chiffres 4. La Communaute urbaine de Montreal (CUM) 5. Le test de la ville industrielle B. Expliquer la restructuration par la definition de l'immeuble imposable 1. La Loi des cites et villes et le Code municipal 2. La Loi sur l'evaluation fonciere 3. La Loi sur la fiscalite municipale C. Expliquer la restructuration par l'evaluation a la valeur reelle 1. La liberte d'action des municipalites 2. La fonction uniformisatrice des commissions scolaires 3. L'intervention du gouvernement central : le sens profond de la Loi sur l'evaluation fonciere III. Une cohabitation municipale et scolaire devenue genante A. La fiscalite municipale : une structure propice aux refuges fiscaux 1. Une solidarite feodale 2. Le refuge fiscal du terrain de golf 3. Le retour des exemptions et commutations de taxes B. La fiscalite scolaire : un rempart assiege 1. La perte d'emprise des commissions scolaires 2. La taxe sur les reseaux de distribution de telephone, gaz et electricite (TGE) 3. Les terres agricoles Conclusion A. Les arguments de l'entreprise B. La feodalite locale de ce debut de siecle C. L'etalement urbain : vole de secours a la segregation urbaine ? Liste des figures (tableaux et graphiques) Figure 1 L'autonomie financiere des municipalites et des commissions scolaires au Quebec de 1930 a 1998 ; Figure 2 La part de l'assiette fonciere du Quebec occupee par l'entreprise, de 1991 a 2000 ; Figure 3 La part de l'assiette fonciere du Quebec occupee par les trois principales sous-categories de l'entreprise, de 1991 2000 ; Figure 4 La part de l'assiette fonciere du Quebec occupee par le secteur residentiel, de 1991 a 2000 ; Figure 5 La part de l'assiette fonciere du Quebec occupee par les compagnies, de 1968-69 a 1974-75 ; Figure 6 L'evolution de l'assiette fonciere de l'entreprise au Quebec au cours des trente dernieres annees (1968-2000) ; Figure 7 L'evolution de l'assiette fonciere du secteur residentiel au Quebec au cours des trente dernieres annees (1968-2000) ; Figure 8 La part de l'assiette fonciere de la CUM occupee par l'entreprise, de 1972 a 1993 ; Figure 9 La part de l'assiette fonciere occupee par l'entreprise : comparaison entre l'ensemble du Quebec et la CUM ; Figure 10 La part de l'assiette fonciere occupee par l'entreprise dans six villes industrielles quebecoises, de 1968 a 1975 ; Figure 11 La part de l'assiette fonciere occupee par l'entreprise a Roberval, de 1968 a 1975 ; Figure 12 La part de l'assiette fonciere occupee par l'entreprise Alma, de 1968 a 1998 ; Figure 13 Le taux general de taxation municipale en 1998 en fonction de la valeur moyenne d'une residence unifamiliale pour un echantillon de dix municipalites de la CUM ; Figure 14 Le taux general de taxation municipale en fonction du revenu moyen des familles avec couple pour un echantillon de dix municipalites de la CUM ; Figure 15 Poids de la taxe fonciere sur le revenu des familles pour un echantillon de dix municipalites de la CUM ; Figure 16 Sommaire de la repartition de la taxe TGE sur les reseaux entre les commissions scolaires et les municipalites, de 1972 a 1976. Quand on est plusieurs a manger a la meme assiette, il est essentiel de s'entendre sur ce que chacun mangera.

    Monsieur Domiuique de la Martiniere (1)

    Introduction

    Derriere les debats d'inities entre fiscalistes se pose au premier plan la question de l'equite dans la repartition du fardeau fiscal entre les differentes categories de contribuables. La fiscalite locale, qui tient encore aujourd'hui une part importante au sein de la fiscalite globale quebecoise, n'echappe pas a cette regle. Puisque le quart des revenus fiscaux du Quebec est percu par les instances locales (2), toute reflexion quant a l'equite fiscale ne saurait validement escamoter cette scene locale, qui n'a malheureusement pas eu la faveur des auteurs au cours des dernieres decennies. Et pourtant, les complexites de la fiscalite locale n'ont rien a envier a celles de la fiscalite nationale ou internationale.

    On pourrait soutenir que la taxe fonciere est un impot qui releve d'une autre epoque, qui se caracterise par son caractere regressif et que le meilleur traitement que l'on pourrait en faire en ce debut de XXIe siecle serait de l'abolir tout simplement. Cependant, il faudrait alors discuter ouvertement de la source et des modalites de perception des 8,5 milliards de dollars qui se tariraient annuellement.

    L'equite globale d'un regime fiscal se caracterise d'abord par le poids relatif de trois categories d'impot : l'impot sur la richesse, l'impot sur le revenu et l'impot a la consommation. L'impot foncier, qui est l'une des formes les plus anciennes d'imposition, etait historiquement concu comme un impot sur la richesse, alors concentree dans la propriete immobiliere. Il est vrai que cette caracterisation de l'impot foncier a ete bouleversee dans la foulee de la revolution industrielle ou la richesse s'est graduellement deplacee vers les valeurs mobilieres. Cette mutation est globalement achevee aujourd'hui. L'impot foncier n'est plus un impot sur la richesse.

    Or, son abolition sans instauration d'un nouveau type de taxation sur la richesse impliquerait que les deux autres formes d'impot devraient prendre la releve. L'impot sur le revenu et la taxe a la consommation qui seraient appeles a prendre le relais partagent-ils plus equitablement leur fardeau entre les individus et les entreprises que ne le fait aujourd'hui l'impot foncier ? La taxe de vente du Quebec, qui represente 23% des revenus autonomes de la province (3), est de facon ecrasante payee par les consommateurs. L'impot sur le revenu pose un probleme particulier, puisque les statistiques fiscales y incluent trois formes distinctes : l'impot sur le revenu a proprement parler, la taxe sur le capital verse, qui serait plutot une forme d'impot sur la richesse, et enfin la contribution au Fonds des services de sante, qui est une contribution calculee sur la masse salariale. Malgre ce regroupement de formes distinctes d'imposition, il est pertinent de noter que selon les statistiques fiscales quebecoises, les perceptions centrales du gouvernement du Quebec seraient a 25% payees par l'entreprise (4).

    Lorsqu'on le compare aux autres segments de la fiscalite, le role...

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