Le gouvernement minoritaire et les fonctionnaires.

AuthorGood, David A.
PositionCivil service and minority governments

Il n'y a pas eu de gouvernement minoritaire au Canada depuis une génération et, entre-temps, beaucoup de choses ont changé dans la fàçon de diriger l'administration publique et les activités du gouvernement. Le présent article passe en revue certaines répercussions de l'arrivée du nouveau gouvernement minoritaire libéral sur la fonction publique et sur la façon dont les fonctionnaires s'acquittent de leur travail. Quels défis et quelles possibilités en découlent pour la fonction publique?

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Au cours des 30 dernières années, les gouvernements majoritaires ont dominé la scène: il y en a eu sept, alors qu'il n'y a eu qu'un seul gouvernement na(ner(taire dont le règne n'aura duré que neuf mois--le gouvernement conservateur de Joe Clark en 1979. Cela contraste vivement avec les 17 années antérieures (de juin 1957 à juillet 1974), pendant lesquelles il y a eu cinq gouvernements minoritaires et seulement deux gouvernements majoritaires (1).

Depuis la Confédération et jusqu'à ce jour, il y a eu 10 gouvernements minoritaires. La durée de leur mandat a grandement varié, selon que le parti au pouvoir réussissait ou non à se rallier des appuis parmi les partis d'opposition. Les cinq gouvernements minoritaires libéraux ont cherché et trouvé des partenaires, la collaboration la plus étroite ayant eu lieu au moment du gouvernement minoritaire Trudeau, en 1972. Le NPD forma alors une alliance (et non une coalition) avec les libéraux et les politiques gouvernementales s'orientèrent vers la gauche. Chaque

politique et chaque texte de loi proposés faisaient l'objet de discussions entre les deux partis et le gouvernement libéral ne présentait loi projet de loi qu'après entente, confiant d'obtenir l'appui du NPD pour son adoption. Pendant un an et demi, la Chambre fonctionna donc de manière passablement prévisible. L'arrangement prit fin lorsque le NPD vera contre le budget de John Turner, en 1974, le gouvernement libéral souhaitant sa propre défaite à l'égard d'un budget délibérément établi en vue d'une campagne électorale.

Lors de l'un des deux gouvernements minoritaires de Mackenzie King (1922-1925) et des deux gouvernements minoritaires de Pearson (1963-1965 et 1966-1968), les relations avec les partis d'opposition ne furent pas aussi étroites que lors de l'alliance entre Trudeau et le NPD, en 1972. Néanmoins, ces gouvernements King et Pearson étaient relativement stables. Dans les années 1920, les progressistes de l'opposition avaient certaines affinités avec les libéraux de King (avec lesquels ils s'associèrent par la suite), de sorte que le gouvernement libéral pouvait ajuster ses politiques pour se ménager leur appui. Dans les années 1960, les deux gouvernements Pearson furent relativement stables et productifs. Seul le gouvernement minoritaire de MacKenzie King, en 1926, connut de sérieuses difficultés, lorsque le gouverneur général de l'époque refusa d'acquiescer à la demande de dissolution du premier ministre King en juin, ce qui entraîna la crise constitutionnelle dite >.

Les quatre autres gouvernements minoritaires ont été de courte durée pour différentes raisons. Le gouvernement minoritaire de 1957-1958 ne dura que neuf mois, après lesquels le premier ministre Diefenbaker déclencha une élection, c'est-à-dire dès qu'il fut convaincu de pouvoir obtenir une mijorité. La débâcle du second gouvernement minoritaire Diefenhaker, en 1963, après huit mois au pouvoir, résulta de profondes divisions au sein du Cabinet sur la question de savoir s'il fallait accepter d'installer des ogives nucléaires sur les missiles de défense Bomarc. Les libéraux acceptaient les ogives et plusieurs ministres conservateurs se joignirent à eux pour voter la défaite d'une motion de crédits. Le gouvernement minoritaire de Joe Clark (1979) ne dura que neuf mois, dans une large mesure parce qu'il avait décidé de >. En 1926, le gouvernement Meighen subit la défaite en trois jours, car il devait nommer des ministres par intérim (en vertu du Règlement de la Chambre à l'époque), pratique que King utilisa pour discréditer le nouveau gouvernement.

Notre dixième gouvernement minoritaire

Qu'en sera-t-il de notre dixième gouvernement minoritaire? Personne ne peut prédire avec certitude son degré de stabilité ni sa durée. L'expérience donne à penser que le degré de stabilité et la prévisibilité d'un gouvernement minoritaire dépendent d'un certain nombre de facteurs :

* Le nombre relatif de sièges détenus par le parti gouvernemental et les partis d'opposition;

* Le poids relalif du vote national en faveur du parti gouvernemental et des partis d'opposition;

* L'influence que les partis d'opposition peuvent acquérir en appuyant le parti gouvernemental;

* Les relalions et les écarts idéologiques entre les partis;

* La façon dont chaque parti évalue ses chances de succès dans une nouvelle élection.

Si l'on applique ces facteurs à la situation actuelle, et compte tenu de cc qui s'est passé pour les neuf autres gouvernements minoritaires, j'arrive à la conclusion que, dans l'ensemble, ce gouvernement minoritaire est relativement stable, même s'il est difficile d'en prévoir la durée. Il comporte une fragilité sous-jacente, car il n'a pris aucune disposition pour bénéficier de l'appui d'un seul parti de l'opposition. De fait, le gouvernement dépendra, à des degrés divers, de l'appui qu'il pourra obtenir à différents moments d'un parti ou de l'autre. Même à supposer que soient appliquées les réformes démocratiques proposées auparavant par M. Martin afin de restreindre les votes de confiance au discours du Trône et au Budget des dépenses, celles-ci n'auront pas pour effet d'accroître notablement la stabilité du gouvernement minoritaire. Par conséquent, il faudra largement s'en remettre au savoir-faire, à la bonne volonté et à la coopération des chefs et de leurs partis.

L'électorat semble avoir donné à Paul Martin une deuxième chance après son déplorable échec à gouverner et les importantes lacunes de sa campagne électorale face aux profondes préoccupations du public concernant le scandale des commandites. Mais l'électorat n'a laissé qu'une faible marge de manoeuvre au gouvernement. Abstraction faite des recomptages, les libéraux disposent de 135 sièges (36.7 % du vote populaire), comparativement à 99 sièges (29.6 % du vote populaire) pour les conservateurs. Les libéraux sont représentés dans toutes les régions du pays, bien que leur représentation demeure faible dans les provinces de l'Ouest. Si l'on ajoute leurs sièges à ceux du NPD (qui en a 19, avec 15,7 % du vote), on n'obtient que 154 sièges, soit un de moins que la quantité nécessaire pour obtenir la majorité à la Chambre des communes. Le Bloc dispose de 54 sièges, avec 12,4 % du vote populaire national et 50 % du vote des Québécois. Et il y a un député indépendant. Afin d'obtenir la majorité, le gouvernement devra s'assurer de l'appui du Bloc, des conservateurs, du NPD et du député indépendant ou d'un autre parti, ou encore de tout groupement de 20 députés.

Cela ne ressemble pas à la situation du gouvernement minoritaire Trudeau, en 1972, qui vécut une alliance relativement stable avec le NPD pendant 18 mois. L'importance de l'appui populaire au Bloc séparatiste, équivalant au niveau maximum enregistré immédiatement après l'échec de l'Accord du lac Meech, accroît considérablemenl l'incertitude et accentuera vraisemblablement les tensions régionales. Le premier ministre a clairement indiqué qu'il n'allait pas former d'alliance ou de coalition avec un parti quelconque ou un groupe de partis, mais qu'il entendait collaborer avec tous les partis et essayer d'obtenir leur appui et celui des députés en fonction des différents dossiers étudiés. La population ne semble pas impatiente de retourner en période électorale. Bon nombre d'électeurs qui souhaitaient un gouvernement minoritaire et qui ont voté en ce sens veulent maintenant qu'il se mette au travail.

Qu'en découle-t-il pour la fonction publiquc et la façon dont les fonctionnaires administrent les affaires gouvernementales?

La fonction publique sous un gouvernement minoritaire

Bien entendu, le rôle...

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