Reforme des institutions democratiques : un projet en trois axes.

AuthorDupuis, Jacques P.

Le présent article examine les tentatives récentes de réforme du système électoral du Québec et les projets du nouveau gouvernement élu en 2003.

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Le débat portant sur la révision du mode de scrutin n'est pas nouveau. Rappelez-vous qu'à l'élection de 1966, le parti de la défunte Union nationale avait remporté une majorité de sièges malgré le fait que le Parti libéral de Jean Lesage ait obtenu une pluralité de votes. Cette situation était en fait une réédition de ce qui s'était déjà produit à l'élection de 1944. Dès lors, le débat s'était rapidement porté sur la nécessité de corriger les distorsions produites par la carte électorale, d'une part, et sur la possibilité de modifier le mode de scrutin, d'autre part. Elu en 1970, le gouvernement du regretté Robert Bourassa s'est attaqué rapidement à la refonte de la carte électorale. Cette refonte réalisée par le gouvernement libéral de l'époque demeure la plus substantielle à avoir été adoptée. Cependant, sur la question proprement dite du système électoral, M. Bourassa, dès la course au leadership de 1970, avait fait connaître son opposition à une révision du mode de scrutin en faveur d'un vote proportionnel. Il croyait fermement que le mode de scrutin que nous connaissons, l'uninominal à un tour, permettait de former un gouvernement disposant à tout coup d'une majorité parlementaire suffisante pour gouverner avec assurance et légitimité et qu'il s'agissait là de la vertu principale de notre processus électoral.

Il conserva cette vision du système électoral tout au long de sa carrière. Je crois qu'elle reflétait alors l'opinion majoritaire de la population. Le gouvernement du Parti Québécois s'est, à son tour, montré intéressé à modifier le mode de scrutin. Ainsi. à la fin des années 70, il publiait un livre vert sous la responsabilité du ministre d'alors, Robert Burns.

Devant les résistances, en particulier celle des élus, tant ceux du parti ministériel, d'ailleurs, que celle de l'opposition libérale, le gouvernement renonça à son projet initial et confia à la Commission de la représentation électorale le mandat de réaliser des consultations et de proposer aux élus un nouveau projet. Le modèle de scrutin proportionnel régional alors mis de l'avant n'emporta l'adhésion ni des experts ni des élus--notamment en ce qui concerne ces derniers--parce que l' une de ses conséquences était de rompre le lien direct qui existe entre l'électeur et son député, valeur qui nous paraît avoir encore son mérite aujourd'hui. De plus, la consultation conduite à l'époque n'a pas permis de dégager un véritable appui de la population.

L'élection récente de 1998, nouvelle réédition de celles de 1944 et de 1966, oø les libéraux ne purent obtenir une majorité de sièges malté qu'ils aient remporté la pluralité des votes, combinée au fait que le résultat produisit également une sous-représentation du tiers parti, l'Action démocratique du Québec, contribua à raviver l'intérêt pour la question de la révision du mode de scrutin. Cette lois cependant, la question trouva un écho non seulement au sein des milieux politiques et universitaires, mais également dans la société civile. Sous l'impulsion, entre autres, du Mouvement pour une démocratie nouvelle, la question est demeurée au programme politique de tous les partis. Cet organisme rallie des citoyens de tous les milieux autour de l'idée maîtresse qui consiste à proposer de modifier le mode de scrutin afin que la composition de l'Assemblée nationale reflète avec plus de justesse la volonté exprimée par les électeurs et qu'ainsi, le gouvernement qui en émane corresponde plus justement au vote exprimé. Il s'agit donc d'un changement marqué de l'opinion publique par rapport aux années 70 et 80.

Outre les initiatives du Mouvement pour une démocratie nouvelle, je tiens à mentionner les débats au sein des partis politiques, la consultation partielle de la Commission des institutions sur la révision du mode de scrutin, le document de réflexion de mon prédécesseur sous l'ancien gouvernement, Jean-Pierre Charbonneau, et la tenue des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques. Toutes ces réalisations permettent aujourd'hui au gouvernement de prendre acte d'une volonté réelle, de changement et de baliser les orientations qu' il entend mettre de l'avant dans le cadre du projet de réforme des institutions que le premier ministre a annoncé pour la session du printemps 2004.

Le gouvernement dispose donc de la légitimité nécessaire pour faire progresser le débat, sans toutefois reprendre le tout à zéro, mais en le redéfinissant en fonction des objectifs qui reflètent à la fois ses priorités et sa philosophie d'action. Le projet que nous proposerons et soumettrons à la consultation publique sera, avant tout, pertinent et tiendra compte de nos traditions politiques. Ce sera un projet réaliste et réalisable, la marque de commerce de notre gouvernement.

De manière très concrète, afin de préciser le projet qui est en processus d'élaboration, au sujet duquel nous avons commencé à mener des consultations et qui sera déposé à la session du printemps pour consultation publique, nous devons répondre à trois questions.

Pourquoi modifier nos institutions démocratiques?

En effet, d'une part, les fondements de notre démocratie sont solides et éprouvés : les électeurs peuvent être membres ou non de partis politiques. S'ils...

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