L'article 3 de la Convention de Vienne et les contrats complexes dans le domaine de l'informatique: une lecture de la jurisprudence pertinente.

AuthorBevilacqua, Thomas

La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises a pour but de reglementer objets et mtthodes de vente. Son champ d'application est delimite par son chapitre premier et notamment l'article 3, qtd prtcise la notion de contrat de vente au sens de la Convention en faisant allusion a la distinction entre > et >. Toutefois, a la lumiere du marche actuel, il y a lieu de se demander comment se traduisent ces dispositions. Hus paificulierement, depuis l'tmergence de l'informatique, des problemes de classification se sont posts, parmi lesquels : ou classer les contrats de fourniture de logiciels comportant un 616ment substantiel de prestation de services ?

L'auteur arrive a cette question plus pointue par l'etude de la mise en oeuvre, par les juges et arbitres de diverses juridictions, des limites du champ d'application de la Convention. 11 souligue pour ce faire les obstacles additionnels a l'eclaircissement de la situation, notamment la rarete de la jurisprudence existante sur le sujet et l'absence d'uniformite quant aux considtrations a prendre en compte lors de l'analyse requise par l'article 3 de la Convention. Apres un examen du role de cet article, des problematiques specifiques aux contrats d'integration de systemes, ainsi qu'une etude des contrats de production d'un bien et du traitement que fait la jurisprudence des contrats mixtes, l'auteur conclut qu'il importe de rechercher l'objet essentiel de l'accord tel que voulu par les parties. Il predit qu'un nombre croissant de jugements s'attarderont a cette question, puisque les contrats d'inttgration de systemes sont de plus en plus courants, et espere qu'un consensus international pourra un jour en resulter.

The purpose of the United Nations Convention on Contracts for the International Sale of Goods is to regulate the objects and methods of sale. Its scope is delimited by its first chapter, in particular section 3, which clarifies the notion of a contract of sale within the meaning of the Convention by distinguishing between "sale" and "service". However, in light of the current market, one might wonder how these dispositions play out. More specifically, with the ever-growing presence of computers, certain classification problems have emerged: where should contracts for the sale of software that include a substantial element of service supply be classified?

The author reaches this question by analyzing the limits to the scope of the Convention, as implemented by judges and arbitrators from various jurisdictions. In doing so, he emphasizes the obstacles that remain before the situation can be settled, notably the scarcity of topical jurisprudence and the lack of uniformity in the issues to be considered in the analysis required by section 3 of the Convention. The author examines the role of this section and the problems that are specific to contracts of systems integration; he then conducts a study of the contracts for the production of goods and of the jurisprudential treatment afforded to mixed contracts. He predicts that an increasing number of judgments will focus on this issue, since systems integration contracts are becoming more and more common, and hopes that an international consensus will one day emerge.

Introduction

 I. Cadre general de l'etude A. L'article 3 exclut de la Convention les contrats de services B. L'integration de systemes et autres contrats similaires: un melange de biens et services II. Difficultes d'application de l'article 3 A. L'article 3(1) : l'hypothese des objets specifiques a produire 1. Les regles generales resultant d'une application litterale du premier alinea a. La non-pertinence des services relatifs a la fabrication du bien b. La non-pertinence du caractere specifique du bien 2. Les exceptions jurisprudentielles aux regles generales a. Les services relatifs a la fabrication du bien juges pertinents b. Le caractere specifique du bien juge pertinent B. L'article 3(2) : l'hypothese des services
  1. L'analyse fondee sur le critere economique 2. L'analyse fondee sur l'essence du contrat : biens ou services ?

  2. Le melange des deux modes d'analyse III. L'article 3 applique au domaine des contrats complexes de l'industrie de l'informatique

    1. Contrats portant sur la production de logiciels specifiques

  3. Quelques decisions rejetant l'application de la CVIM

    1. Un bref apercu de quatre decisions b. L'interet de cette jurisprudence 2. Une decision semblant approuver l'application de la CVIM B. Contrats complexes portant sur des ensembles informatiques : le contrat d'integration de systemes

  4. Un exemple rare de la jurisprudence 2. Quelques remarques et suggestions pour evaluer les contrats d'integration de systemes Conclusion

    Introduction

    Cet article a pour objectif general d'examiner la mise en oeuvre par les juges et arbitres des limites du champ d'application de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de merchandises (1), etablies par son article 3, et pour objectif particulier d'etudier les applications de ces memes limites aux contrats conclus dans le milieu de l'informatique comportant un element substantiel de prestation de services.

    La CVIM n'indique pas quel traitement elle reserve aux ventes de logiciels (standards ou a elaborer) ni aux contrats de fourniture de logiciels assortie de materiel informatique ou de l'execution de services connexes. Ceci n'est pas surprenant si nous considerons sa date d'elaboration et son niveau de generalite. En outre, la CVIM ne fournit pas de definition precise ni du terme > ni de la notion de >. Or l'application ou non de la CVIM a ces types de contrats depend, selon ses termes, de la possibilite de qualifier de > une telle operation vue dans son ensemble (2).

    Au lieu de telles precisions, la CVIM se contente d'enumerer a l'article 2 certains biens et operations auxquels elle ne s'applique pas. Cependant, cette liste ne sert pas reellement de guide quant au traitement d'operations dans le domaine de l'informatique : elle exclut notamment les ventes de marchandises achetees pour un usage personnel, les ventes aux encheres et les ventes de valeurs mobilieres, navires, electricite, etc.

    Les deux eclaircissements majeurs que la Convention apporte au sujet de la vente de marchandises et qui nous interesseront dans cette etude se trouvent a l'article 3. Le premier alinea indique que >, sauf dans le cas ou l'acheteur fournirait au vendeur >. Le second alinea enonce que la Convention > (3).

    La question du traitement des logiciels n'a pas ete etudiee au moment des travaux preparatoires de la Convention mais elle n'a pas tarde a se poser une fois celle-ci achevee, alors que l'informatique etait en plein essor. Elle reste aujourd'hui un sujet de debat. Meme si une grande majorite des experts qui ont etudie la question sont prets a inclure les fournitures de logiciels standards (communement appeles >, et comprenant par exemple les CD-ROM que l'on peut acheter par milliers d'exemplaires dans les magasins (4)) dans la categorie de >, comme ils le font aisement pour les disques ou les livres, beaucoup d'entre eux ont bien du mal a justifier une extension du sens de la vente en faveur des logiciels specifiques (c'est-a-dire mis au point sur commande pour repondre aux besoins individuels d'un seul client). Le raisonnement avance est en general le suivant : la prestation de services qu'implique la creation d'un logiciel specifique est d'une telle importance que l'on ne peut legitimement garder la qualification de vente et, en meme temps, s'en tenir aux termes de l'article 3(2) de la Convention.

    Telles sont les donnees du probleme en matiere de vente d'un logiciel specifique. Les choses se compliquent davantage lorsqu'on considere les operations d'integration de systemes et autres contrats informatiques complexes. De quoi s'agit-il? L'integration de systemes a ete definie comme etant l'> (5). Les contrats d'integration de systemes impliquent tres souvent un travail considerable d'elaboration de logiciels specifiques pour completer les logiciels standards retenus dans la solution informatique. A la place d'une creation de programmes, ou en combinaison avec elle, ces contrats comprennent souvent un travail de parametrage de logiciels existants afin de les adapter aux besoins particuliers du client. Enfin, pour faciliter l'exploitation du nouveau systeme elabore >, ces contrats prevoient habituellement des services d'accompagnement a l'exploitation, tels que des seances de formation personnalisee pour nouveaux utilisateurs et de la maintenance (aide telephonique, gratuite des mises a jour, etc.).

    Puisque les contrats portant sur des solutions informatiques complexes comprennent en general, de par leur nature, des services nombreux et divers -- et parmi eux, certains qui sont distincts de la creation ou l'adaptation de logiciels --, l'analyse qui doit etre effectuee en vertu de l'article 3 de la Convention pour resoudre la question de son applicabilite ou non a ces contrats mixtes de biens et services est loin d'etre simple.

    Deux facteurs additionnels compliquent encore cet exercice : d'une part, la rarete de la jurisprudence relative non seulement aux contrats informatiques complexes mais egalement a la seule question de la fourniture de logiciels et, d'autre part, l'absence d'uniformite sur les considerations a prendre en compte en executant l'analyse requise par l'article 3 (et, plus generalement, sur la maniere dont cette analyse doit etre entreprise pour distinguer les contrats de vente des contrats de service).

    Dans l'analyse qui va suivre, nous presenterons un certain nombre de decisions de justice et sentences arbitrales concernant la mise en oeuvre de l'article 3. Ces litiges sont intervenus, pour la plupart, dans des domaines etrangers a l'informatique. Notre ambition premiere est d'isoler un fil directeur coherent qui puisse guider l'analyse de l'article 3 pour les contrats informatiques. Notre constat a l'issue de...

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