L’autorisation d’actions collectives mondiales au Canada : deux solitudes aux antipodes

AuthorÉmilien Morin-Lévesque
Pages233-268
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L’autorisation d’actions collectives mondiales au
Canada: deux solitudes aux antipodes
Émilien Morin-Lévesque
AbstrAct: Over the last two decades, a substantial number of applicants
across Canada have brought motions to certify class actions on behalf
of international classes (i.e. classes including non-Canadian residents).
Considering that Quebec has long been known for its permissive and
liberal authorization standard, it would be fair to assume that the prov-
ince is a favorable land for applicants seeking the authorization of global
class actions. However, following our comparative law analysis, we have
found that it is more arduous for applicants to achieve the authorization
of global class actions in Quebec than it is elsewhere in Canada, for two
main reasons. First, Quebec’s framework to establish jurisdiction over
foreign members is considerably less favorable to petitioners than the
one developed by the Ontario Court of Appeal in Airia Brands and cur-
rently applied in the rest of the country. Second, Quebec courts seem par-
ticularly reluctant to authorize global class actions when they consider
that practical diculties will emerge along the proceedings. Specifically,
the multitude of applicable laws is often seen as an impediment to the
authorization of global classes in Quebec, whereas it does not appear to
be an issue in most Canadian provinces where a wait and see approach
seems rather preferred. Moreover, a recent ruling from the Quebec Court
of Appeal further put the future of global class actions in the province in
jeopardy as the court’s majority developed a new criterion based on the
proportionality principle that increases the applicant’s burden when it
comes to global class actions.
résumé : Durant les deux dernières décennies, un bon nombre de
demandeurs à travers le Canada ont présenté des demandes d’autorisation
d’actions collectives au nom de groupes mondiaux (c.-à-d. des groupes
comprenant des résidents non canadiens). Considérant que le Québec
est reconnu depuis longtemps pour ses critères d’autorisation souples, il
serait tout à fait avisé de supposer que la province constitue la juridiction
canadienne par excellence pour obtenir l’autorisation d’actions collect-
ives mondiales. Or, au terme de notre analyse comparée, nous concluons
qu’au contraire, il s’avère généralement plus ardu pour les demandeurs
d’obtenir l’autorisation de telles actions collectives au Québec qu’ailleurs
au Canada. Deux distinctions fondamentales expliquent ce qui précède.
Premièrement, le cadre d’analyse permettant d’établir la compétence des
tribunaux québécois sur les membres putatifs étrangers est nettement
moins favorable à l’autorisation d’actions collectives mondiales que celui
élaboré par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaireAiria Brands, qui
est actuellement en vigueur dans le reste du pays. Deuxièmement, les
tribunaux québécois semblent particulièrement réticents à autoriser des
actions collectives mondiales lorsqu’ils considèrent que des dicultés
pratiques surgiront en cours d’instance. Précisément, nous avons con-
staté que la multiplicité des régimes juridiques applicables est souvent
perçue comme constituant une barrière à l’autorisation d’actions col-
lectives mondiales au Québec. Inversement, cela ne semble pas être vu
comme un obstacle dirimant dans la plupart des provinces canadiennes
où une approchewait and seeest plutôt préconisée. Puis, dans un arrêt de
2020, la Cour d’appel du Québec a potentiellement mis en péril l’avenir
des actions collectives mondiales dans la province en développant un
nouveau critère, fondé sur le principe de proportionnalité, lequel vient
augmenter considérablement le fardeau incombant au demandeur au
stade de l’autorisation.
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LAUTORISATION D’ACTIONS
COLLECTIVES MONDIALES AU CANADA:
DEUX SOLITUDES AUX ANTIPODES
Émilien Morin-Lévesque*
A. INTRODUCTION
Selon les données fournies par le Fonds monétaire international (FMI), le
produit intérieur brut (PIB) mondial a dépassé les 100 000 milliards de dol-
lars américains pour la première fois de l’histoire en 2022, et ce seuil devrait,
selon toute vraisemblance, être atteint une fois de plus en 20231. Il s’agit
d’une somme résolument exorbitante qui témoigne avant tout du volume
astronomique d’échanges commerciaux effectué tous les jours à l’échelle
mondiale. De toute évidence, un tel contexte est propice à la survenance de
litiges, et ce, parfois entre des parties se trouvant aux quatre coins du globe.
Sans surprise, la procédure de l’action collective est affectée par la réalité de
la mondialisation, et par la complexité qui en découle lorsqu’une action
est intentée au nom de membres résidant dans plusieurs pays.
Autrefois qualifié de havre2, voire de paradis des actions collectives3,
en raison notamment de ses critères d’autorisation souples, il serait tout à
* Émilien Morin-Lévesque a complété son baccalauréat en droit à la Faculté de droit
de l’Université de Montréal en 2022. Il travaille présentement en tant qu’étudiant en
droit au cabinet LCM Avocats inc et il entamera sous peu une maîtrise en droit à
l’Université de Cambridge. Les opinions exprimées dans cet article sont strictement
celles de l’auteur.
1 International Monetary Fund, « GDP, Current Prices », dansWorld Economic
Outlook (April 2023), Washington, DC, 2023, en ligne :https://www.imf.org/
external/datamapper/NGDPD@WEO/OEMDC/ADVEC/WEOWORLD?year=2023.
2 Stuart Kugler et Robert Kugler, « Quebec: The Class Action Haven » (2004) 1:1Can
Class Action Rev 155 à la p 157.
3 Gérald R. Tremblay, « La procédure d’autorisation est devenue trop facile » (2004)
15Le Monde juridique3 à la p 7; voir cependant les réserves émises à ce sujet par la

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