Le ministere des Affaires etrangeres souligne son centenaire.

AuthorDonaghy, Greg

Lorsqu'il est créé par un acte du Parlement britannique en juillet 1867, le Canada n'a pas de ministère des Affaires étrangères, ni même de politique étrangère. Membre semi autonome de l'Empire britannique, il compte sur Londres pour veiller à ses intérêts. Toutefois, comme sir John A. Macdonald le constate rapidement, pour promouvoir les intérêts du pays, une certaine représentation à l'étranger est nécessaire, en commençant par la Grande-Bretagne. En 1880, le premier ministre établit donc un haut-commissariat à Londres, puis ajoute un poste de commissaire du Canada en France deux années plus tard. En 1892, Macdonald crée le ministère du Commerce et, peu de temps après, nomme John Short Larke à Sydney, en Australie, à titre de premier délégué commercial du Canada. Cependant, ces mesures s'avèrent nettement insuffisantes pour s'acquitter des responsabilités internationales de plus en plus importantes du pays. Contrarié par le temps qu'il doit consacrer aux affaires canadiennes aux Etats-Unis, l'ambassadeur du Royaume-Uni à Washington, James Bryce, est d'avis que le Canada a besoin d'une << sorte de Foreign Office >>. Encouragé par sir Joseph Pope, sous-secrétaire d'État à l'époque, le premier ministre Wilfrid Laurier reprend l'idée et crée le ministère des Affaires extérieures en juin 1909. Le présent article retrace l'évolution du Ministère au cours des cent dernières années.

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Ases débuts, le nouveau ministère occupe des locaux exigus situés au-dessus d'un salon de coiffure pour hommes, à l'angle des rues Queen et Bank, au centre-ville d'Ottawa. Joseph Pope, sous-secrétaire d'État, et lord Grey, gouverneur général, auraient tous deux souhaité qu'il soit situé dans l'édifice de l'Est, près du centre du pouvoir. << Il aurait aussi bien pu être installé à Calcutta >>, se plaint amèrement lord Grey, mais l'espace manque, et le Ministère n'en a pas réellement besoin à l'époque. En 1909, il est en effet minuscule et ne compte que six personnes : son tout premier ministre, le secrétaire d'État Charles Murphy, un sous-secrétaire et quatre commis. Il s'agit alors essentiellement d'un bureau de poste colonial << amélioré >>.

<< Une sorte de Foreign Office >> : 1909-1939

Le rôle du Ministère change considérablement en 1912, alors qu'il relève directement du successeur conservateur de Laurier, le premier ministre Robert Borden. Deux ans plus tard, Borden installe les Affaires extérieures dans l'édifice de l'Est. Avide de jouer un rôle plus important dans les affaires impériales, il se tourne vers le Ministère et son premier et brillant conseiller juridique, Loring Christie, pour obtenir des conseils et trouver des arguments afin de parvenir à jouer un rôle plus important au sein des conseils impériaux. Après l'éclatement de la Première Guerre mondiale en août 1914, Borden insiste de plus en plus pour que la Grande-Bretagne consulte les premiers ministres des dominions sur le déroulement du conflit. Christie aide Borden à atteindre son objectif par le biais de la participation du Canada au cabinet de guerre impérial et, en 1919, à la Conférence de paix de Paris, oø le Canada devient membre indépendant de la nouvelle Société des Nations.

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Élu en 1921, le premier ministre libéral William Lyon Mackenzie King souhaite obtenir une autonomie encore plus grande pour le Canada. Il sera aidé par le sous-secrétaire d'État aux Affaires extérieures, O.D. Skelton, qui est nommé en 1925. Homme à la fois modeste et aimable, Skelton est doté d'un sens infaillible pour dénicher des talents. Il recrutera ainsi cinq futurs sous-ministres : Hume Wrong, L.B. Pearson, Norman Robertson, Jules Léger et Marcel Cadieux.

King ouvre des missions à Washington, Paris et Tokyo, alors que Skelton prend des mesures pour mettre sur pied un ministère capable de les soutenir. Il commence par nommer Jean Désy, de l'Université de Montréal, qui devient le premier haut fonctionnaire francophone à l'administration centrale. À compter de 1927, les recrues entrent au Ministère à la suite d'un concours (seuls les hommes peuvent postuler jusqu'en 1947). Skelton cherche et réussit à recruter des agents très qualifiés possédant un diplôme d'études supérieures et pouvant s'acquitter immédiatement de tâches importantes. Trop petit pour se permettre des spécialistes, le Ministère privilégie les généralistes, et cette politique prévaudra encore de nombreuses années.

Lorsque Hugh Keenleyside fait son entrée à l'administration centrale du Ministère en 1928, on l'installe au dernier étage de l'édifice de l'Est, dans un bureau coincé sous les combles. Au cours de l'année qui suit, Keenleyside partage ce minuscule espace dans le grenier--qui est glacial en hiver et << une vraie fournaise >> en été--avec Lester Pearson. Purs produits de l'église, des tranchées de la Première Guerre mondiale et d'Oxbridge, ces deux hommes incarnent parfaitement ces fonctionnaires...

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