Le modele australien de senat.

AuthorUhr, John

L'article qui suit décrit le modèle australien de sénat et examine la question de savoir s'il s'en dégage des enseignements dans le con texte du débat sur la réforme de la deuxième chambre au Canada.

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Les observateurs établissent, à juste titre, des parallèles étroits entre le Canada et 1'Australie. Les deux pays sont d'anciennes colonies britanniques séduites, vers le milieu du XIXe siècle, par le régime parlementaire responsable. Ils sont tous deux des fédérations. Ils sont tous deux membres du Commonwealth. Ils sont tous deux des monarchies constitutionnelles. Et les deux ont eu à lutter pour obtenir bon nombre des droits rattachés à l'autonomie gouvernementale.

Colonie britannique plus ancienne, le Canada a, jusqu'à un certain point, inspiré les colons australiens du XIXe siècle : la << baie du Canada >> à Sydney tire son nom des colons canadiens qui se sont réfugiés temporairement dans cette ville après l'échec initial du combat mené par le Haut-Canada pour obtenir l'autonomie gouvernementale. Les deux pays possèdent une longue expérience de régimes parlementaires stables à la fois à l'échelle nationale et à celle des provinces ou des États, ce qui comprend le recours, têt dans leur histoire, à une deuxième chambre dans les provinces ou les États.

Cela étant, leur évolution a suivi des parcours différents, les colonies ou États australiens manifestant davantage leur volonté de moderniser et de démocratiser leur deuxième chambre. En revanche, le Canada a abandonné l'idée de deuxièmes chambres et seul un État d'Australie (le (Queensland) lui a emboîté le pas.

Depuis quelques décennies, plusieurs États australiens ont réformé leur deuxième chambre pour la rendre conforme au << modèle australien >> lancé par le Sénat national. Voilà pourquoi il convient de situer le Sénat australien dans le contexte d'un ensemble plus vaste de types de bicaméralisme en vigueur dans la fédération australienne. Les partis politiques de ce pays ont appris à se servir du bicaméralisme à leurs propres fins : ils admettent la deuxième chambre dans la structure institutionnelle de la vie politique parlementaire et on présume qu'ils s'en réjouissent, notamment parce qu'elle ouvre à leurs militants des possibilités d'accéder à des charges publiques rémunérées.

Quelques limites

Il importe d'émettre certaines réserves d'entrée de jeu. Le << modèle australien >> incarne la réponse des Australiens aux problèmes qui se sont posés dans leur pays. Il offre peut-être à d'autres pays des enseignements, mais très peu peuvent s'adapter facilement ou sans heurts aux réalités étrangères. En clair, le << modèle australien >> ne s'inspire d'aucun autre et n'est probablement guère exportable à d'autres pays, même à ceux dits de Westminster.

Des commentateurs du régime parlementaire australien rejettent de plus en plus les termes et les catégories du << système de Westminster >> parce qu'en Australie, les pratiques politiques ne ressemblent pas réellement à celles du régime classique de Westminster. La présence d'un sénat élu dans un parlement fédéral profondément ancré dans une constitution n'a rien à voir avec un régime classique << de Westminster >>. Certes, de nombreux gouvernements en appellent des normes de Westminster pour tenter de justifier la primauté du pouvoir exécutif dans ce qu'on appelle, au sens large, un << régime de gouvernement responsable >>. Il est vrai, également, que les partis d'opposition invoquent fréquemment les normes << de Westminster >> pour justifier l'accroissement de la part du pouvoir parlementaire qu'ils revendiquent. Le fait que les gouvernements australiens partagent très rarement des pouvoirs parlementaires considérables avec les partis d'opposition illustre les limites de l'analogie de << Westminster >> dans la vie politique de ce pays.

Les caractéristiques actuelles du << modèle australien >> se sont développées ou affinées tout au long des 107 ans qui ont suivi la création de la fédération australienne en 1901, fruit du travail de plusieurs générations de parlementaires. Ces acteurs ont pris appui sur les fondations constitutionnelles énoncées dans la constitution du Commonwealth de l'Australie, de 1901, mais souvent selon des modalités que n'avaient pas forcément prévues ses auteurs. S'il est vrai que les dispositions immuables de la constitution n'ont guère changé depuis 1901, le fonctionnement concret du Sénat a bien évolué en Australie. Ces modifications institutionnelles découlent, en partie, de changements du droit parlementaire à propos de questions opérationnelles fondamentales, comme les mécanismes électoraux, et, en partie aussi, des ambitions parlementaires des partis politiques qui s'affrontent pour le pouvoir.

L'histoire y est certes pour quelque chose, mais ses hasards comptent aussi, vraisemblablement. Il est possible que certains éléments du << modèle australien >> soient dus à des développements accidentels ou, plus probablement, qu'ils soient la conséquence imprévue de développements presque oubliés. Même l'adhésion de l'Australie à la représentation proportionnelle relève, en quelque sorte, d'un heureux hasard, dont les auteurs travaillistes, à la fin des années 1940, ne soupçonnaient pas les nombreux effets potentiels. L'incidence concrète de ce mélange historique de volonté affirmée et de hasards fait en sorte que la version actuelle du << modèle australien >> constitue un tel amalgame de droit et de politique que les observateurs ne savent trop déterminer quels éléments de ce modèle (par exemple les audiences du Sénat sur le budget des dépenses) seraient applicables une fois isolés de leur contexte historique.

Le contexte constitutionnel et politique

Avant d'essayer de décortiquer le << modèle australien >>, il pourrait être utile de présenter à grands traits les dispositions constitutionnelles officielles et de camper l'ambiance qui se dégage de la présence du Sénat australien dans le contexte politique actuel.

Le Sénat, qui compte 76 membres, est l'une des deux chambres élues, l'autre étant la Chambre des représentants, qui sont au nombre de 150. La constitution fait du Commonwealth d'Australie une fédération de six États; le Sénat est composé, à égalité, de sénateurs de chacun des États. Ceux-ci forment une circonscription électorale élisant plusieurs sénateurs exerçant un mandat fixe de six ans. Les représentants sont élus dans des circonscriptions uninominales qui sont réparties à l'échelle nationale en fonction de la population. Leur mandat est de trois ans, sous réserve d'une dissolution anticipée décidée par le premier ministre.

Les deux chambres se partagent le << pouvoir législatif >> de façon à peu près égale. Malgré des restrictions sur les types de projets de loi que le Sénat peut présenter (par exemple, des projets de loi de crédits ou de loi d'imposition et de taxation) ou modifier (par exemple, le vote de crédits correspondant aux << services annuels ordinaires >> du gouvernement), le pouvoir du Sénat de rejeter des projets de loi est...

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