Pour une nouvelle repartition rationnelle des sieges au Senat du Canada.

AuthorHynes, Aaron
PositionViewpoint essay

La répartition actuelle des sièges au Sénat du Canada n'est pas fondée sur la représentation selon la population, ni sur le principe de l'égalité des provinces, pas plus qu'elle n'est le fruit d'un compromis entre les deux. En fait, cette répartition n'est fondée sur aucun principe ou formule cohérents. C'est un véritable fatras oø se mêlent une vision régionaliste dépassée tout droit sortie du XIXe siècle et des dérogations et modifications subséquentes. L'auteur propose ici trois principes fondamentaux qui pourraient peut-être aider nos futurs dirigeants à repenser la répartition des sièges à la Chambre haute. Premièrement, il faudrait se défaire du régionalisme périmé à la base de la répartition actuelle des sièges au Sénat et attribuer ceux-ci uniquement en fonction des provinces. Deuxièmement, cette répartition devrait, d'une certaine manière, donner un certain poids à l'égalité des provinces en tant que membres de la fédération canadienne. Enfin, dans la mesure oø le nombre de sièges de chaque province dépend d'une variable (comme la population), la Constitution devrait inclure une formule décrivant cette variable au lieu d'attribuer un nombre fixe de sièges à chaque province, afin qu'il ne soit plus nécessaire de modifier la loi fondamentale du pays.

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Actuellement, le Sénat compte 105 sièges. Une province en détient quatre, cinq en ont chacune six, deux en possèdent chacune dix, deux en détiennent chacune vingt-quatre, et les territoires en ont chacun un. Cette répartition est purement arbitraire et n'est fondée sur aucun facteur comme la population, l'étendue géographique, le caractère distinct de la culture ou quoi que ce soit d'autre. De plus, le premier ministre peut nommer quatre ou huit sénateurs supplémentaires pour qu'un projet de loi controversé puisse être adopté. Ces sénateurs supplémentaires ne peuvent provenir de Terre-Neuve-et-Labrador Ou des territoires. De nombreux sénateurs représentent toute une province, mais plusieurs autres choisissent une région précise d'une province comme << division sénatoriale >>. Seul le Québec possède des districts sénatoriaux permanents. D'ailleurs, comme aucun de ces districts n'englobe le Nord du Québec, c'est donc dire qu'officiellement, cette région n'est pas représentée au Sénat.

Il n'est donc pas surprenant que Peter McCormick, directeur du Département de science politique de l'Université de Lethbridge, ait déclaré ce qui suit devant le Comité spécial sur la réforme du Sénat : << [L]orsque j'enseigne à mes étudiants de première année la façon dont les sièges sont répartis au Sénat du Canada, ils rient (1). >>

Un autre politicologue, David E. Smith, a décrit la répartition des sièges au Sénat comme << un dédale de compromis, d'arrangements et d'ententes >> (2).

Tension entre la représentation selon la population et le fédéralisme

Dès qu'il est question de rationaliser la répartition des sièges au Sénat, les politiciens se rangent évidemment du côté de la formule qui donnera le plus de sièges à leur province. Ainsi, ceux qui représentent les provinces populeuses sont enclins à préférer la représentation selon la population, tandis que ceux qui représentent des provinces moins peuplées optent plutôt pour une représentation égale de toutes les provinces. L'opinion des provinces sur la répartition des sièges au Sénat a toujours épousé la courbe des changements démographiques.

Les arguments militant en faveur de la représentation selon la population sont assez simples. Dans une démocratie parfaite, soutient-on, la voix de chaque citoyen devrait avoir une influence égale sur les décisions prises par le pays. Toutefois, dans le contexte d'une fédération, cet argument n'est pas seulement simple, il est simpliste. Il fait complètement abstraction de l'essence même d'une fédération.

Dans une démocratie, chaque citoyen sacrifie une part de sa liberté personnelle en consentant d'être lié par les décisions d'une assemblée élue. En retour, on garantit à tous des droits égaux la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous --, ce qui inclut un droit de vote égal.

C'est ce contrat social démocratique entre les citoyens qu'on retrouve en quelque sorte dans une union fédérale d'États ou de provinces. Chaque membre d'une fédération sacrifie une part égale de son autonomie et conserve les mêmes compétences que les autres membres. Ainsi, de la même manière qu'une vraie démocratie accorde à chaque citoyen des droits égaux, on peut argumenter qu'une vraie fédération accorde à chaque province membre des droits égaux.

À tout le moins, un parlement vraiment fédéral doit être conçu de manière à empêcher qu'il puisse être réquisitionné au service d'une ou deux provinces populeuses. Il serait tout à fait illégitime de permettre que toutes les questions d'ordre fédéral, comme la péréquation et le commerce interprovincial, soient tranchées par un parlement oø deux provinces voisines peuvent s'associer pour contrôler une majorité des sièges dans les deux chambres, ce qui se produirait si la représentation selon la population était adoptée au Sénat. Ce genre de parlement ne serait pas fédéral du tout.

Le fait que l'Ontario compte 90 fois plus d'habitants que l'Île-du-Prince-Édouard ne permet pas de déroger à ce principe fédéral fondamental. En fait, presque tout les parlements fédéraux possèdent une chambre haute qui accorde une représentation égale à tous les États ou provinces membres, peu importe leur population. Aux...

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