La Nouvelle-Zélande: Apprendre comment gouverner en période de coalition ou de gouvernement minoritaire.

AuthorHicks, Bruce M.

À l'instar du Royaume-Uni (1), de l'Australie (2) et de la Nouvelle-Zélande, le Canada est doté d'un régime parlementaire inspiré du modèle de Westminster, hérité de celui en vigueur au palais de Westminster.

Dans ce système parlementaire, aussi qualifié de <>, étiquette créée ici au Canada, la population élit ses représentants à une assemblée législative, et elle choisit un gouvernement. Ce processus répond à un ensemble de conventions constitutionnelles non écrites. Ces conventions dictent précisément par qui et comment les décisions doivent être prises, mais, pour ce qui est des pouvoirs de réserve du monarque ou de son gouverneur général (dissolution du Parlement, prorogation et choix ou renvoi d'un premier ministre), elles sont appliquées de façon différente dans chacun de ces pays.

Ces divergences ont deux origines. En premier lieu, le paysage électoral a évolué dans chacun de ces pays par rapport au système majoritaire qui était la norme. Cette norme était issue du système uninominal majoritaire dans lequel, pour la plupart des pays, la majorité des sièges à l'assemblée allait à un seul parti politique (3). Même l'Australie, qui a abandonné ce système en 1919, a pu très longtemps conserver une présence majoritaire au gouvernement grâce à une coalition semi-permanente de deux partis de droite. Mais, récemment, chacun de ces pays, en commençant par la Nouvelle-Zélande, a vu ses assemblées législatives divisées par de multiples partis politiques.

En deuxième lieu, la culture politique a évolué. La nécessité pour le gouvernement de mettre en place des politiques appuyées par la majorité à l'assemblée (et, par extension, la majorité de la population), le besoin d'équité envers les partis politiques minoritaires, la nécessité d'une plus grande ouverture et reddition de comptes dans la prise de décision gouvernementale et le besoin d'encourager un comportement plus civil dans la vie publique sont autant de pressions qui ont incité divers pays anglo-saxons à revoir leur système électoral et à clarifier les conventions constitutionnelles qui régissent le modèle de Westminster.

Pour répondre aux exigences du public en matière d'équité envers les partis politiques minoritaires et les électeurs qui les appuient, la Nouvelle-Zélande a constitué une commission royale chargée de se pencher sur le système électoral, laquelle a recommandé d'adopter un scrutin mixte avec compensation proportionnelle en 1986. Au cours des élections qui ont suivi, la tenue d'un référendum sur un changement de régime électoral est devenue un enjeu clé et, en 1992, le gouvernement a dû honorer sa promesse électorale, bien qu'il ait annoncé que le référendum ne serait pas exécutoire. Après que 84% des électeurs eurent exprimé le désir de changer de système électoral et que 71% eurent indiqué leur préférence pour le scrutin mixte avec compensation proportionnelle, le gouvernement a tenté de renverser la vapeur en tenant un deuxième référendum. Celuilà serait exécutoire et aurait lieu au cours de l'élection générale de l'année suivante, opposant donc directement les deux régimes électoraux. Malgré une campagne fortement financée en faveur du scrutin majoritaire uninominal appuyé par un grand nombre de membres de l'élite politique et commerciale, c'est le scrutin mixte avec compensation proportionnelle qui a été choisi (54% des voix contre 46). Le Parlement a donc adopté ce dernier régime dès les élections générales de 1996.

Ce qui est particulièrement important, c'est de savoir que l'Assemblée néo-zélandaise a adopté ce nouveau régime électoral sachant bien qu'elle mettrait un terme à la possibilité qu'un parti politique ait la majorité au Parlement national. Cela signifierait également que soit des gouvernements de coalition (norme dans la plupart des démocraties parlementaires qui ont des systèmes électoraux où aucun parti politique n'a la majorité), soit des gouvernements minoritaires dans lesquels il faudrait négocier l'appui sur des dossiers financiers (crédits) et les questions de confiance à l'issue des élections pour être sûrs que le gouvernement dispose du soutien du Parlement avant d'être assermenté (la norme dans la plupart des gouvernements minoritaires hors Canada).

La première chose que les élites néo-zélandaises ont faite a été d'entreprendre des recherches comparatives pour se préparer à la transition. Comme on pouvait s'y attendre, c'est le milieu universitaire qui a commencé. Mais, rapidement, les différents organes du gouvernement, notamment le gouverneur général, le Parlement et la fonction publique s'y sont également mis. Ils ont donc effectué des voyages outre-mer et commandé des analyses sur des questions comme la formation du gouvernement et les conventions constitutionnelles.

De toute évidence, le premier enseignement à tirer de l'expérience néo-zélandaise est l'importance de recherches comparatives pour se préparer à toutes les éventualités. Mais cette expérience soulève également une question importante, à savoir si, même avec cette préparation, ces recherches et cette planification, la Nouvelle-Zélande s'est bien tirée d'affaire et quels étaient les écueils rencontrés.

C'est sur le plan politique que la Nouvelle-Zélande a obtenu de piètres résultats; malgré la planification, il a fallu du temps aux politiciens pour maîtriser l'art de la formation des gouvernements et l'administration de ces derniers. Suivent les quatre aspects où la Nouvelle-Zélande a obtenu de bons résultats :

i. elle a choisi des gouverneurs généraux capables d'interpréter les conventions constitutionnelles et de les appliquer équitablement et, dans le cas du premier, a eu suffisamment d'assurance pour rompre avec la tradition et aider de manière impartiale les médias et la population à comprendre la Constitution et le processus;

ii. elle a établi des plans au niveau de la bureaucratie pour atténuer l'incertitude entourant un système de gouvernement qui était caractérisé auparavant par une dichotomie efficiente sur le plan du leadership politique;

iii. elle a publié un Cabinet manual permettant à tous les acteurs politiques de s'informer sur ces conventions et d'améliorer le document en réponse aux difficultés imprévues que le premier Parlement divisé a rencontrées dans la gouvernance de coalition;

iv. elle a éclairci dès le départ les règles entourant les gouvernements intérimaires afin d'assurer aux marchés financiers qu'un gouvernement était toujours en place, capable d'intervenir en cas de crise, tout en suscitant la confiance dans la direction politique et convaincre la population que ce gouvernement ne saurait être paralysé par une décision de l'ancien gouvernement pendant qu'il recherche d'autres configurations.

Ces cinq points seront examinés dans l'ordre dans les sections qui suivent.

Formation du gouvernement

Même si les partis politiques savaient au moment des élections générales de 1996 qu'aucun parti ne gagnerait la majorité des sièges et avaient reconnu qu'un gouvernement de coalition était probable et légitime, leur expérience avait été acquise au sein de gouvernements majoritaires et ils ne savaient ni négocier ni susciter la confiance essentielle pour assurer la stabilité d'un gouvernement.

La décision prise en Nouvelle-Zélande était d'adopter un scrutin mixte avec compensation proportionnelle dans le cadre des conventions constitutionnelles existantes inspirées du modèle de Westminster. Il s'agissait d'un choix délibéré. Le gouvernement parlementaire responsable s'appuyait sur la reddition de comptes de l'exécutif devant le Parlement, ce qui avait toujours mené à des négociations entre les partis lorsqu'aucun n'avait la majorité des sièges. Mais cela s'était produit dans le contexte d'un gouvernement majoritaire attendu à chaque élection.

En vertu de l'article 19 de la Constitution de 1986 néozélandaise, le Parlement national doit tenir sa première réunion dans les six semaines qui suivent le retour des brefs en cas d'élections générales; selon l'article 17, la législature se termine trois ans après le retour des brefs, sauf dissolution antérieure du Parlement par le gouverneur général. La brève durée des législatures signifie qu'élection éclair et prorogation ne sont pas problématiques en Nouvelle-Zélande.

Lors des premières élections au scrutin mixte avec compensation proportionnelle, en 1996, le Parti national a remporté 44% des sièges, les travaillistes 37, New Zealand First 17, l'Alliance 13, ACT 7 et United New Zealand 1. New Zealand First a commencé les négociations avec les deux plus importants partis. En raison du peu d'expérience de ce type de négociation, l'exercice a été incertain et prolongé (4). Pour Boston et Church ces négociations ont constitué une tentative par NZ First de tenir le pays en otage (5). Il a fallu deux mois pour négocier un gouvernement de coalition.

La première réaction à cette formation de gouvernement longue et chaotique a été que les universitaires et les politiciens sont revenus sur leur première conclusion, qui consistait à honorer les conventions constitutionnelles existantes inspirées du modèle de Westminster. Parmi les nombreuses recommandations avancées, on a proposé que, après l'élection, le gouverneur général nomme le chef d'un parti politique le plus susceptible de former un gouvernement ou, autrement (de manière à tenir le gouverneur général audessus de la mêlée politique), de demander au Président du Parlement de choisir le chef du parti pour qu'il s'essaie (6). En définitive, les conventions constitutionnelles sont restées inchangées, essentiellement du fait que le gouverneur général a rassuré à maintes reprises les Néo-Zélandais de la viabilité de ces règles.

Former un gouvernement de coalition est une chose. Gouverner dans ce type de régime en est une autre, et il faut pour cela bâtir la confiance, comprendre les règles et disposer de mécanismes de règlement des conflits efficaces. Le plus difficile est d'établir un lien de confiance avec le parti minoritaire. Il...

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