L'obligation fiduciaire et les deputes federaux.

AuthorAagaard, Lindsay

Aucune description de travail n'existe pour la fonction de député. Les politicologues, les fonctionnaires et les politiciens eux-mêmes tentent depuis longtemps de définir le dosage complexe d'obligations morales et éthiques qu'on devrait respecter dans la relation entre les électeurs et les politiciens élus. Le présent article se penche donc sur la notion de responsabilité ou >, au sens des obligations que les députés ont envers leurs électeurs. L'auteure définit, dans un premier temps, les notions de relation fiduciaire et d'obligation fiduciaire et résume brièvement comment, du point de vue du droit, la notion de relation fiduciaire a dépassé son acception d'origine de relation entre des fiduciaires et des bénéficiaires. Elle examine ensuite les obligations de nos représentants élus et présente les arguments militant en faveur de l'application de l'obligation fiduciaire aux membres élus du Parlement. Finalement, elle passe en revue les conséquences de cette application de l'obligation fiduciaire, en expliquant précisément les avantages et les inconvénients d'un tel changement. Cette démarche nous donne l'occasion d'étudier de manière plus approfondie la relation qui existe entre le député et le citoyen, c'est-à-dire de se pencher sur les fondements mêmes de cette relation et de découvrir--grâce à la notion d'obligation fiduciaire--qu'il existe un seuil légal et minimal de responsabilité auquel tous les députés devraient se conformer.

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L'obligation fiduciaire est une notion qui a évolué à partir de l' > (principes d équité), un domaine du droit autrefois distinct de la common law et qui maintenant en fait partie. Les principes et recours en equity étaient auparavant régis par l'ancienne Cour de chancellerie, et le principe d'obligation fiduciaire est apparu pour la première fois dans Walley v. Walley, un arrêt anglais de 1689. Comme le veut la maxime, >; on considère donc que les valeurs qui sous-tendent l'équité sont tout simplement la bonne conscience, la raison et la bonne foi. L'equity a été conçu pour servir de complément à la common law, là oø l'application stricte de la loi existante causerait en fait plus d'injustice qu'elle ne rendrait justice. Pour reprendre les propos de lord Denning, >. Selon la juge en chef Beverley McLachlin, le Canada a adopté cette conception de l'equity avec enthousiasme (1).

Définition

À l'origine, le terme > signifiait >. > est l'obligation de loyauté d'une partie en relation de pouvoir par rapport à une partie plus vulnérable lorsque celles-ci sont liées par une relation fiduciaire. Cette dernière peut aussi être décrite comme un outil servant à imposer des obligations aux personnes qui détiennent un pouvoir sur les intérêts d'autrui. Comme Leonard Rotman l'a écrit : > (2). L'obligation fiduciaire a déjà été décrite comme >, et elle est considérée par de nombreux universitaires comme le moyen par lequel les normes et les moeurs sociales sont inscrites dans la loi, et par lequel > (3). Le droit fiduciaire a donc pour résultat d'imposer des obligations, sous la forme d'une norme de conduite, afin de régir le comportement des personnes en position de pouvoir (4).

Indices de l'arrêt Frame concernant les relations fiduciaires

La notion d'obligation fiduciaire, qui découle d'une relation fiduciaire, pose, encore à ce jour, un probléme pour les tribunaux. Bien qu'elle ait été décrite comme ayant > et une malléabilité inhérente, un guide sommaire qui s'appuie sur la jurisprudence a été établi afin de circonscrire plus facilement la catégorie des relations fiduciaires institutionnelles (5). Dans l'arrêt Frame c. Smith, la juge Wilson a tracé les grandes lignes d'un guide > qui définit les caractéristiques générales d'une relation fiduciaire. Tout d'abord, le fiduciaire >. Ensuite, le fiduciaire peut >. Enfin, le bénéficiaire est > (6).

Ce guide a été accepté et utilisé dans plusieurs causes importantes entendues par la suite, dont Hodgkinson c. Simms. Dans cet arrêt, le tribunal a reconnu que ce guide s'avérait le plus utile lorsqu'on cherchait à établir une toute nouvelle catégorie de relation fiduciaire. De plus, le tribunal a fait valoir que ce guide donnait d'importants indices qui aidaient à établir la présence d'une relation fiduciaire et aussi qu'il ne devait pas être considéré comme une liste d'éléments essentiels (7).

Dès qu'on a établi qu'il y avait relation fiduciaire, l'> (8). Cette ligne de conduite vient donner corps à la >, qui est présente dans la doctrine de la relation fiduciaire, et exige, à tout le moins, qu'un fiduciaire n'intervienne pas lorsqu'il y a conflit entre ses intérêts et ses obligations envers un bénéficiaire, et qu'il renonce à tirer profit de sa position. Il y a violation d'obligation fiduciaire lorsqu'il y a eu >, c'est-à-dire lorsque les fiduciaires font passer leurs intérêts avant ceux des personnes qu'ils sont tenus de servir (9).

Application de l'obligation fiduciaire aux députés

Comment pourrait-on soutenir qu'un député a établi une relation fiduciaire avec ses électeurs? L'évolution de la notion de relations fiduciaires > au-delà de la notion de relation fiduciaire-bénéficiaire directe s'est produite au fil de nombreuses années dans les tribunaux canadiens. Par exemple, l'obligation fiduciaire a été étendue par la loi aux administrateurs d'une entreprise, exigeant d'eux qu'ils agissent de bonne foi et au mieux des intérêts de l'entreprise. On a aussi jugé que les parents avaient une obligation fiduciaire envers leurs enfants à certains égards.

Donc, dans le cas des députés, la première question à se poser est : > Les députés sont assujettis à un nombre incalculable d'obligations incontournables et tout à fait prévisibles. Ils ont des obligations envers leur association de circonscription, leur parti, leurs partisans et le pays dans son ensemble. Par exemple, au début du processus électoral, chaque membre d'un parti doit, s'il souhaite se porter candidat, s'engager--de façon implicite ou explicife--à respecter les règles de la formation politique. Bien que l'étendue de la discipline de parti fasse toujours l'objet d'un débat, le concept d'esprit d'équipe et les diverses > qu'accumule un député élu à Ottawa font encore naturellement partie de la vie politique. Toutefois, ces obligations--qui sont extrêmement variées et qui font partie de la réalité quotidienne des députés--ne viennent que s'ajouter à au moins trois autres obligations primordiales dans notre régime démocratique : les obligations envers la Couronne, les obligations concernant la primauté du droit et les obligations envers les électeurs.

Obligations envers la Couronne

Le statut de monarchie constitutionnelle du Canada ressort clairement dans le serment d'allégeance que doivent prononcer les députés au début de chaque mandat. Étant donné que la reine est le chef de l'État, les travaux parlementaires sont accomplis en son nom. Toutefois, comme Eugene Forsey le fait remarquer, l'autorité nécessaire à l'accomplissement de ces travaux émane des citoyens--les électeurs--, comme nous le verrons d'ailleurs sous peu. Énoncé à la cinquième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867, le serment exige que le député soit > et porte > à Sa Majesté, et il a été prévu pour garantir la suprématie du monarque britannique dans tous les domaines (10). Le serment d'allégeance est une manifestation à la fois officielle et essentiellement impérative d'une obligation qui se trouve au coeur de notre système de gouvernement : l'obligation d'être loyal au souverain. L'allusion au souverain dans le serment ne signifie pas que les députés doivent être loyaux à la reine personnellement, elle sert plutôt à évoquer la reine en tant que >. Comme l'a écrit James Robertson, les élus occupent des postes de confiance et, en prêtant le serment d'allégeance, ils promettent de se conduire de façon > (11).

Ce serment représente donc un élément central du statut de monarchie constitutionnelle du Canada. Toutefois, il faut souligner que le mode de fonctionnement du serment contribue aussi à rehausser l'importance du rôle joué par les électeurs. En effet, comme l'écrit Robertson, la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne indique que le serment a pour objet de permettre à un député d'occuper son siège à la Chambre (12). Toutefois, pour être admis à prêter serment, le député doit d'abord avoir été dûment élu. On peut donc dire que ce n'est pas le serment qui confère à une personne la fonction de >, mais qu'il permet plutôt aux députés--après avoir été dûment élus--de bien s'acquitter de leurs fonctions. Car, au bout du compte, s'ils n'ont pas prêté serment, les députés ne peuvent pas siéger à la Chambre et sont donc incapables de participer aux travaux du Parlement. Le serment fait partie des exigences qui découlent logiquement de l'engagement d'un député, et l'allégeance à la Reine constitue, par conséquent, un élément essentiel de la fonction de député. Il convient toutefois de noter que, s'il n'a pas prêté serment, un élu demeure tout de même le représentant de ses électeurs.

Obligations liées à la primauté du droit

L'importance de la primauté du droit dans notre société et notre système de gouvernance a été établie clairement dans plusieurs décisions judiciaires importantes...

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